NEW YORK: Sekou Salaam ne connaît que trop bien les dangers de la rue à New York: sans-abri depuis six mois, il a été frappé à coups de barre de fer et menacé au couteau plusieurs fois dans une mégapole où la criminalité grimpe en flèche.
"C'est pour de vrai ici! On peut être blessé, tué", s'insurge l'homme de 55 ans rencontré par l'AFP dans le foyer de l'association Bowery Mission, qui offre des repas aux SDF du sud de Manhattan.
A la mi-mars, New York et la capitale fédérale Washington ont tremblé quelques jours, jusqu'à ce que les autorités arrêtent et inculpent pour meurtre un homme accusé d'avoir tué deux sans-abri et blessé trois autres en leur tirant dessus alors qu'ils dormaient dans les rues des deux villes.
La police, la justice et les associations d'aide sociale de grandes mégapoles américaines constatent que le nombre de crimes et délits contre les sans-abri est partout en hausse: en cause, les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur la santé mentale, la consommation de drogues et la circulation des armes à feu.
Mais des hommes politiques sont aussi accusés de stigmatiser les SDF comme des facteurs de la criminalité aux Etats-Unis.
Chasse aux SDF
Ainsi, le maire de New York Eric Adams, ancien policier afro-américain démocrate mais classé au centre droit, s'est engagé en février à chasser du gigantesque réseau du métro les innombrables sans-abri qui y survivent. Notamment après le meurtre en janvier d'une Américaine asiatique, poussée sur une voie par un homme traînant sur les quais et souffrant de troubles psychiatriques.
Il y aurait 50 000 SDF à New York.
Du jamais-vu depuis la crise des années 1930, selon l'association National Coalition for the Homeless, dans une ville marquée par des inégalités profondes entre ses neuf millions d'âmes disséminées dans cinq arrondissements (Manhattan, Brooklyn, Queens, Bronx et Staten Island).
Et le tueur de New York et de Washington en mars, Gerald Brevard III, 30 ans, a semé la panique chez les sans-abri new-yorkais.
"J'ai eu très peur, je me suis dit +attention à l'endroit où je me pose+", confie M. Salaam, qui dort la nuit dans des cahutes montées sur les trottoirs par les bars et restaurants durant la pandémie.
Mais le danger demeure.
«Sur mes gardes»
Arnie Medero, 39 ans, dont cinq années dans la rue, prend ses "précautions" en ne passant jamais deux nuits de suite au même endroit et en cassant du verre sur le trottoir pour entendre un éventuel agresseur approcher.
"Je suis toujours en alerte, constamment sur mes gardes", dit-il à l'AFP.
D'après des chiffres de la municipalité de New York, le nombre de SDF tués a triplé en trois ans: de sept meurtres en 2018 à 22 en 2021.
En octobre 2019, un quadruple homicide avait frappé les esprits à Manhattan lorsqu'un SDF avait tué quatre compagnons d'infortune en les frappant à mort avec un tuyau en métal.
Un déchaînement de violence dans un contexte d'insécurité croissante à New York et dans les agglomérations américaines depuis deux ans: la police new-yorkaise (NYPD) a recensé au total 488 homicides en 2021 dans sa ville, en légère hausse après la forte augmentation de 2020 (468 contre 319 en 2019).
«Violence en hausse»
Quant aux SDF, il n'existe aucune statistique à l'échelle du pays mais la National Coalition for the Homeless estime que "les chiffres augmentent et que la violence est vraiment en hausse".
De fait, MM. Salaam et Medero trouvent la rue - ainsi que les foyers - de plus en plus dangereux en raison des agressions d'autres SDF mais aussi de simples passants.
Sur les quelque 50 000 sans-abris à New York, 48 500 ont dormi en janvier dans des centres d'accueil, une hausse de 15% par rapport à janvier 2012.
Mais ces centres d'hébergement riment souvent avec "absence d'intimité, bagarres et disputes", raconte à l'AFP Jovada Senhouse, une femme de 56 ans, qui survit de foyer en foyer depuis cinq ans.
Pour les associations, une des solutions serait de lutter contre la pénurie d'habitations et le mal-logement à New York, l'un des fléaux de la mégapole.