SAN FRANCISCO: Amazon estime que le petit groupe de syndicalistes qui a remporté un vote historique à New York la semaine dernière a "menacé" les employés de son entrepôt pour les forcer à voter en faveur de la création d'un syndicat.
D'après des documents officiels déposés jeudi auprès de l'agence fédérale chargée du droit du travail (NLRB), Amazon a demandé plus de temps pour soumettre des objections étayées au scrutin. Le géant du commerce en ligne accuse notamment des militants du Amazon Labor Union (ALU) d'avoir "intimidé" des salariés.
Les salariés du site JFK8, situé dans le quartier de Staten Island, ont voté en majorité fin mars pour rejoindre l'ALU, une première dans un entrepôt américain d'Amazon.
Deuxième employeur aux Etats-Unis après Walmart (distribution), le groupe avait depuis sa création en 1994 réussi à repousser les velléités des salariés souhaitant se regrouper dans le pays.
Dans son recours, Amazon entend développer plusieurs objections. L'entreprise considère que l'ALU a "menacé des employés pour les forcer à voter oui", que l'ALU a "fait campagne auprès des employés dans la file d'attente pour voter" ou les a "intimidés", et aussi que des militants de l'ALU "ont menacé des immigrants" en avançant le risque qu'ils perdent "leurs avantages sociaux s'ils ne votaient pas en faveur du syndicat".
"C'est absurde", a réagi l'avocat Eric Milner au nom du syndicat. "Les employés se sont exprimés et leurs voix ont été entendues. Amazon choisit (...) de retarder le processus pour éviter l'inévitable: la négociation d'un contrat d'entreprise".
"Amazon a dépensé des millions en consultants anti-syndicats, Amazon a organisé des réunions obligatoires, Amazon s'est comporté de manière menaçante, Amazon a licencié, illégalement, des employés pour avoir tenté de se syndicaliser", a-t-il aussi ajouté.
« Confusion, coercition et peur des représailles »
Le syndicat national de la distribution (RWDSU) fait des reproches similaires à Amazon dans le cadre d'un scrutin sur la syndicalisation d'un autre entrepôt, à Bessemer, dans l'Alabama.
Le vote est terminé mais pas le décompte: le "non" mène avec 993 bulletins, contre 875 "oui", mais il reste 416 bulletins dits "disputés", qui décideront du résultat. Une audience doit décider dans les prochaines semaines si ces bulletins doivent être ouverts et pris en compte. Il pourrait ensuite y avoir d'autres recours légaux.
En attendant, le RWDSU a déjà déposé jeudi une série d'objections auprès du NLRB sur le comportement d'Amazon, qu'il accuse d'ingérence.
Selon l'organisation, les managers d'Amazon ont par exemple interdit les discussions sur le vote dans l'entrepôt, ainsi que les prospectus pro-syndicats dans les espaces de repos, tout en autorisant la documentation anti-syndicats.
"L'employeur a instillé la confusion, la coercition et la peur des représailles chez les employés", assène le RWDSU dans son communiqué.
Amazon n'a pas réagi à une sollicitation de l'AFP.
Dans l'Alabama, le NLRB doit organiser une audition sur ce recours du syndicat.
Le vote qui s'est tenu en mars, par correspondance, a été organisé après l'annulation de celui d'il y a un an. L'agence fédérale avait en effet estimé qu'Amazon avait enfreint les règles.
A New York, l'entreprise a jusqu'à vendredi soir pour soumettre ses objections, et jusqu'aux 22 avril pour présenter ses preuves.
Au total, 8.325 travailleurs de l'entrepôt JFK8 étaient sur la liste des votants. Appelés à voter en personne du 25 au 30 mars, 4.852 salariés ont glissé un bulletin dans l'urne. Le "oui" l'a remporté à 2.654 voix contre 2.131.