Boitillants ou hagards, les seniors, grands oubliés de la guerre en Ukraine

La souffrance, physique et/ou mentale, semble omniprésente parmi les seniors rencontrés par l'AFP au foyer de Dnipro (Photo, AFP).
La souffrance, physique et/ou mentale, semble omniprésente parmi les seniors rencontrés par l'AFP au foyer de Dnipro (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 20 avril 2022

Boitillants ou hagards, les seniors, grands oubliés de la guerre en Ukraine

  • L'homme au regard hagard déambule lentement, la manche gauche de son survêtement gris repliée au niveau de l'aisselle, dans le couloir d'un foyer d'accueil de Dnipro
  • Cet ancien conducteur de train peine toutefois à expliquer ce qui lui est arrivé

DNIPRO: "Le 21 mars, je suis sorti de chez moi pour aller fumer. Un obus est tombé. J'ai perdu mon bras." Agé de 71 ans, Vladimir Lignov, incarne malgré lui le destin tragique des seniors ukrainiens, victimes invisibles de la guerre ravageant leur pays.

L'homme au regard hagard déambule lentement, la manche gauche de son survêtement gris repliée au niveau de l'aisselle, dans le couloir d'un foyer d'accueil de Dnipro, la grande ville du centre de l'Ukraine, devenue l'un des principaux hubs humanitaires du pays.

Cet ancien conducteur de train peine toutefois à expliquer ce qui lui est arrivé. Qui a tiré l'obus l'ayant fauché à Avdiivka, pôle industriel de la région de Donetsk, dont Moscou a fait l'une de ses priorités? De quelle guerre a-t-il été la victime?

"Je ne comprends pas ce qui se passe. Dans une semaine je dois changer de pansement à l'hôpital de Myrnorad (en pleine zone de conflit, où il a été amputé, NDLR). Mais ici ils me disent que je dois partir dans trois jours", répète-t-il en boucle.

"Peut-être que je ferais mieux d'aller au cimetière. Je ne veux pas continuer à vivre", soupire l'estropié, alors que passe devant lui un vieil homme boitillant, un bonnet bleu et rouge à rayure vissé sur le chef.

La souffrance, physique et/ou mentale, semble omniprésente parmi les seniors rencontrés par l'AFP au foyer de Dnipro, une maternité hors d'âge rouverte à la hâte en mars pour accueillir temporairement les déplacés internes.

Lors de l'arrivée d'une fourgonnette en provenance du front de l'Est, trois personnes âgées gémissent de douleur alors que des volontaires redoublent pourtant de précautions pour les extraire du véhicule et les asseoir sur des chaises roulantes.

«Oubliés»

Les comportements d'autres passagers sont erratiques. Un vieil homme, l'air K.O debout, se rue sur ses cigarettes dès qu'il met pied au sol. Puis il rassemble ses affaires à la hâte, comme s'il devait repartir en urgence, alors qu'il vient de rejoindre un lieu enfin sécurisé après des semaines d'enfer.

"Le plus difficile, c'est ceux qui ont passé beaucoup de temps dans des caves", observe Olga Volkova, la directrice bénévole du centre, où sont accueillis 84 pensionnaires, dont 60% sont âgés. "Beaucoup de gens sont restés tous seuls. Avant la guerre, on les aidait, mais là, ils sont été livrés à eux-mêmes."

Les personnes âgées sont "souvent oubliées, très vulnérables" durant les conflits, confirme Federico Dessi, le directeur pour l'Ukraine de l'ONG Handicap international, qui fournit des équipements et va aider financièrement le foyer de Dnipro.

Généralement "coupées du reste de leur famille" et "parfois incapables d’utiliser un téléphone ou de communiquer", elles sont particulièrement "démunies" du fait des incertitudes liées à la guerre, souligne-t-il.

Aleksandra Vassiltchenko, une Russe d'Ukraine, 80 ans depuis une semaine, est plus chanceuse que la moyenne. Solide sur ses jambes malgré de nombreuses maladies, son petit-fils vient la chercher dès son arrivée au foyer de Dnipro.

Un réconfort évident pour la pétulante senior, après des semaines passées "seule dans (son) trois pièces" de Kramatorsk (Est), où une frappe russe contre la gare a récemment fait au moins 57 morts.

Prévoyante, l'octogénaire avait fait des provisions de nourriture. Mais "j'étais tout le temps cachée dans la salle de bain (...) Je pleurais constamment. J'étais emprisonnée chez moi", raconte-t-elle, tout en souhaitant "la mort" de "Vladimir Vladimirovitch" Poutine "et de ses enfants".

Zoïa Taran, assise sur un lit, les mains cramponnées à son déambulateur, fait également partie des seniors favorisés, malgré un seul rein en état de marche, une station debout plus que flageolante, du diabète et une vue extrêmement basse.

Son fils Vitali, un ancien rockeur, a abandonné "le show business", selon ses mots, il y a près de deux décennies pour se consacrer à sa mère. "Je suis une vieille babouchka", sourit-elle, "il est mes yeux, mes mains et mes jambes".

«Trois guerres»

Alors quand les bombes se sont rapprochées de Sloviansk, elle qui voulait rester chez elle jusqu'au bout a décidé de partir pour "sauver son fils". "Pourquoi avons-nous besoin de cette guerre? Que veulent-ils de nous?", sanglote-t-elle.

D'après Handicap international, qui cite des chiffres des autorités ukrainiennes, quelque 13.000 personnes âgées ou handicapées se sont installées dans la région de Dnipro depuis le début de l'invasion russe, et plus d'un demi-million y ont transité.

La "maison de la pitié", un ancien dispensaire devenu refuge pour nécessiteux, a dès lors accueilli des évacuées de Marioupol, la ville martyre du Sud, avec leurs enfants, mais aussi des anciens de l'Est.

"Si vous créez dix nouveaux établissements comme le nôtres, ils seront tout de suite pleins", remarque Konstantin Gorchkov, qui tient le centre avec sa femme Natalia.

Trente nouveaux pensionnaires se sont ainsi ajoutés à la centaine de résidents. Dont Ioulia Panfiorova, 83 ans, originaire de Lyssychansk, dans la région du Lougansk (Est), autre objectif prioritaire de Moscou.

L'ancienne professeure d'économie raconte les trois obus tombés près de chez elle, qui ont fait exploser ses fenêtres.

"C'est ma troisième guerre", après 1939-45, le conflit débuté en 2014 dans le Donbass, dont Lougansk et Donetsk font partie, et celui qui vient de démarrer, rappelle-t-elle.

"En 1943, Lyssychansk a été libéré des nazis, et je m'en souviens très bien (...) Notre pays avait été envahi, comme il l'est aujourd'hui. Sa liberté était menacée, comme aujourd'hui. Notre liberté et notre indépendance sont en péril. Il faut nous battre pour elles", lance-t-elle. "Mais c'est tellement effrayant..."


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.