WASHINGTON: L'optimisme des dernières semaines semble s'être dissipé: les Etats-Unis évoquent à nouveau ouvertement la possibilité d'un échec des négociations pour sauver l'accord sur le nucléaire iranien, menaçant l'Iran de recourir à un plan B aux contours encore vagues.
"Un accord de ce genre n'est ni imminent ni certain", a estimé mardi le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price, qui avait déjà émis un tel avertissement la veille. "Il y a un certain nombre de sujets difficiles que nous tentons toujours de résoudre", a-t-il ajouté.
Selon lui, "la balle est dans le camp de Téhéran" pour prendre des décisions "difficiles" -- que Washington s'est dit pour sa part "prêt" à assumer.
Le changement de ton est net.
Début mars, après onze mois de pourparlers compliqués, un compromis semblait imminent à Vienne entre les grandes puissances et l'Iran pour ressusciter cet accord censé l'empêcher de se doter de la bombe atomique.
Puis de nouvelles exigences russes, liées aux sanctions occidentales contre Moscou pour la guerre en Ukraine, ont contraint les négociateurs à une pause. Mais une fois cet obstacle levé, la route apparaissait presque dégagée, à tel point que Washington estimait, il y a moins d'une semaine, être "proche" d'une percée.
Des négociateurs espéraient conclure après la période de fêtes de Norouz, le Nouvel An iranien qui a été célébré dimanche.
L'accord sur le nucléaire iranien de 2015 avait permis la levée des sanctions économiques contre l'Iran en échange de restrictions à ses activités nucléaires pour assurer, sous supervision internationale, qu'elles restent strictement civiles et pacifiques. Mais sous la présidence de Donald Trump, qui le trouvait insuffisant, les Etats-Unis ont quitté l'accord en 2018 et rétabli leurs sanctions.
En riposte, Téhéran s'est affranchi des limites-clés à son programme atomique.
Depuis l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche l'an dernier, des négociations sont en cours pour sauver cet accord, en levant des sanctions américaines contre un retour iranien dans les clous du texte.
Selon une source proche du dossier, Téhéran exige le retrait des Gardiens de la révolution -- l'armée idéologique de la République islamique iranienne -- de la liste noire américaine des "organisations terroristes étrangères", et cette demande est l'un des tout derniers obstacles à un compromis.
«Tous les scénarios»
"C'est un point épineux", a reconnu mardi le sénateur démocrate Tim Kaine, à l'issue d'une audition parlementaire à huis clos avec l'émissaire américain pour l'Iran Rob Malley.
Fervent partisan d'une solution négociée, le sénateur démocrate Chris Murphy a estimé que maintenir les "Gardiens" sur cette liste noire n'avait "aucune conséquence pratique", laissant entendre que Washington pouvait se permettre cette concession.
"Les informations qui nous parviennent de Vienne sont au mieux troublantes, et je suis sidéré par les concessions que le gouvernement est prêt à faire", a au contraire réagi son collègue républicain Jim Risch, évoquant la levée de sanctions pour "90 à 130 milliards de dollars" et l'annulation de la mise à l'index des Gardiens de la révolution.
Car la droite américaine et Israël, hostiles à l'accord de 2015 et donc à sa renaissance, ont fait de cette dernière question une ligne rouge, mettant l'administration Biden dans un certain embarras.
Sa fermeté des derniers jours vise-t-elle à éviter un procès en faiblesse à l'approche d'un accord?
Quoi qu'il en soit, comme fin 2021 lorsque les pourparlers semblaient -- déjà -- dans l'impasse, les Américains ont recommencé à brandir la menace d'options "alternatives".
"Le président Biden s'est engagé à ce que l'Iran, tant qu'il sera au pouvoir, ne soit pas autorisé à détenir une arme nucléaire", "avec l'accord ou sans accord", a martelé lundi Ned Price.
"Nous nous sommes préparés à toutes les hypothèses, pour tous les scénarios", y compris la mort de l'accord de 2015, a-t-il renchéri mardi, assurant que cela avait fait l'objet de discussions avec les alliés de Washington au Moyen-Orient et en Europe.
Il s'est toutefois gardé de préciser les contours d'un tel plan B.
A l'automne, le secrétaire d'Etat Antony Blinken avait prévenu que les Etats-Unis envisageaient "toutes les options" en cas d'échec diplomatique, sans exclure un recours à la force.