PARIS: Les terrasses éphémères nées de la crise sanitaire seront de retour vendredi à Paris mais en nombre très réduit. Cherchant le juste équilibre entre convivialité et tranquillité, mairies centrale et d'arrondissements ont durci les conditions pour les restaurateurs.
« Une situation explosive ». Frank Delvau, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) Paris Ile-de-France, affiche la couleur devant le « nombre de refus extrêmement important » de la mairie. « On avait 12 000 terrasses en 2020, on en aura 3 000, 4 000 maximum cette année », déplore-t-il.
A quelques jours du début de la saison, instaurée du 1er avril au 31 octobre par le nouveau règlement (RET) municipal, 1 600 bars et restaurants ont reçu l'autorisation de pouvoir redéployer leurs tables sur les places de stationnement, terre-pleins et placettes, sur environ 11 000 demandes « brutes », indique Olivia Polski, l'adjointe (PS) au commerce de la maire Anne Hidalgo.
Mais le flux de dossiers étant continu, avec « 2 300 demandes déposées depuis février », les services municipaux, même mobilisés depuis six mois, en ont encore 3 000 à traiter, précise-t-elle.
« Certains n'auront leur autorisation que courant avril voire mai », peste M. Delvau, pour qui « cette situation va créer des problèmes », notamment avec des professionnels se passant de l'autorisation pour s'installer sur l'espace public.
Face à cette menace, la nouvelle police municipale parisienne doit mener une première phase de contrôle « avec pédagogie et discernement », mais aussi « vigilance » face aux « nuisances produites », tempère la mairie, qui sait marcher sur des œufs tant les relations entre commerçants et riverains excédés sont tendues.
« Boîte de Pandore »
« C'est comme si Polski avait ouvert une boîte de Pandore », estime Aude, une militante du collectif Droit au sommeil pour qui « la moitié des établissements avec terrasses ont fait l'objet d'au moins un signalement » en 2021.
Fermeture à 22h00 - contre 2h du matin pour les terrasses classiques - non respectée, musique amplifiée, « tablées bruyantes parce qu'avinées »: « tout l'été, ça a été l'enfer pour les riverains », souligne cette militante, pour qui « la régulation est impossible » compte tenu du faible nombre de policiers municipaux.
En première ligne dans la recherche d'un équilibre entre attractivité économique et tranquillité publique, les maires d'arrondissement ont considérablement serré la vis après deux ans d'accessibilité « en dimensions, esthétique, arrangements avec les boutiques d'à côté », souligne Jean-Pierre Lecoq, le maire LR du VIe arrondissement.
« Il est plus que temps qu'on rentre dans le droit commun », reconnaît ainsi Ariel Weil, maire PS de Paris Centre, qui a dénombré 1 800 demandes de terrasses estivales pour, à ce stade, 220 autorisations délivrées.
Dans le quartier piéton de Montorgueil où les terrasses abondent, l'élu socialiste a décidé d'ajouter un règlement « plus restrictif » qui prévoit l'interdiction des terrasses sur la chaussée, dans des voies étroites, devant le commerce voisin ou sur le trottoir opposé.
Peu d'extensions permanentes
Dans tout Paris, une dizaine de chartes locales entrent ainsi en vigueur dans des zones à forte concentration de bars.
Dans le IXe arrondissement, la maire (Horizons) Delphine Bürkli s'est opposée aux extensions permanentes pourtant prévues par le RET et sur lesquelles de nombreux restaurateurs comptaient pour ne pas avoir à démonter leur terrasse.
« Un nid à problèmes », estime Jean-Pierre Lecoq, qui les a aussi refusées à Saint-Germain-des-Prés.
Résultat, il n'y a qu'un peu plus de 200 extensions annuelles dans toute la capitale, selon Mme Polski.
Dans le XIe, le maire François Vauglin a dit non au déplacement des zones de livraison pour permettre aux terrasses de s'y installer. « Quand on a signé le RET, il y avait un accord de principe » pour accorder ces aménagements aux frais des restaurateurs, grince Frank Delvau, pour qui ces derniers ont été « floués ».
La mairie rappelle elle son « fort soutien aux commerçants et aux restaurateurs » pendant la crise, avec l'exonération des droits de terrasse décidée par Anne Hidalgo, un manque à gagner évalué à 45 millions d'euros.
Et elle souligne que, même moins nombreuses, les terrasses estivales devraient rapporter 2,5 millions d'euros de plus par an.