Diplomates russes expulsés: les services de renseignement dans le viseur

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, tient un téléphone portable avant une conférence de presse du président russe Vladimir Poutine et du président biélorusse Alexandre Loukachenko au Kremlin à Moscou le 9 septembre 2021 (Photo, AFP).
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, tient un téléphone portable avant une conférence de presse du président russe Vladimir Poutine et du président biélorusse Alexandre Loukachenko au Kremlin à Moscou le 9 septembre 2021 (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 09 avril 2022

Diplomates russes expulsés: les services de renseignement dans le viseur

  • Moscou a répondu avec des mesures parallèles
  • Pour autant, les impacts de ces expulsions sont complexes à évaluer

PARIS: Tokyo a rejoint vendredi la liste des chancelleries ayant expulsé des diplomates russes, une décision à chaque fois très politique qui vise aussi à limiter les capacités d'action des services de renseignement.

De nombreux pays européens comme la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Slovénie, l'Autriche, la Pologne ou la Grèce, ont massivement expulsé des diplomates russes depuis le début de l'invasion de l'Ukraine. Les Etats-Unis ont de leur côté renvoyé chez eux début mars 12 membres de la mission diplomatique russe auprès de l'ONU.

Dans certains cas, ces expulsions sont officiellement censées répondre à l'invasion de l'Ukraine et aux exactions reprochées par les Occidentaux à l'armée russe. Dans plusieurs autres cas, elles sont accompagnées d'accusations d'espionnage.

Washington avait ainsi indiqué vouloir sanctionner des agents "de la mission russe qui ont abusé" de leur statut diplomatique "en s'adonnant à des activités d'espionnage contraires à notre sécurité nationale".

Moscou a répondu avec des mesures parallèles. 

"La réduction des possibilités de communiquer au niveau diplomatique dans ces conditions difficiles" dénote un "manque de clairvoyance qui va compliquer davantage la communication nécessaire pour trouver des solutions", avait déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, répondant aux expulsions décidées par l'Union européenne.

"Cela va entraîner inévitablement des mesures de représailles". Moscou a annoncé vendredi l'expulsion de 45 diplomates polonais de l'ambassade à Moscou et de ses consulats généraux à Irkoutsk, Kaliningrad et Saint-Pétersbourg. 

«Vigilants»

En mars, les autorités ukrainiennes avaient publié 600 noms présentés comme des agents russes en poste à l'étranger. L'AFP n'a pu obtenir la confirmation que des diplomates expulsés depuis étaient bien sur la liste.

Mais des officiers russes avaient déjà été confondus publiquement dans plusieurs affaires, notamment par des sites spécialisées, ces derniers mois. Et les services eux-mêmes en connaissaient forcément un certain nombre. "On est vigilant, on sait à peu près qui fait quoi", explique ainsi à l'AFP une source sécuritaire occidentale.

Les Russes n'ont d'ailleurs pas été très discrets en Europe ces dernières années, en se faisant prendre la main dans le sac dans des affaires de meurtres, tentatives et autres opérations clandestines. 

"Le fait qu'on ait pu remonter jusqu'à eux montre qu'ils font des erreurs", relève cette source qui évoque notamment un commando aux membres "quasiment tous identifiés parce que leurs pratiques clandestines n'étaient pas aux normes".

Même si les noms des agents n'étaient pas inconnus des agences occidentales, "le fait que ce soit communiqué publiquement crée peut-être une opportunité", explique à l'AFP Damien Puyvelde, expert du renseignement à l'université de Glasgow.

"Il y a ici une stratégie de communication très claire du gouvernement ukrainien de mettre la pression sur les Occidentaux et le reste du monde de toutes les façons possibles".

«Nids d'espions»

Pour autant, les impacts de ces expulsions sont complexes à évaluer. 

"Les expulsions coordonnées de ces pseudos diplomates russes - la plus importante depuis la seconde guerre mondiale - aura un impact sévère sur l'espionnage russe", assure Nathan Sales, ex-ambassadeur américain aujourd'hui analyste au think-tank Soufan Center.

"Les ambassades russes sont des nids d'espions et perdre autant d'opérateurs compliquera les capacités du Kremlin à collecter des informations, semer la division et peser sur les élections du continent".

Alexandre Papaemmanuel, expert du renseignement et professeur à l'Institut des études politiques (IEP) à Paris, souligne de son côté que "les ambassades ont toujours été des centres d'informations privilégiés pour collecter de l'information, la traiter, l'agréer en renseignement et la relayer auprès de décideurs stratégiques".

Il rappelle que le 5 avril 1983, lors d'une retentissante histoire d'espionnage - l'affaire Farewell - "deux bus sont venus chercher 47 diplomates soviétiques expulsés à l'ambassade de l'URSS. Cela donne une idée du nombre d'espions présents à Paris à l'époque". 

Reste que Moscou disposera encore d'informateurs en Europe, dans les anciennes républiques du bloc soviétique mais aussi dans les grandes capitales comme Paris, Berlin ou Londres. Elle y dispose aussi de soutiens qui s'affichent au grand jour.

Et il serait audacieux d'imaginer ses réseaux mis à bas en quelques jours, prévient Damien Van Puyvelde. Car quand les hommes changent, les contacts restent. "Il y a une continuité du service. Il y a des archives", rappelle-t-il, en soulignant que "la réciprocité dans les expulsions en fait un jeu à somme nulle". 


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.