NEWTOWNARDS: Dans les jours qui ont suivi l'invasion russe, 16 vétérans britanniques suivis par Robert McCartney, conseiller pour les anciens combattants en Irlande du Nord, ont quitté le pays pour aller se battre en Ukraine, réveillant inquiétudes et traumatismes chez leurs anciens camarades.
"Ils peuvent être dans un fossé, ils peuvent être sérieusement blessés et leurs parents sont ici, leurs familles sont ici et personne ne sait ce qui leur est arrivé", affirme cet ancien militaire.
Peu de temps après l'invasion de son pays par la Russie le 24 février, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait appelé à la formation d'une "légion internationale" pour l'aider à défendre l'Ukraine.
Beaucoup ont répondu à l'appel sans avoir la moindre formation militaire. Les vétérans suivis par Robert McCartney, au contraire, ont apporté dans le pays envahi leurs années d'expérience dans l'armée britannique.
Mais ils ont parfois emmené avec eux leurs propres traumatismes et réveillé chez leurs anciens camarades de vieilles inquiétudes. Car même après la retraite, les vétérans de l'armée restent hantés par leurs démons, souligne M. McCartney.
"Il y a tellement de questions qu'ils se sont posés (concernant leurs mission) au Kosovo, en Irak, en Afghanistan", raconte ce bénévole de l'association "Beyond The Battlefield" (Au-delà du champ de bataille) qui épaule d'anciens militaires.
"Ils se demandent toujours: est ce que quelqu'un est mort à cause de moi?", raconte le conseiller de 63 ans.
«Mauvaises raisons»
Selon lui, c'est en partie pour ces raisons que certains anciens militaires ont décidé de reprendre les armes en Ukraine.
"Nous avons convaincu beaucoup d'entre eux de rester. Mais évidemment ceux qui sont là-bas y sont pour leurs propres raisons -- mais ce ne sont pas les bonnes raisons pour aller faire la guerre", regrette cet ancien Royal Irish Ranger et vétéran de la guerre des Malouines.
Située à Newtownards, à une quinzaine de kilomètres de Belfast, "Beyond The Battlefield" a suivi 854 vétérans de l'armée l'année dernière, leur offrant conseils et soutien.
Quand d'anciens militaires viennent le consulter, ils sont "sur le point de tout perdre", selon M. McCartney, et ont souvent des pensées suicidaires.
Après l'invasion de l'Ukraine, les appels enjoignant les militaires du monde entier à rejoindre le pays ont inondé les réseaux sociaux.
"Je pense qu'il y a beaucoup de personnes qui souffrent peut être de PTSD (stress post-traumatique) qui ont entendu la possibilité d'aller (en Ukraine)", estime James Girvan, qui a combattu en Irak et en Afghanistan pour l'armée britannique.
Plusieurs de ses connaissances, dont un ami proche, sont partis en Ukraine et il s'appuie sur les réseaux sociaux, outil vital selon lui, pour rester en contact avec ceux partis combattre. Mais l'inquiétude grandit si les amis au front restent silencieux trop longtemps.
«Bonnes intentions»
D'après des nouvelles qu'a reçu "Beyond The Battlefield", certains des anciens militaires partis en Ukraine ont combattu les forces russes dans les faubourgs de Kiev. D'autres sont rentrés début avril au Royaume-Uni, parfois frustrés par le manque de coordination des forces internationales.
Le commissaire du gouvernement nord-irlandais pour les vétérans, Danny Kinahan, estime que les anciens militaires "ressentent naturellement le désir" d'aider.
Mais "nous devons gérer ces bonnes intentions au mieux, et ne pas promouvoir les voyages en Ukraine", ajoute-t-il.
La ministre britannique des Affaires étrangères Liz Truss avait semblé, dans un premier temps, soutenir les Britanniques qui voulaient aller au front. Mais elle avait été recadrée par le ministre de la Défense et des responsables militaires.
"Nous déconseillons les voyages en Ukraine, et quiconque voyageant dans des zones de conflit pour participer à des activités illégales doit s'attendre à être poursuivi à son retour au Royaume-Uni", avait affirmé un porte-parole du ministère de la Défense.