L'unité des Européens recommence à se fissurer face à Poutine

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (à gauche), s'entretient avec la presse, à côté du président du Conseil européen, Charles Michel (au centre), le deuxième jour d'un sommet de l'Union européenne au siège de l'UE, à Bruxelles, le 25 mars 2022. (Jean Thys/AFP)
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (à gauche), s'entretient avec la presse, à côté du président du Conseil européen, Charles Michel (au centre), le deuxième jour d'un sommet de l'Union européenne au siège de l'UE, à Bruxelles, le 25 mars 2022. (Jean Thys/AFP)
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Publié le Vendredi 08 avril 2022

L'unité des Européens recommence à se fissurer face à Poutine

  • L'enjeu est à la fois simple et crucial: faut-il cesser d'acheter du gaz et du pétrole à la Russie, qui financent directement son effort de guerre en Ukraine mais dont nombre de pays européens restent dépendants ?
  • La Pologne et les pays baltes poussent pour des mesures plus sévères et rapides sur le gaz et le pétrole. Les pays les plus dépendants, Allemagne en tête, demandent du temps pour trouver des alternatives aux hydrocarbures russes

PARIS : L'Allemagne taxée d'égoïsme, Emmanuel Macron accusé de négocier avec un «criminel» et le prorusse Viktor Orban réélu en Hongrie: après une rare unité au début de l'offensive russe en Ukraine, les Européens renouent avec les vieux démons de la division alors que le conflit s'installe dans la durée.

«Jusqu'à maintenant, l'Europe a donné une démonstration d'unité extraordinaire. Maintenant on entre dans une période de décisions difficiles», résume le député européen de centre-gauche et ancien Premier ministre italien Enrico Letta.

L'enjeu est à la fois simple et crucial: faut-il cesser d'acheter du gaz et du pétrole à la Russie, qui financent directement son effort de guerre en Ukraine mais dont nombre de pays européens restent dépendants, de l'Allemagne à la Slovaquie?

Depuis le début de l'offensive russe le 24 février, à chaque nouvelle escalade, atrocité, les Européens empilent les sanctions contre l'élite et l'économie russes, faisant le pari que le prix à payer sera bientôt trop élevé pour Vladimir Poutine pour qu'il continue la guerre.

Les pays de l'UE ont déjà gelé au moins 29,5 milliards d'euros d'avoirs russes et bélarusses (des soldats russes opèrent en Ukraine depuis le Bélarus voisin). Ils ont approuvé jeudi un embargo sur le charbon russe et la fermeture des ports européens aux navires russes.

«Les sanctions prises sont très lourdes mais elles ont besoin de temps pour donner des résultats», concède Enrico Letta. «On s'attendait tous à une opération de quelques jours, voire quelques semaines. On se retrouve aujourd'hui dans une situation dont on ne voit pas la fin», dit-il.

- La clé à Berlin ? -

Dans les semaines qui ont précédé la guerre, États-Unis, Royaume-uni et Union européenne se sont soigneusement concertés sur une série de lourdes sanctions, en espérant qu'elles dissuaderaient Vladimir Poutine d'intervenir.

«Ce travail-là a permis de réagir rapidement après le 24 février. Mais il a atteint ses limites. La question de la finalité des sanctions se pose», relève Martin Quencez, directeur-adjoint de l'institut américain German Marshall Fund à Paris.

Le débat se cristallise désormais sur «l'enjeu énergétique et la temporalité des sanctions», dit-il, alors que l'embargo sur le charbon russe n'entrera en vigueur que début août, 120 jours après la publication du nouveau paquet de sanctions au journal officiel de l'UE.

La Pologne et les pays baltes poussent pour des mesures plus sévères et rapides sur le gaz et le pétrole. Les pays les plus dépendants, Allemagne en tête, demandent du temps pour trouver des alternatives aux hydrocarbures russes, suscitant impatience et incompréhension.

«Berlin détient la clé pour accroître la pression sur Poutine. Mais (le chancelier Olaf) Scholz reste sourd, semble croire qu'il peut y échapper. Sa réputation en souffre énormément», estime le politologue allemand Ulrich Speck sur Twitter.

«Paiements de l'UE à la Russie en énergies fossiles depuis le début de la guerre en Ukraine: 27,3 milliards d'euros - Pétrole : 9,465 milliards - Gaz : 17,1 milliards - Charbon : 749 millions», pointe Velina Tchakarova, directrice de l'Institut autrichien pour l'Europe et la politique de sécurité (AIES) dans un tweet.

- «Monsieur non» -

La Hongrie du souverainiste Viktor Orban a aussi ajouté sa petite musique aux dissensions ambiantes en se disant prête à payer le gaz russe en roubles, à rebours des autres pays de l'UE.

Vladimir Poutine menace de couper l'approvisionnement des pays qui ne passeraient pas au paiement en roubles, en riposte au gel de 300 milliards de dollars de réserves russes en devises.

«Avec la victoire dimanche d'Orban, il y aura toujours un "Monsieur non" à l'intérieur de l'UE. La Hongrie est un petit pays mais sa capacité de nuisance est importante sur les sujets où il faut un vote à l'unanimité», souligne Enrico Letta.

Autre pomme de discorde européenne, la Pologne reproche au président français Emmanuel Macron d'avoir continué à dialoguer avec le maître du Kremlin après le début de la guerre.

«Personne n'a négocié avec Hitler», a lancé le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, s'attirant une réponse cinglante de l'intéressé qui l'a accusé d'être «un antisémite d'extrême droite», conduisant à son tour à une convocation de l'ambassadeur de France à Varsovie.

Pour Martin Quencez, ces propos ont avant tout des «objectifs de politique intérieure». In fine, «il y a une pression énorme sur les Européens, notamment Varsovie, Berlin et Paris pour qu'ils continuent à travailler de concert sur le sujet ukrainien», dit-il.


Droits de douane: des démocrates soupçonnent Trump de possible délit d'initié

Donald Trump a signé son post sur Truth des lettres "DJT", qui représentent à la fois ses initiales et l’abréviation en bourse de son entreprise de médias, Trump Media & Technology Group. L'action de la société a clôturé la journée avec une hausse de 21,67%. (AFP)
Donald Trump a signé son post sur Truth des lettres "DJT", qui représentent à la fois ses initiales et l’abréviation en bourse de son entreprise de médias, Trump Media & Technology Group. L'action de la société a clôturé la journée avec une hausse de 21,67%. (AFP)
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  • Après avoir déclenché une guerre commerciale mondiale et ébranlé les marchés, le président américain a écrit mercredi sur TruthSocial, quelques minutes après l'ouverture de Wall Street, "C'EST LE MOMENT D'ACHETER"
  • Quelques heures plus tard, il annonçait une suspension pour 90 jours des droits de douane supplémentaires à l'encontre de dizaines de pays, à l'exception de la Chine, provoquant un rebond boursier historique

WASHINGTON: Donald Trump a-t-il commis un délit d'initié ? Plusieurs élus démocrates ont émis des soupçons, estimant que le président américain avait peut-être, en encourageant à acheter des actions juste avant son revirement spectaculaire sur les droits de douane, illégalement manipulé les marchés.

"Les proches de Donald Trump profitent-ils illégalement de ces énormes fluctuations du marché boursier par le biais de délits d'initiés ?", a interrogé le sénateur démocrate de Californie Adam Schiff sur son compte X mercredi.  "Le Congrès doit savoir", a-t-il ajouté, appelant à une enquête parlementaire.

"Le président des États-Unis participe littéralement à la plus grande manipulation de marché au monde", ont affirmé de leur côté les élus démocrates de la commission des services financiers de la Chambre des représentants, également sur X.

Après avoir déclenché une guerre commerciale mondiale et ébranlé les marchés, le président américain a écrit mercredi sur TruthSocial, quelques minutes après l'ouverture de Wall Street, "C'EST LE MOMENT D'ACHETER".

Quelques heures plus tard, il annonçait une suspension pour 90 jours des droits de douane supplémentaires à l'encontre de dizaines de pays, à l'exception de la Chine, provoquant un rebond boursier historique.

Après plusieurs jours d'effondrement, l'indice Dow Jones a fini mercredi en hausse de 7,87%, sa plus forte progression depuis 2008, et l'indice Nasdaq de 12,16%, du jamais-vu depuis 2001.

Un spécialiste en éthique a lui aussi estimé qu'il y avait matière à enquête.

"Les présidents ne sont pas des conseillers en investissement", a écrit sur X Richard Painter, professeur en droit et ancien avocat chargé de l'éthique à la Maison Blanche sous George W. Bush. "Ce scénario pourrait exposer le président à des accusations de manipulation du marché", a-t-il déclaré sur la chaîne NBC.

La Maison Blanche a assuré que Donald Trump ne voulait que "rassurer".

"Il est de la responsabilité du président des États-Unis de rassurer les marchés et les Américains sur leur sécurité économique face à l'alarmisme permanent des médias", a déclaré au Washington Post Kush Desai, porte-parole de la Maison Blanche.

Donald Trump a signé son post sur Truth des lettres "DJT", qui représentent à la fois ses initiales et l’abréviation en bourse de son entreprise de médias, Trump Media & Technology Group. L'action de la société a clôturé la journée avec une hausse de 21,67%.

 


Trump annonce des discussions «directes» avec l'Iran sur le nucléaire

Donald Trump a créé la surprise en annonçant que Washington menait des discussions "directes" avec l'Iran sur son programme nucléaire, en recevant lundi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, reparti sans les concessions commerciales qu'il espérait obtenir. (AFP)
Donald Trump a créé la surprise en annonçant que Washington menait des discussions "directes" avec l'Iran sur son programme nucléaire, en recevant lundi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, reparti sans les concessions commerciales qu'il espérait obtenir. (AFP)
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  • "Nous avons des discussions directes avec l'Iran. Elles ont commencé, elles se poursuivront samedi, nous aurons une très grande réunion", a déclaré à la presse le président américain
  • Il a ensuite assuré que cette rencontre se tiendrait samedi "à très haut niveau" et même "quasiment au plus haut niveau"

WASHINGTON: Donald Trump a créé la surprise en annonçant que Washington menait des discussions "directes" avec l'Iran sur son programme nucléaire, en recevant lundi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, reparti sans les concessions commerciales qu'il espérait obtenir.

"Nous avons des discussions directes avec l'Iran. Elles ont commencé, elles se poursuivront samedi, nous aurons une très grande réunion", a déclaré à la presse le président américain.

Il a ensuite assuré que cette rencontre se tiendrait samedi "à très haut niveau" et même "quasiment au plus haut niveau".

Il s'agit d'une annonce spectaculaire de la part du président américain, notoirement peu friand de tractations diplomatiques complexes impliquant plus de deux parties, alors que l'Iran avait rejeté dimanche tout dialogue direct avec Washington.

Téhéran a confirmé sa position après cette annonce.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, doit avoir samedi à Oman des "entretiens indirects" avec l'émissaire américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, a annoncé mardi l'agence iranienne Tasnim.

"Il s'agit autant d'une opportunité que d'un test. La balle est dans le camp de l'Amérique", avait écrit plus tôt M. Araghchi sur le résau social X, en annonçant la tenue de discussions "de haut niveau indirectes".

Proches alliés durant la monarchie Pahlavi, les deux pays n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980 et la prise d'otages de diplomates américains dans leur ambassade à Téhéran, dans la foulée de la Révolution islamique.

Mais ils échangent indirectement par le biais de l'ambassade de Suisse à Téhéran. Le sultanat d'Oman a plusieurs fois joué un rôle de médiateur, et le Qatar dans une moindre mesure.

"Grand danger" 

"Nous traitons directement avec eux. Et peut-être que nous aurons un accord", a dit lundi le président américain, qui avait retiré avec fracas les Etats-Unis d'un accord international avec l'Iran lors de son premier mandat, en 2018.

Cet accord, conclu en 2015, prévoyait la levée de certaines sanctions en échange d'un encadrement des activités nucléaires iraniennes.

Donald Trump a dit lundi que si un nouvel accord était trouvé, il serait "différent et peut-être beaucoup plus robuste". Mais il a ajouté que l'Iran serait "en grand danger" si les discussions n'aboutissaient pas.

En attendant, l'Iran doit mener mardi à Moscou des consultations sur ce même dossier avec ses proches partenaires, la Russie et la Chine.

Benjamin Netanyahu, tenant d'une ligne dure face à Téhéran, a appelé à ce que l'Iran ne produise "jamais" d'arme nucléaire. Il a plaidé pour que les tractations diplomatiques débouchent sur un démantèlement "complet", évoquant l'exemple de la Libye.

Concernant les droits de douane, autre enjeu de sa visite, le Premier ministre israélien a promis d'"éliminer le déficit commercial des Etats-Unis" vis-à-vis d'Israël.

Il est le premier dirigeant étranger reçu par le président américain depuis l'annonce la semaine dernière des nouveaux droits de douane, qui ont provoqué un coup de tabac sur les places financières mondiales.

"Un autre cessez-le-feu" 

Le dirigeant israélien est reparti sans promesse d'exemption ou de réduction des droits de douane de 17%, qui seront imposés sur les importations en provenance de son pays à compter de mercredi.

Un journaliste a demandé à Donald Trump s'il comptait revenir sur cette taxe, et il a répondu: "Peut-être pas. N'oubliez pas que nous aidons beaucoup Israël".

Israël avait tenté en vain d'échapper aux nouvelles taxes en levant mardi la totalité des droits de douane restants sur les 1% de marchandises américaines encore concernées.

Benjamin Netanyahu a par ailleurs déclaré que Israël oeuvrait à un nouvel "accord" sur la libération des otages retenus par le Hamas à Gaza.

"Nous faisons tout notre possible pour faire sortir les otages. Nous envisageons un autre cessez-le-feu, nous verrons bien ce qui se passera", a renchéri Donald Trump.

Après deux mois d'une trêve fragile, l'armée israélienne a repris le 18 mars son offensive militaire dans la bande de Gaza, d'où le mouvement palestinien avait lancé une attaque sans précédent le 7 octobre 2023 en Israël.

La récente trêve a permis le retour de 33 otages israéliens, dont huit sont décédés, en échange de la libération de quelque 1.800 Palestiniens détenus par Israël.

Sur les 251 otages enlevés lors de l'attaque du Hamas, 58 sont toujours retenus dans le territoire palestinien, dont 34 sont morts selon l'armée israélienne.


L'Iran refuse de négocier directement avec les États-Unis

Un Iranien marche sous une bannière du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, lors d'une journée pluvieuse à Téhéran, le 5 avril 2025. (Photo ATTA KENARE / AFP)
Un Iranien marche sous une bannière du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, lors d'une journée pluvieuse à Téhéran, le 5 avril 2025. (Photo ATTA KENARE / AFP)
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  • Le mois dernier, Donald Trump a adressé une lettre aux dirigeants iraniens dans laquelle il propose d'engager des négociations sur leur programme nucléaire
  • « Des négociations directes avec une partie qui menace constamment de recourir à la force (...) et dont les différents responsables expriment des positions contradictoires n'auraient pas de sens », a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères.

TEHERAN : L'Iran a rejeté dimanche tout dialogue direct avec les États-Unis, estimant que cela « n'aurait aucun sens », alors que le président américain Donald Trump suggère des pourparlers directs et menace de bombarder le pays en cas d'échec de la diplomatie.

Les pays occidentaux, les États-Unis en tête, soupçonnent l'Iran de vouloir se doter de l'arme nucléaire depuis des décennies. Téhéran rejette ces allégations et affirme que ses activités nucléaires n'ont qu'une finalité civile, notamment en matière d'énergie.

Le mois dernier, Donald Trump a adressé une lettre aux dirigeants iraniens dans laquelle il propose d'engager des négociations sur leur programme nucléaire. Mais le président américain a également menacé de bombarder l'Iran en cas d'échec de la diplomatie et a pris des sanctions supplémentaires à l'encontre du secteur pétrolier iranien. 

« Des négociations directes avec une partie qui menace constamment de recourir à la force (...) et dont les différents responsables expriment des positions contradictoires n'auraient pas de sens », a déclaré samedi soir le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi, selon des propos rapportés dimanche par son ministère.

« Mais nous restons attachés à la diplomatie et sommes prêts à essayer la voie de négociations indirectes », a ajouté M. Araghchi. 

Jeudi, le président américain a affirmé qu'il préférait mener des « négociations directes » avec l'Iran.

« À quoi bon menacer si l'on veut négocier ? », s'est interrogé samedi le président iranien, Massoud Pezeshkian, élu l'an dernier avec la promesse de reprendre le dialogue avec l'Occident afin d'obtenir un allègement des sanctions pour relancer l'économie.

En 2015, l'Iran a conclu un accord avec les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Chine, Russie, États-Unis, France et Royaume-Uni) et l'Allemagne pour encadrer ses activités nucléaires.

Le texte prévoyait un allègement des sanctions en échange d'une limitation des activités nucléaires iraniennes. 

En 2018, Donald Trump a retiré son pays de l'accord avec fracas durant son premier mandat et rétabli les sanctions. En guise de représailles, l'Iran s'est désengagé du texte et a accéléré son programme nucléaire.

L'Iran ne cherche pas à se doter de l'arme nucléaire, mais « n'aura d'autre choix que de le faire » en cas d'attaque contre le pays, a mis en garde lundi Ali Larijani, un proche conseiller du guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei.