PARIS : Il n'a aucun regret et « le sentiment du devoir accompli » pour ses « frères musulmans »: Farid Ikken a été condamné mercredi à 28 ans de prison pour avoir attaqué un policier au marteau devant Notre-Dame en 2017 après avoir prêté allégeance à l'Etat islamique.
La cour d'assises spéciale de Paris a suivi les réquisitions de l'avocate générale, qui avait appelé à punir sévèrement un homme devenu selon elle un « extrémiste total », un « fanatique de l'Etat islamique » enfermé dans un seul horizon: « le jihad ».
L'ancien étudiant algérien de 43 ans a été reconnu coupable de « tentative d'homicides volontaires avec préméditation sur des personnes dépositaires de l'autorité publique » et « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».
Sa peine de prison est assortie d'une période de sûreté des deux tiers, et il a également écopé d'une interdiction définitive du territoire français.
Ouvert lundi, le procès s'annonçait singulier au regard de la personnalité de l'accusé : un étudiant doctorant et multidiplômé qui a basculé dans la violence jihadiste le 6 juin 2017, stupéfiant tous ces proches qui le décrivaient comme un homme doux, avenant, ouvert et démocrate.
Il l'est devenu encore plus mardi, lorsque l'accusé, interrogé par la cour, n'a exprimé ni excuses, ni regrets, ajoutant avoir toujours la « satisfaction du devoir accompli » trois ans après l'attaque, sous le regard médusé des deux policiers attaqués présents à l'audience.
Il a également réaffirmé son adhésion entière au groupe Etat islamique (EI) et à son ancien chef Abou Bakr al-Baghdadi, un « homme intègre » et « un modèle ». Et refusé de condamner les attentats de Mohammed Merah, Amédy Coulibaly et des frères Kouachi, estimant que ces "moudjahidines (combattants, ndlr) martyrs » avaient agi, comme lui, « en représailles » des attaques occidentales « contre les musulmans » en Irak et en Syrie.
Ces propos ont visiblement interpellé la cour et pesé dans le verdict, d'autant que le policier blessé et ses deux collègues présents à ses côtés ce jour-là ont décrit devant la cour leurs séquelles (dépression, hypervigilance) durables depuis l'attaque.
« Enfermé dans l'idéologie »
Le 6 juin 2017 à 16h19, Farid Ikken avait bondi sur un groupe de trois policiers, frappant l'un d'eux avec un marteau en criant "C'est pour la Syrie!". Le policier, légèrement blessé à la tête, et un de ses collègues avaient ouvert le feu et l'avaient blessé au thorax, avant de l'arrêter.
Dans ses affaires et à son domicile, les enquêteurs ont retrouvé du matériel de propagande jihadiste en nombre et une vidéo enregistrée juste avant l'attaque où il prêtait allégeance à l'EI.
Farid Ikken nie toute volonté de tuer, affirmant avoir voulu blesser dans un « acte de résistance politique » destiné à « attirer l'attention de l'opinion publique française » sur les « milliers de musulmans tués à l'époque en Irak et Syrie par l'armée française » dans ses bombardements contre l'EI au sein de la coalition occidentale.
Sur la vidéo de l'attaque, filmée par une caméra de télésurveillance, on le voit prendre son élan et bondir pour porter un violent coup de marteau à deux mains sur la tête d'un des policiers.
Pour ces derniers comme pour l'avocate générale, la tentative d'homicide ne faisait aucun doute. Si le policier visé n'a été que légèrement blessé, "c'est uniquement parce que sa collègue a crié et qu'il a replié la tête par réflexe" alors que le coup se dirigeait vers le milieu du crâne, a estimé la magistrate.
Celle-ci a également demandé qu'il soit condamné pour participation à une entreprise terroriste au regard du « parfait attirail du radicalisé » retrouvé chez lui.
Côté personnalité, elle a souligné que l'accusé n'avait jamais réussi à se fixer professionnellement ni personnellement, restant un éternel étudiant précaire et de plus en plus solitaire. Des "échecs" qui l'ont conduit à « s'enfermer dans l'idéologie jihadiste », jusqu'à cette année 2017 où, étudiant à Paris, il s'est abreuvé de propagande et de sanglantes vidéos de victimes civiles des bombardements occidentaux en Syrie et Irak.
Mardi, Farid Ikken avait expliqué qu'au moment de passer à l'attaque, il était enfermé dans « un huis-clos psychologique », « bouleversé » par ces vidéos. « Pour moi, cela dépassait tout ».