JOHANNESBURG : Une semaine après le début des intempéries en Afrique du Sud qui ont fait 443 morts, des habitants de Durban sur la côte est sont toujours sans eau ni électricité lundi, l'armée ayant déployé 10 000 soldats pour prêter main forte aux secours.
Les fortes pluies ont entraîné des crues et des glissements de terrain meurtriers. La plupart des victimes ont été enregistrées dans la région de la ville portuaire de 3,5 millions d'habitants dans le KwaZulu-Natal (KZN) ouverte sur l'océan Indien. Quelque 63 personnes sont toujours portées disparues.
La région connaît une accalmie des précipitations depuis la veille, mais des milliers de personnes ont tout perdu dans l'effondrement de leur maison. Des familles ont été décimées, des enfants sont morts ensevelis dans les décombres.
Afrique du Sud: les facteurs qui ont mené aux pires inondations du pays
Quels sont les facteurs qui ont mené ce pays généralement épargné par les tempêtes cycloniques qui touchent régulièrement ses voisins comme le Mozambique ou Madagascar à une catastrophe naturelle sans précédent ?
Quel rôle du changement climatique ?
Contrairement aux cyclones qui s'abattent régulièrement sur la région, cette tempête n'était pas tropicale, selon les météorologues.
Le pays a été frappé pas de fortes pluies et une vague de froid, un système dépressionnaire appelé "cut-off low" qui peut provoquer de fortes pluies, de la grêle, des vents forts ou encore de fortes chutes de neige.
"Ce phénomène est fréquent en automne et au printemps et sa force varie", explique Puseletso Mofokeng, de l'Institut national de météorologie sud-africain. Une dépression froide similaire en avril 2019 avait tué 85 personnes dans les provinces du KwaZulu-Natal et de l'Eastern Cape.
Si le phénomène est connu, l'intensité cette fois a été exceptionnelle. Et là, les experts pointent le réchauffement climatique.
Selon un récent rapport des Nations unies, des inondations exceptionnelles qui se produisaient jusqu'ici une fois tous les cent ans pourraient survenir plusieurs fois chaque année d'ici 2050.
Une région propice aux inondations ?
Ouverte sur l'océan Indien et bordée de collines avec des gorges et des ravins, Durban est géographiquement propice aux inondations, explique Hope Magidimisha-Chipungu, urbaniste de l'université du KwaZulu-Natal.
Et si le sol n'est pas "stable dans les zones vallonnées, il est évident qu'il y a des glissements de terrain", ajoute-t-elle.
Selon certains, le système de drainage des eaux pluviales ne fonctionne par ailleurs pas bien faute d'entretien, ce qui a été contesté par les autorités de la ville vieille de 187 ans.
D'autres villes en Afrique du Sud sont en proie à des phénomènes climatiques extrêmes. Sur la côte sud-ouest, Le Cap souffre de sécheresse.
"Toutes les prédictions et les modèles montrent que les zones humides deviendront plus humides et les zones sèches, plus sèches", met en garde Mme Galvin.
L'aménagement du territoire en cause ?
Les quartiers les plus pauvres ont été durement frappés par les inondations. Environ un quart des 3,9 millions d'habitants de l'agglomération de Durban vivent dans 550 quartiers informels autour de la ville. Au moins 164 d'entre eux ont été construits sur des plaines inondables, selon Mme Galvin.
"L'aménagement du territoire et l'héritage de l'apartheid ont relégué les pauvres dans la périphérie et dans les zones à faible altitude", le long des berges, ajoute-t-elle.
Durban est par ailleurs une des villes sud-africaines à la croissance la plus rapide. Des vagues de migration économiques massives et non planifiées ont créé des pénuries de logements, ce qui a entraîné la prolifération d'habitations de fortune dans les townships, où la plupart des maisons sont faites de plaques de tôle ou de planches de bois.
"La façon dont les villes sud-africaines ont été conçues a un caractère exclusif par nature", selon l'urbaniste de l'université du KZN, Hope Magidimisha-Chipungu.
Certaines zones sont privées d'eau et d'électricité depuis lundi. Des camions-citernes tentent d'acheminer de l'eau potable aux populations isolées mais l'aide reste difficile avec des routes et des ponts toujours coupés. Près de 80% du circuit d'eau potable est hors service, a déclaré aux journalistes le maire de la ville, Philani Mavundla. Et les autorités locales ont prévenu que le rétablissement des services prendra du temps.
L'armée sud-africaine a annoncé le déploiement de 10 000 soldats dont des plombiers et des électriciens. L'armée apportera un soutien aérien et mettra en service des systèmes de purification d'eau. Des tentes seront installées pour fournir un hébergement d'urgence à ceux qui n'ont plus de toit.
Des troupes avec des hélicoptères étaient déjà présentes ces derniers jours aux côtés de la police et des secouristes lors des opérations de secours d'urgence.
Emportés par les crues
Les secouristes restent en alerte mais "les opérations de sauvetage ont cessé. C'est maintenant plus de la recherche et de la récupération", a expliqué à l'AFP, Dave Steyn, qui coordonne des équipes. Une semaine après le début de la catastrophe, l'espoir de retrouver des survivants est maigre.
Des corps emportés par les crues ont été retrouvés en amont de barrages. Une femme et ses trois petits-enfants ont été retrouvés morts après que leur voiture a été emportée par les eaux, ont rapporté les médias locaux.
Des funérailles ont été organisées dans toute la ville. Les autorités tentent d'accélérer les autopsies des victimes, les morgues faisant face à un afflux important de corps.
Sur les plages de Durban normalement prisées des familles et des touristes, les eaux chaudes et habituellement azurées se sont transformées en une mélasse brunâtre, salies par des tonnes de boue et de débris charriés par les inondations.
Les enfants doivent reprendre le chemin de l'école mardi après le long weekend de Pâques. Mais les autorités ont prévenu qu'au moins 270 000 élèves seront privés de classe en raison des dégâts dans les établissements. Plus de 550 écoles ont été touchées, près de 4 000 maisons détruites et plus de 13 500 endommagées.
"Des milliards seront nécessaires pour reconstruire la province après cette catastrophe", a déclaré le ministre en chef de la province du KZN, Sihle Zikalala. Une première estimation pour la réparation des seules infrastructures routières se monte à près de 354 millions d'euros (5,6 milliards de rands).
Un fonds d'urgence du gouvernement de 63 millions d'euros (un milliard de rands) a été débloqué. La région a déjà connu des destructions massives en juillet lors d'une vague inédite d'émeutes et de pillages.
Des bons alimentaires, des uniformes scolaires et des couvertures continuent à être distribués. Des dons sont collectés à travers le pays.
Des nations voisines comme Madagascar ou le Mozambique sont régulièrement frappées par des tempêtes meurtrières mais l'Afrique du Sud est généralement épargnée par ces événements climatiques extrêmes.