BEYROUTH: Encore un incident qui met en lumière la crise énergétique au Liban, un pays ravagé par une crise économique qui s'est transformée en crise sociale: le ministre libanais de l'Énergie, Walid Fayad, a récemment été agressé dans la rue après une montée des tensions sociales, notamment à la suite du naufrage d'un bateau de migrants ce week-end à Tripoli.
En tant que figure actuelle d'un ministère défaillant, la question de savoir si M. Fayad fait partie du problème ou d'une solution potentielle est légitime. Quoi qu’il en soit, un grand souci persiste dans la vie quotidienne des Libanais: l'accès à l'électricité.
L'énergie fournie est de l'ordre de deux à trois heures par jour. Les générateurs électriques aident à combler le fossé en fonction de la disponibilité du carburant et des fresh dollars, ce qui renforce les disparités sur les plans économique, financier et social.
Dans un contexte d'absence persistante de solutions à la pénurie d'électricité, un ministère défaillant d'un mandat à l'autre au cours des quinze dernières années, le manque de qualification, le haut niveau de corruption, en plus de la pénurie de carburant et de la difficulté d'y accéder même dans l’économie souterraine (à différents intervalles), sont autant de facteurs qui incitent les gens à se tourner vers les énergies renouvelables. La décision est motivée par le besoin plutôt que par une conscience environnementale.
Un marché en croissance
L'augmentation de la demande a entraîné une augmentation rapide de l'offre, et les entreprises d'énergie solaire, les entrepreneurs et les particuliers tentent désormais de s'approprier une part d'un marché en pleine croissance.
Le Centre libanais pour la conservation de l’énergie (LCEC), l'agence nationale de l'énergie pour le Liban, agit en tant que bras technique du ministère de l'Énergie et de l'Eau.
Avec l'expansion du marché, la réglementation s’avère cruciale. Le LCEC est un point de référence dans l'effort de transition énergétique, se concentrant sur le développement de stratégies d'efficacité énergétique et de plans d'action sur les énergies renouvelables pour atteindre la sécurité énergétique à des niveaux décarbonés.
Il y a une tendance à la transition vers les énergies durables et renouvelables, comme en témoignent les engagements renouvelés de la Cop26 à l'échelle mondiale, la stratégie Net Carbon des Émirats arabes unis pour atteindre la neutralité carbone et le plan de la vision 2030 de l'Arabie saoudite dans la région. Au Liban, cependant, le pays est en train de passer de l'absence d'électricité aux énergies renouvelables.
La transition implique les secteurs privé et public à parts égales. L’année 2021 a enregistré la plus forte demande de systèmes photovoltaïques, avec les projets de plus petite capacité constituant la plupart des installations: 44 910 installations dans la gamme 0-100 kWp, soit 50% de la capacité totale installée à la fin de 2020, contre 19% d’installations dans la gamme 800-1000 kWp.
Malgré une réduction des prix d'installation, sur une base $/kWp, les systèmes PV sans capacité de stockage continuent d'être moins chers que les systèmes PV avec capacité de stockage.
Comment choisir un système PV?
- Type: (on/off grid, hybride), le kWp et la surface disponible
- Matériel: type de panneau, onduleurs, batteries et garantie
- Prestataire: service avant et après-vente
Néanmoins, il y a une augmentation de la demande de systèmes photovoltaïques avec une capacité de stockage motivée par la nécessité d'assurer un approvisionnement continu en énergie. Au cours des dernières années, les préférences sont passées de la réduction de coûts à l'investissement dans le matériel: type de panneau, onduleurs et batteries.
Cet exercice est une tentative d'augmenter l'approvisionnement énergétique quotidien et de couvrir les besoins énergétiques des jours les moins ensoleillés, en utilisant des batteries et des mécanismes de panneaux solaires qui captent l'énergie, pour une transmission en fonction du besoin en énergie.
La durée de vie utile des panneaux solaires peut aller de dix à vingt ans, voire plus en fonction de la qualité de l'équipement et de la régularité de l'entretien.
Pour les installations produisant jusqu'à 1,5 Mw pour un usage personnel, l'obtention d'un permis n'est pas requise, mais les exigences en matière de santé et de sécurité doivent être respectées. Le ministère de l'Énergie et le ministère de l'Intérieur ont mis en place un mécanisme facilitant la mise en œuvre des projets permettant une réglementation du marché, conforme aux lois applicables et encourageant cette transition énergétique.
Défis face à la croissance rapide des solutions d'énergie renouvelable
Le dernier investissement dans des centrales électriques par le gouvernement remonte à 1998, avec un taux de KwH fixé sur la base de 20 dollars (1 dollar = 0,95 euro) le baril.
Du point de vue du financement, «avant 2019, les prêts verts étaient accessibles aux utilisateurs/end users (résidentiels, commerciaux ou industriels), avec une payback period de quatre à cinq ans. Aujourd'hui, les mécanismes de financement ne sont plus disponibles pour les projets d'énergie renouvelable, ce qui alourdit la charge de l'utilisateur/investisseur. Les projets ne sont rendus possibles que grâce à un paiement en espèces (fresh dollars; cash payment)», explique Jad Zeineddine, cofondateur et responsable des ventes chez Matrix Power Network SAL.
En plus de la crise financière, la Covid-19 a eu un impact négatif sur le secteur de l'énergie en perturbant la chaîne d'approvisionnement mondiale.
La pandémie a limité l'accès au matériel de niveau A, ce qui a inondé le marché de panneaux solaires, d'onduleurs, de batteries et d'autres accessoires de qualité inférieure. Cela a entraîné une concurrence au niveau des prix, ces produits étant de 10% à 30% moins chers que les produits de niveau A (certifiés, conformes, fabriqués par des producteurs de niveau A), ainsi qu’une qualité incontrôlée des produits sur le marché, en concurrence avec les principaux contrat d'ingénierie, de fourniture des équipements et de construction (EPC).
La dévaluation de la livre libanaise à partir de 2019 et la fluctuation des prix des matières premières «influencent les offres et réduisent leur durée de validité, ce qui exerce une pression sur le client pour qu'il prenne la décision d'investissement dans les systèmes PV», ajoute Jad Zeineddine.
Au niveau micro, les défis se traduisent également par une fluctuation de la durée et des coûts de fabrication et d'expédition. «Le coût d'expédition vers Beyrouth est l'un des plus élevés de la région», confirme Jad Zeineddine. À l'arrivée des équipements au Liban, l'absence d'encadrement clair des droits de douane et taxes pousse les EPC à ajouter des contingencies (imprévus) à ces coûts, au risque de perdre des parts de marché dans un environnement de plus en plus concurrentiel.
Au niveau macro, le pays est à la traîne en termes de développement d’infrastructure et d'approvisionnement en eau et en énergie. Aujourd'hui, les acteurs du marché et les organismes de réglementation tentent de combler les lacunes existantes.
«Les solutions d'énergie renouvelable ne sont pas des solutions temporaires, ce sont des investissements à long terme qui ont un impact positif, et notre rôle en tant qu’EPC est de remplir nos responsabilités sociales et d'aider à améliorer la vie des gens», conclut Jad Zeineddine.