KABOUL: À Kaboul, des dirigeants ont assuré dimanche que les négociations avec les talibans n’étaient pas dans une impasse, bien que les deux parties afghanes ne s’entendent toujours pas sur les détails des pourparlers décisifs, censés prendre fin dans un mois.
«En effet, un mois s’est écoulé depuis le début des pourparlers au Qatar, et nous ne sommes pas encore en mesure de trouver un accord sur la feuille de route des pourparlers. Cependant, ce qui compte c’est que nous continuons à communiquer de manière officielle et officieuse », explique Nader Nadery, un négociateur nommé par le gouvernement, à Arab News dimanche de Doha, au Qatar.
«Personne – ni les talibans ni les équipes gouvernementales – ne dit que nous avons arrêté de nous rencontrer et que nous ne nous rencontrerons plus. Ce n’est pas le cas, et nous continuons de travailler pour nous revoir bientôt», poursuit-il.
Les négociations, attendues depuis longtemps, ont commencé le 12 septembre dans la capitale qatarie. Elles sont une composante essentielle d'un accord historique signé entre Washington et les talibans en février dernier. L’accord prévoit en outre que le président américain, Donald Trump, retire toutes ses troupes d'Afghanistan, et mette fin à la plus longue guerre de l’histoire des États-Unis.
Optimiste, Najia Anwari, porte-parole du ministère de la Paix du gouvernement afghan à Kaboul, affirme que «les pourparlers ne sont pas dans une impasse» et que le processus de paix «après tant d'années de guerre, sera toujours complexe et nécessite du temps.»
«Notre objectif est d’amorcer les négociations sur de bonnes bases. Nous espérons que la feuille de route sera finalisée dans les jours qui viennent et que les divergences de positions entre les talibans et les négociateurs du gouvernement seront éliminées», a-t-elle déclaré à Arab News.
Une source proche du dossier, qui préfère garder l'anonymat car elle n’est pas autorisée à parler aux médias, affirme cependant qu'un «groupe de soutien» prévoit d'intervenir si aucun progrès n’est réalisé. Basé au Qatar et composé de médiateurs et de diplomates de pays étrangers, le groupe tenterait alors de régler les différends qui retardent jusqu'à présent le début des pourparlers principaux.
Contacté par Arab News dimanche, un porte-parole des talibans n'était pas disponible pour commenter ces propos.
Les pourparlers intra-afghans s’accompagnent d’un désaccord entre les dirigeants du gouvernement à Kaboul au sujet des négociations, et ils coïncident avec une escalade des attaques sanglantes à travers le pays.
Le gouvernement répète depuis longtemps que les talibans ont intensifié leurs attaques depuis la signature de l'accord en février avec les États-Unis, et davantage encore avec le début des pourparlers intra-afghans.
Mais aujourd’hui, ils «ne prennent plus publiquement la responsabilité des attaques» comme ils le faisaient par le passé
Parmi ces attaques souvent très médiatisées figure une tentative d'assassinat contre le gouverneur de la province de Laghman la semaine dernière qui a fait 8 morts, ainsi qu’un redoutable attentat à la bombe qui a fait 15 morts à l'extérieur d'un complexe officiel, dans la province voisine de Nangarhar.
Selon une déclaration de l’agence de renseignement afghane samedi, le réseau Haqqani, épine dorsale militaire des talibans est responsable, avec Daech, d’une attaque menée contre le premier vice-président Amrallah Saleh à Kaboul le mois dernier.
Tariq Aryan, porte-parole du ministère de l'Intérieur, a déclaré dimanche que «les talibans ont certainement multiplié leurs attaques, contrairement au passé» depuis le début des pourparlers au Qatar.
Abdel Satar Saadat, ancien conseiller du président afghan, Ashraf Ghani, a déclaré à Arab News que les talibans se considèrent comme les «vainqueurs de la guerre» à la suite de l'accord signé avec Washington. Par conséquent «plus les pourparlers prennent du retard, plus Kaboul sera affaibli par leurs attaques, plus la situation tournera à leur avantage». Ils n'auraient alors pas à «partager le pouvoir s'ils prennent le contrôle du pays après le départ des troupes américaines».
«Les talibans briguent une victoire majeure, et les dirigeants du gouvernement ne paient pas le prix de la guerre puisque leurs familles sont à l'étranger, la guerre gonflerait même leurs finances», explique-t-il.
Tout comme les citoyens du pays et les experts, Wahed Faqiri, un analyste afghan basé aux États-Unis, qualifie de préoccupante l'impasse dans les négociations.
«Une impasse d'un mois dans les négociations n'est pas encourageante. Nombreux sont ceux qui ont prédit que les pourparlers intra-afghans ne seraient pas faciles, mais personne n'a anticipé ce niveau de difficulté», a-t-il déclaré.
Le Dr Shaida Abdali, candidate à la présidentielle et ambassadrice de l’Afghanistan en Inde jusqu'à l'année dernière, assure que le processus de pourparlers est une «route rocheuse et cahoteuse» et qu'un «manque de confiance» entre les deux parties ajoute aux «complexités des pourparlers».
«Il pourrait y avoir des spéculations différentes des deux côtés en ce qui concerne le calendrier et les perspectives des pourparlers de paix. Cependant, j'espère toujours qu'ils seront en mesure de trouver une issue», poursuit-elle. «Ce qui compte en ce moment, c’est que le soutien de la communauté internationale pourrait s'user si le processus se prolonge encore longtemps. Une prise de conscience de l’urgence est donc nécessaire des deux côtés pour ne pas perdre ce soutien pendant les pourparlers et pendant les efforts de consolidation de la paix en Afghanistan ».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com