KIEV: L'armée russe a dit concentrer son offensive sur le Donbass, dans l'est de l'Ukraine, au moment où le président américain Joe Biden poursuit son séjour en Europe en rencontrant samedi des réfugiés ukrainien en Pologne.
Autour de Donetsk et Louhansk, les deux grandes villes du Donbass, l'état-major de l'armée ukrainienne assure "avoir infligé des pertes importantes aux envahisseurs russes", dans son dernier bulletin, publié samedi à l'aube. Il fait état de trois avions abattus, huit chars détruits et quelques 170 soldats tués côté russe.
Des affirmations à prendre avec précaution, chaque camp se livrant à une intense bataille de l'information, dans un contexte de grande difficulté à vérifier de source indépendante ce qui se passe sur le terrain, un peu plus d'un mois après le lancement de l'invasion russe.
Le commandement russe avait surpris en annonçant vendredi "concentrer le gros des efforts sur l'objectif principal: la libération du Donbass", tranchant avec la volonté affichée par Moscou jusqu'ici de "démilitariser et dénazifier l'Ukraine" dans son ensemble et non pas seulement dans cette région où se trouvent les deux "républiques" séparatistes pro-russes.
Le général Kyrylo Boudanov, chef du renseignement militaire ukrainien de 36 ans, affirmait dans la presse américaine vendredi que l'armée russe n'est "qu'un mythe", "une concentration de pouvoir médiévale, de vieilles méthodes de combat".
Initiative franco-turco-grecque
Le plus grand flou règne par exemple quant au sort des généraux russes morts en Ukraine, au nombre de sept selon Kiev. Le dernier tué est le général Yakov Rezantsev, selon des responsables occidentaux sous le couvert de l'anonymat.
Selon ces mêmes sources, un autre général, Vladislav Yerchov, a été démis de ses fonctions par le Kremlin à cause des lourdes pertes subies par les troupes russes. Mais là encore, alors que des médias ukrainiens évoquent une "purge" liée aux pertes russes en Ukraine, seule la mort d'un de ses généraux a été confirmée par Moscou.
Hors du Donbass, les Russes restent très présents.
Ainsi, autour de Kiev, les combats continuent pour "repousser l'offensive ennemie", selon l'état-major ukrainien, précisant que la ligne de front n'avait pas bougé.
Les forces de Kiev assurent poursuivre leur contre-offensive sur Kherson, dans le sud du pays, seule grande ville à avoir été conquise entièrement par les forces de Moscou.
A Marioupol, port ukrainien stratégique situé sur la mer d'Azov, plus de 2 000 civils ont été tués dans cette ville assiégée, selon la municipalité. Quelque 100 000 de ses habitants y sont toujours bloqués et manquent de tout, selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Vendredi soir, Emmanuel Macron a annoncé que la France, la Turquie et la Grèce allaient mener "une opération humanitaire" d'évacuation "dans les tout prochains jours" de civils de Marioupol.
Milice néonazie pour les uns, héros ukrainiens pour les autres: le régiment Azov, retranché dans Marioupol assiégée, est lui aussi au coeur de la guerre de propagande entre Kiev et la Russie.
Les réseaux sociaux prorusses - à commencer par les comptes Twitter des ambassades de Russie à Paris ou Londres - bruissent de témoignages et commentaires sur les atrocités supposées de ce régiment, présenté comme "fasciste" ou "nazi".
Biden à Varsovie
Pendant ce temps, Joe Biden, au deuxième jour de sa visite en Pologne, doit s'entretenir samedi à Varsovie avec les dirigeants polonais.
Il ira aussi dans un centre d'accueil de réfugiés ukrainiens et doit prononcer un discours sur l'Ukraine où, en un mois de guerre, des milliers d'Ukrainiens ont été tués, parmi lesquels 135 enfants, selon Kiev.
Depuis le 24 février, plus de 2,2 millions de personnes fuyant le conflit sont entrées en Pologne, d'après les garde-frontières polonais, sur environ 3,7 millions au total qui sont parties à l'étranger, selon l'ONU, dont 1,8 million d'enfants.
Face à ce drame humain, à travers l'Europe, l'élan de solidarité pour l'Ukraine ne faiblit pas.
C'est le cas dans la petite ville anglaise de Diss, qui envoie camions d'aide, prépare des lits pour les réfugiés et même lève des fonds grâce à un cocktail aux couleurs du drapeau ukrainien, avec vodka et curaçao bleu.
A Paris, une messe pour la paix en Ukraine a rassemblé vendredi une foule nombreuse au Sacré-Coeur, la basilique emblématique de Montmartre.
Pont ferroviaire
En Allemagne, un "pont ferroviaire" inédit a été établi pour livrer de l'aide humanitaire à l'Ukraine. L'opération de la Deustche Bahn (DB), la compagnie du rail allemand, résonne comme un écho lointain au célèbre "pont aérien" organisé durant la Guerre froide par les Occidentaux pour aider la ville de Berlin victime d'un blocus soviétique.
"Beaucoup d'Ukrainiens ressentent aujourd'hui, depuis quatre longues semaines de guerre, ce que les Berlinoises et les Berlinois ont ressenti à l'époque du blocus par les Soviétiques" en 1948-1949, a relevé l'ambassadeur d'Ukraine en Allemagne Andrij Melnyk, venu assister cette semaine au départ d'un convoi.
Palettes de nourriture pour bébés, cartons de produits hygiéniques, petits appareils électriques, matériel médical, matelas, couvertures... Les conteneurs se remplissent à toute allure.
Sur le front économique, Washington et Bruxelles ont annoncé vendredi la création d'un groupe de travail visant à réduire la dépendance de l'Europe envers les énergies fossiles russes, grâce notamment à la fourniture de gaz américain.
En Russie, le président Vladimir Poutine a signé vendredi soir une loi réprimant de peines de prison pouvant aller jusqu'à 15 ans les "informations mensongères" sur l'action de Moscou à l'étranger, arme répressive supplémentaire pour contrôler l'information sur son offensive en Ukraine.