Le CCG ne risque pas l'insécurité alimentaire mais plutôt l'inflation

Alors que le protectionnisme alimentaire se généralise, de nombreux pays arrêtent l'exportation de denrées alimentaires essentielles afin de sécuriser l'approvisionnement national, dans un contexte d'inquiétude croissante concernant la chaîne d'approvisionnement mondiale. (Shutterstock)
Alors que le protectionnisme alimentaire se généralise, de nombreux pays arrêtent l'exportation de denrées alimentaires essentielles afin de sécuriser l'approvisionnement national, dans un contexte d'inquiétude croissante concernant la chaîne d'approvisionnement mondiale. (Shutterstock)
Short Url
Publié le Dimanche 03 avril 2022

Le CCG ne risque pas l'insécurité alimentaire mais plutôt l'inflation

Alors que le protectionnisme alimentaire se généralise, de nombreux pays arrêtent l'exportation de denrées alimentaires essentielles afin de sécuriser l'approvisionnement national, dans un contexte d'inquiétude croissante concernant la chaîne d'approvisionnement mondiale. (Shutterstock)
  • L'impact des perturbations de la chaîne d'approvisionnement alimentaire dépendra de l'accès de chaque pays aux importations
  • Bien que le CCG importe près de 85% de ses denrées alimentaires, il est toujours considéré comme l'une des régions les plus sûres sur le plan alimentaire

RIYAD : La guerre qui se poursuit entre la Russie et l'Ukraine provoque des perturbations majeures au niveau de l'approvisionnement alimentaire mondial, faisant craindre une insécurité alimentaire et une inflation dans certains pays qui dépendent fortement des importations, dans un contexte de hausse des dépenses énergétiques. 

Selon un document récent publié par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les deux pays figurent parmi les trois premiers exportateurs mondiaux de blé, de maïs et d'huile de tournesol. 

La Russie est également l'un des principaux exportateurs d'engrais, une matière essentielle utilisée dans le secteur agricole. 

Ces perturbations, auxquelles s'ajoute l'augmentation des coûts de transport en raison de la hausse du coût de l'énergie, pourraient entraîner une insécurité alimentaire pour de nombreux pays de la région arabe. 

« À cause de la crise ukrainienne, nous sommes confrontés à de nombreux défis liés à la disponibilité des matières premières utilisées dans les produits (alimentaires) finis », explique Sasha Marashlian, directeur général d'Imagine FMCG, un distributeur international couvrant les marchés du CCG. 

Les pays exportateurs de produits alimentaires bloquent ou plafonnent désormais les exportations de matières premières, dit-il. « Cela se traduit par un manque de disponibilité de certains produits et une hausse massive des prix des denrées alimentaires en raison de la dynamique de l'offre et de la demande. » 

« Je pense que tous les produits alimentaires seront touchés », ajoute-t-il, tout en précisant que les prix des denrées alimentaires pourraient augmenter de 17 à 20% dans le CCG au cours des 18 prochains mois. 

Protectionnisme alimentaire  

Alors que le protectionnisme alimentaire se généralise, de nombreux pays arrêtent l'exportation de denrées alimentaires essentielles afin de sécuriser l'approvisionnement national, dans un contexte d'inquiétude croissante concernant la chaîne d'approvisionnement mondial. 

Par exemple, le 14 mars, la Russie a temporairement interdit les exportations de céréales vers les pays de l'ex-URSS ainsi que la plupart de ses exportations de sucre. Cette mesure a été prise suite à la décision de la Hongrie d'interdire les exportations de céréales le 5 mars. L'Égypte a fait de même en interdisant les exportations de produits stratégiques pendant trois mois, à savoir les lentilles et les haricots, le blé et tout genre de farine et de pâtes. 

Les pays producteurs de denrées alimentaires interdisent les exportations pour préserver les stocks de produits de base essentiels au moment où la crise mondiale s’accentue. 

La hausse des prix du carburant ne fait qu'aggraver la situation et entraîne ainsi une augmentation des coûts de transport et de fret. « Les frais de livraison sont désormais quatre à cinq fois plus élevés qu'ils ne l'étaient depuis deux ans, et le coût du fret n'a jamais été aussi important », indique Marashlian. 

Le distributeur international estime que l'impact sera pleinement perçu après le ramadan, lorsque les stocks de sécurité locaux commenceront à s'épuiser. 

« Les pays les plus menacés dans la région MENA sont le Liban, l'Égypte, le Yémen, l'Iran, la Libye et le Soudan », avertit Devlin Kuyek, chercheur à GRAIN, qui suit et analyse les tendances de l'agrobusiness mondial. 

L'expert qui s'est exclusivement entretenu avec Arab News estime que l'Arabie saoudite et Oman seront moins touchés [que les autres pays], car ils ont les moyens de trouver des sources d’approvisionnement ailleurs.  

L'impact des perturbations de la chaîne d'approvisionnement alimentaire dépendra de l'accès de chaque pays aux importations. « La question de l'approvisionnement est plus problématique que celle des prix pour les pays du CCG », affirme Kuyek. 

Il a toutefois rappelé que les pays du CCG avaient eu du mal à se procurer les aliments dont ils avaient besoin lors de la flambée des prix des denrées alimentaires en 2007, parce que les pays producteurs de denrées alimentaires avaient bloqué les exportations afin de contrôler les prix sur le marché intérieur. 

« On se demande également si ces pays continueront à s'approvisionner en Russie », poursuit-il. 

La Russie exporte toujours, quoiqu'à plus faible capacité.  Certains pays de la région MENA, qui entretiennent des relations relativement bonnes avec Moscou, pourraient continuer à s'approvisionner en céréales auprès de la Russie. 

Le CCG protège la sécurité alimentaire 

Lors de la flambée des prix des denrées alimentaires en 2007, les pays du CCG ont mis en place certaines mesures pour maintenir et protéger leurs approvisionnements alimentaires. 

« Les fonds souverains (de ces pays) ont contré la hausse des prix des denrées alimentaires en achetant des terres agricoles en Afrique et en sécurisant davantage les approvisionnements », dit Aliya El-Husseini, associée principale pour la recherche boursière chez Arqaam Capital, dans une entrevue accordée à Arab News.  

Depuis lors, ajoute-t-elle, ils font des réserves stratégiques et renforcent la capacité de production locale. Cela s’est traduit par une inflation plus modérée cette année. 

Selon la chercheuse, bien que le CCG importe encore près de 85% de ses denrées alimentaires, il est toujours considéré comme l'une des régions les plus sûres sur le plan alimentaire. 

Les approvisionnements alimentaires avaient déjà commencé à être perturbés par la pandémie de Covid-19 indique El-Husseini. 

À l'époque, cela avait incité les gouvernements régionaux à prendre des mesures immédiates pour préserver la sécurité alimentaire, notamment en accordant des exemptions et des crédits financiers aux agriculteurs et aux entreprises agroalimentaires ainsi que des dérogations aux déplacements des travailleurs agricoles pendant les périodes de confinement, et en soutenant le conditionnement et la distribution, explique-t-elle. 

« Les régimes de subventions dans la région ont contribué à maintenir l'inflation pendant plusieurs années, mais beaucoup de subventions ont été supprimées depuis 2016, tandis que certaines subsistent encore et sont renforcées en vue d'atténuer les hausses de prix. » 

L'Arabie saoudite a plafonné les prix des carburants locaux en juin dernier, dit-elle. Cette mesure a permis de contenir l'inflation dans le secteur des transports mais ne suffit pas à compenser la hausse des prix dans les autres catégories principales du panier alimentaire. 

« L'inversion partielle de la TVA, qui est passée de 5 à 15% le 1er juillet 2020 en Arabie saoudite, pourrait constituer une mesure principale pour contenir davantage les prix, vu que le CCG enregistre en ce moment des excédents budgétaires, en raison des prix élevés du pétrole et des plans de dépenses budgétaires relativement serrés », poursuit-elle. 

Par ailleurs, le fait que les pays du CCG ont externalisé l'agriculture à d'autres pays pendant des années pourrait les aider à faire face à la crise alimentaire. En effet, cela leur a permis de contrôler de manière plus directe les sociétés de commerce de céréales. 

Afin de répondre à la demande de leur population locale, les pays du CCG ont acquis des terres agricoles dans des États étrangers d'Afrique et d'Asie, ainsi que dans des pays arabes du bassin du Nil, selon un article intitulé « Land grabs reexamined: Gulf Arab agro-commodity chains and spaces of extraction» (soit L'accaparement des terres réexaminé: chaînes agroalimentaires des pays du Golfe et espaces d'extraction) rédigé par le chercheur Christian Henderson. 

Toutefois, Kuyek ne semble pas croire à l'efficacité de cette stratégie. « Je ne pense pas que l'achat de terrains dans d'autres pays ait beaucoup contribué à freiner la demande d'importations du CCG. De nombreux projets à l'étranger se sont effondrés ou n'ont jamais vu le jour », fait-il remarquer. 

Les projets qui sont actuellement en cours de réalisation pourraient également être confrontés à des défis importants se présentant sous forme d'interdictions d'exportation imposées par des pays étrangers. Le Soudan, qui abrite un certain nombre de méga-fermes du CCG, pourrait illustrer un tel scénario. 

Les pays du CCG ont cependant fait un pas de plus en acquérant des parts dans de grandes entreprises alimentaires. 

« Abu Dhabi a pris une participation de 45% dans la société Louis Dreyfus l'année dernière, et une partie de l'achat était fondée sur la priorité accordée au commerce avec les EAU », déclare Kuyek. 

En 2016, Fondomonte California a acheté 1 790 acres de terres agricoles en Californie à près de $32 millions. La société mère de Fondomont n'est autre que le géant alimentaire saoudien Almarai. 

« Bien que nous constations une pression croissante sur les prix dans toute la région, il est peu probable que l'inflation atteigne les niveaux observés dans d'autres marchés émergents ou développés », rassure El-Husseini. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Espagne: la maison mère de Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier se lance en Bourse

 Les marques Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier font vendredi leur entrée sur les marchés financiers avec l'introduction en Bourse à Madrid de leur maison mère, le groupe espagnol Puig, en pleine expansion dans le secteur du luxe. (AFP).
Les marques Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier font vendredi leur entrée sur les marchés financiers avec l'introduction en Bourse à Madrid de leur maison mère, le groupe espagnol Puig, en pleine expansion dans le secteur du luxe. (AFP).
Short Url
  • Cent dix ans après sa création, la maison de beauté catalane va connaître une petite révolution avec cette opération, censée lui donner les moyens de concurrencer les grands noms du secteur
  • C'est "une étape décisive" qui "nous permettra d'être plus compétitifs sur le marché international de la beauté", soulignait dans un récent communiqué le PDG de l'entreprise, Marc Puig

MADRID: Les marques Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier font vendredi leur entrée sur les marchés financiers avec l'introduction en Bourse à Madrid de leur maison mère, le groupe espagnol Puig, en pleine expansion dans le secteur du luxe.

Cent dix ans après sa création, la maison de beauté catalane va connaître une petite révolution avec cette opération, censée lui donner les moyens de concurrencer les grands noms du secteur comme Estée Lauder, Hermès, Kering et LVMH.

C'est "une étape décisive" qui "nous permettra d'être plus compétitifs sur le marché international de la beauté", soulignait dans un récent communiqué le PDG de l'entreprise, Marc Puig, en assurant viser une "approche de long terme".

Fondé en 1914 à Barcelone par l'entrepreneur Antonio Puig Castellò, le groupe de parfums et cosmétiques espagnol s'est fait une place ces dernières années parmi les géants du luxe et de la mode, en multipliant les acquisitions de marques de prestige.

La maison catalane contrôle ainsi les griffes Paco Rabanne, Nina Ricci, Charlotte Tilbury, Carolina Herrera, Dries Van Noten et Jean Paul Gaultier. Il a également noué des contrats de licence avec Prada, Christian Louboutin et Comme des Garçons.

Contrôle familial

L'introduction en Bourse de Puig se fera vendredi au prix de 24,50 euros par action. Elle est présentée par les analystes comme le plus gros lancement boursier de l'année en Espagne et comme l'un des principaux en Europe.

Le montant fixé pour l'action Puig valorise le groupe barcelonais à près de 14 milliards d'euros. Cela lui permettra d'intégrer directement l'Ibex 35, indice vedette regroupant les 35 plus grosses entreprises espagnoles.

Cette opération d'envergure se déclinera en deux phases: une émission de nouvelles actions, devant rapporter 1,25 milliard d'euros, et la vente de parts détenues par Exea, la holding de la famille Puig, pour près de 1,36 milliard d'euros.

Cette double opération pourrait être complétée par une vente de titres réservée à certains investisseurs pour un total de 390 millions d'euros, selon le groupe. De quoi lever au total quelque 3 milliards d'euros.

Malgré cette opération, la famille Puig assure qu'elle restera l'actionnaire majoritaire de l'entreprise avec 71,7% des parts. Elle conservera, en outre, une très large majorité des droits de vote (92,5%) au sein de son conseil d'administration.

« Muscle financier »

L'introduction en Bourse du groupe catalan avait été officialisée le 8 avril, après avoir été évoquée pour la première fois le 20 octobre par Marc Puig en personne dans un entretien au quotidien économique Financial Times.

Le PDG de 62 ans avait alors estimé qu'elle permettrait d'imposer une "discipline" de marché à l'entreprise et d'éviter les possibles "difficultés" auxquelles les sociétés familiales sont confrontées lors du passage de témoin entre générations.

Il arrive, en effet, "que les entreprises familiales perdent leur position sur le marché. Elles peuvent commencer à mourir lentement et personne au sein de l'entreprise n'en est conscient", avait insisté le petit-fils d'Antonio Puig, à la tête du groupe depuis 2004.

Selon Javier Cabrera, analyste chez XTB, ce lancement boursier devrait permettre à la maison de beauté catalane d'acquérir du "muscle financier", en profitant de la "bonne dynamique boursière du secteur".

De fait, le contexte est actuellement porteur pour le luxe, dont les poids lourds ont enregistré des niveaux de ventes record en 2023, malgré un léger ralentissement après deux années de croissance à deux chiffres.

Puig a, pour sa part, réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 4,3 milliards d'euros et dégagé un bénéfice net de 465 millions d'euros, en hausse de 16% sur un an. Et cette dynamique pourrait s'accélérer.

Les acquisitions réalisées ces dernières années permettent "une forte croissance" et une "diversification des revenus" du groupe, observe Javier Cabrera, qui insiste sur ses bons résultats en Chine, marché devenu incontournable pour le secteur du luxe.


Liban: l'Union européenne annonce une aide d'un milliard d'euros pour soutenir l'économie

Le Premier ministre libanais Najib Mikati (au centre) pose pour une photo avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président chypriote Nikos Christodoulides lors de leur rencontre au siège du gouvernement du Grand Sérail à Beyrouth (Photo, AFP).
Le Premier ministre libanais Najib Mikati (au centre) pose pour une photo avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président chypriote Nikos Christodoulides lors de leur rencontre au siège du gouvernement du Grand Sérail à Beyrouth (Photo, AFP).
Short Url
  • Le président chypriote s'était déjà rendu au Liban le 8 avril pour discuter avec M. Mikati de la question des réfugiés
  • Le Liban, frappé par une crise économique depuis 2019 dit accueillir près de deux millions de réfugiés syriens

BEYROUTH: La cheffe de la Commission européenne a annoncé jeudi à Beyrouth une aide d'un milliard d'euros pour soutenir la "stabilité socio-économique" du Liban et appelé ce pays à bien coopérer dans la lutte contre l'immigration clandestine.

Les fonds seront "disponibles à partir de cette année jusqu’en 2027. Nous voulons contribuer à la stabilité socio-économique du Liban", a déclaré Ursula von der Leyen, ajoutant "compter sur une bonne coopération" des autorités libanaises dans la lutte contre l'immigration clandestine vers l'Europe.

Le Liban, frappé par une crise économique depuis 2019 dit accueillir près de deux millions de réfugiés syriens, soit le plus grand ratio par habitant au monde.

Le petit pays méditerranéen, frontalier de la Syrie, n'a de cesse d'exhorter la communauté internationale de les rapatrier, les armes s'étant tues dans plusieurs régions syriennes.

Les migrants, demandeurs d'asile et réfugiés qui quittent le Liban par bateau à la recherche d'une vie meilleure en Europe se dirigent souvent vers Chypre qui affirme être en première ligne face aux flux migratoires au sein de l'UE.

"La réalité actuelle de cette question est devenue plus grande que la capacité du Liban à la traiter", a déclaré le Premier ministre libanais Najib Mikati, lors d'une conférence de presse en présence de Mme. von der Leyen et du président chypriote Nikos Christodoulides.

Augmentation des ressortissants syriens à Chypre 

"Nous renouvelons notre demande à l'UE, (...) d’aider les personnes déplacées dans leur pays (d'origine et non au Liban), pour les encourager à rentrer volontairement", a-t-il poursuivi.

De son côté, Chypre, qui fait état d'une augmentation des arrivées de ressortissants syriens, estime que la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, qui a déclenché des violences à la frontière israélo-libanaise, a affaibli les efforts de Beyrouth pour empêcher les départs.

De janvier à avril 2024, plus de 40 bateaux transportant environ 2.500 personnes ont accosté à Chypre, a indiqué à l'AFP l'agence de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

Chypre avait conclu il y a des années avec le Liban un accord pour le retour de migrants en situation irrégulière.

Le président chypriote s'était déjà rendu au Liban le 8 avril pour discuter avec M. Mikati de la question des réfugiés et de la manière de contrôler le flux migratoire vers son pays.


TotalEnergies: le gouvernement remonté contre un possible transfert de sa cotation à New York

Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire (Photo, AFP).
Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire (Photo, AFP).
Short Url
  • Aujourd'hui, TotalEnergies a déjà des titres inscrits à Londres et à New York, mais de manière secondaire
  • M. Pouyanné avait notamment évoqué la frilosité de l'Europe vis-à-vis de sa stratégie qui consiste à continuer d'investir dans les énergies fossiles

PARIS: Confronté à la réflexion de TotalEnergies quant au transfert de la cotation principale du groupe à New York, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a affirmé jeudi qu'il comptait se battre pour que ce déménagement de la Bourse de Paris "n'ait pas lieu".

 

"Je suis là pour faire en sorte que ça n'ait pas lieu, parce que je pense que c'est une décision qui est grave", a déclaré M. Le Maire sur BFMTV/RMC.

"Est-ce que l'intérêt suprême de la nation est de garder le siège social de Total en France et la cotation principale de Total en France? Oui, et donc je me battrai pour ça", a-t-il ajouté.

"Nous avons besoin de Total", a-t-il souligné, mentionnant le plafonnement à moins de 2 euros du litre du carburant dans ses stations françaises.

L'affaire est partie des déclarations surprises de Patrick Pouyanné à l'agence Bloomberg. Dans un entretien publié le 26 avril, Patrick Pouyanné avait dit réfléchir à une cotation principale à la Bourse de New York. Près de la moitié de l'actionnariat de TotalEnergies est désormais constituée d'actionnaires institutionnels (fonds de pension, gestionnaires d'actifs, assureurs...) nord-américains.

"Ce n'est pas une question d'émotion. C'est une question d'affaires", avait ajouté le dirigeant de l'entreprise, tout en assurant que le siège social de ce fleuron du CAC 40 resterait bien à Paris.

Son argument principal: "une base d'actionnaires américains qui grossit", ce qui amène l'entreprise à s'interroger sur la façon de "donner accès plus facilement aux actions pour les investisseurs américains", a-t-il expliqué aux analystes, le 26 avril.

Appétit américain pour les fossiles 

Las du manque d'appétit des investisseurs européens pour le secteur pétrogazier, alors que le groupe estime investir beaucoup dans les énergies vertes, le PDG chercherait à se rapprocher des investisseurs américains moins contraints par des règles d'investissement durable.

"Les politiques au sens large ESG (environnement, social et de gouvernance, NDLR) en Europe ont plus de poids", a ainsi justifié M. Pouyanné lundi devant des sénateurs français.

Le PDG observe que "la base d'actionnaires européens de TotalEnergies diminue, notamment la base française" qui a reculé de "7% au cours des quatre dernières années, largement à cause des réglementations, de la pression qui est faite sur eux".

En filigrane, le patron pointe du doigt le changement en France du label Investissement socialement responsable (ISR), qui exclut désormais les entreprises exploitant du charbon ou des hydrocarbures non conventionnels, une mesure décidée par Bercy lui-même fin 2023. Ahmed Ben Salem, analyste du groupe financier Oddo BHF, nuance ce point en indiquant que les fonds labellisés ISR représentaient 1,7% de l'actionnariat de TotalEnergies.

Pendant que l'UE muscle sa réglementation pour flécher les investissements vers la transition écologique, aux Etats-Unis la pression de certains Etats, comme le Texas, pour ne pas délaisser les entreprises d'énergies fossiles a poussé de grands gérants d'actifs à abaisser leurs ambitions climatiques.

"Nous observons clairement plus d'appétit pour les actions d'entreprises des secteurs énergétique, pétrole et gaz du côté de l'Amérique du Nord qu'en Europe", a dit M. Pouyanné aux analystes.

Conséquence de ce manque d'appétit: une valorisation moins importante. TotalEnergies avance "exactement les mêmes résultats trimestriels qu'une entreprise comme Chevron". Le groupe énergétique américain est valorisé 300 milliards de dollars en Bourse, contre 175 milliards pour TotalEnergies.

Le mirage d'un marché européen 

La faute au cloisonnement des marchés financiers en Europe, selon M. Le Maire, qui avait dans un premier temps estimé dimanche sur LCI qu'il fallait offrir à TotalEnergies "les moyens de se développer" en accélérant sur l'union des marchés de capitaux (UMC) dans l'UE.

L'UMC permettrait d'augmenter la taille du marché boursier européen pour que les entreprises s'y financent davantage. Ahmed Ben Salem n'est cependant pas convaincu des changements éventuels pour TotalEnergies: "Il faut des acheteurs sur le secteur, pas seulement des liquidités."

La moindre valorisation de TotalEnergies "est aussi subie par les autres majors européennes", explique-t-il à l'AFP, citant l'exemple du britannique Shell qui "est dans la même réflexion" concernant une cotation principale à New York.

Au Sénat, le patron n'a pas exclu de reconsidérer la question si "plus d'actionnaires européens (...) rachètent du TotalEnergies".