PARIS: Le crowdfunding connaît une popularité qui ne faiblit pas, y compris au Moyen-Orient. Hanin Azzam a joué un rôle pionnier et central dans la promotion de cet outil de financement alternatif. Conseillère auprès de l’agence de coopération internationale allemande pour le développement, plus connue sous le nom de «GIZ», Hanin Azzam incarne non seulement le visage du crowdfunding dans le monde arabe, mais aussi une certaine idée de solidarité. Arab News en français brosse son portrait.
Un crowdfunding au service de la culture et du social
La culture joue un rôle essentiel dans la vie tant personnelle que professionnelle de Hanin Azzam. Férue de théâtre et de musique, elle est diplômée de la prestigieuse Lebanese American University de Beyrouth. Elle a été directrice de production audiovisuelle avant de vouloir changer complètement de domaine professionnel en raison d’un environnement pesant. C’est en lisant en 2015 une annonce sur Facebook qu’elle découvre Zoomal, une plate-forme révolutionnaire dans le monde arabe, cheffe de file dans la promotion du crowdfunding, initialement auprès de start-up.
Hanin Azzam rejoint l’équipe dirigée par Abdallah Absi, souvent considéré comme la version arabe de Mark Zuckerberg, créateur de Facebook. Elle est d’abord son adjointe exécutive avant de gravir tous les échelons jusqu’à devenir la directrice de Zoomal lors du départ de M. Absi aux États-Unis. Elle va alors opérer un véritable changement de paradigme en acceptant uniquement les projets culturels et sociaux. «Je suis ainsi devenue le nouveau visage de Zoomal, un visage féminin. J’ai modifié le concept initial qui consistait à financer uniquement des projets liés à l’écosystème des start-up. Sous ma direction, Zoomal a pris un virage ouvertement culturel et social.»
De nombreux talents de la scène musicale arabe ont su profiter de la plate-forme. C’est d’autant plus important eu égard au contexte économique et financier qui frappe de nombreux pays arabes. Les difficultés financières sont un des facteurs qui poussent de nombreux artistes et associations à abandonner leurs projets. La chanteuse syrienne Faia Younan a ainsi pu lever des fonds grâce à cent dix-neuf contributeurs pour financer son premier vidéoclip Ohebbou Yadayka, tandis que le groupe de rock alternatif Mashrou’Leila a pu financer son premier album.
Le Guinness World Records a même décerné à Zoomal et Faia Younan la certification du premier vidéoclip financé au moyen du financement participatif au Moyen-Orient. Nadim Hobeika, connu pour son grand talent dans la production de vidéoclips, a aussi pu recueillir des fonds précieux pour produire son court-métrage remarqué, Before We Heal. De nombreuses associations à caractère social ou culturel telles que Hikayati Book for Kids en Jordanie ont pu recevoir l’argent nécessaire afin de développer leurs activités.
Hanin Azzam défend cette vision du crowdfunding dans de nombreuses conférences au Moyen-Orient, mais aussi en Europe, comme au festival numérique Re:publica en Allemagne en 2019.
Un outil de financement prometteur dans le monde arabe
Le principe du crowdfunding est simple: faire appel à la générosité du plus grand nombre afin de financer un projet. Le crowdfunding recouvre différentes formes de financement participatif. À titre d’exemple, il y a notamment le «donation crowdfunding», sous forme de don, qui peut être avec ou sans contrepartie; le «credit crowdfunding», qui, comme son nom l’indique, est un financement participatif sous forme de crédit; l’«equity crowdfunding», qui permet à l’investisseur de devenir actionnaire de la structure qu’il finance. «Le concept du crowdfunding dans le monde est ancestral. Au Moyen-Orient, ce concept était obscur, car il était synonyme de charité. Je cherche à modifier cette représentation erronée, car je crois en cet outil de financement notamment pour les artistes et les associations qui ont tant de difficultés à trouver des fonds.»
Hanin Azzam a acquis une fine et singulière connaissance du crowdfunding dans le monde arabe.
Le conseil le plus important qu’elle prodigue à celles et ceux qui sont intéressés par cet outil de financement est d’avoir un projet clair et à ne pas hésiter à communiquer avec les potentiels contributeurs par le biais de messages écrits ou visuels. La création d’un climat de confiance ainsi qu’un bon niveau de communication sont deux éléments importants.
«La base de tout projet est d’avoir un bon discours. Il faut savoir bien expliquer son projet, mais aussi exposer ses réussites et ses succès. Il ne faut pas penser que l’artiste ou l’association va attirer des fonds sur son seul nom. Je recommande d’écrire un texte de présentation et de réaliser des visuels qui détaillent minutieusement le projet, ses objectifs, la façon dont l’argent va être dépensé, et de dévoiler l’identité des gens qui travaillent pour la réussite du projet.»
Zoomal n’accepte plus pour le moment de nouveaux projets à cause de la grave crise économique et financière que traverse le Liban. Hanin Azzam cherche des solutions comme celle de déménager entièrement la plate-forme en dehors du Liban. Elle est courtisée par de nombreuses plates-formes et institutions. Mais elle répète que ce qui compte pour elle est de «travailler pour la bonne cause». Sa force réside essentiellement dans le fait de travailler dans le domaine du conseil. Auprès de la GIZ, elle a pour mission de développer des cours en ligne concernant la levée de fonds au Moyen-Orient. Un nouvel épisode de son parcours de pionnière.