PARIS : Empilées par dizaines dans son atelier, ses toiles sont ses «enfants». Elles parlent de «femmes», de «vie», de cailloux, des «étoiles de vie» que Ma Desheng, artiste dissident chinois de la première heure, cultive avec tendresse.
En 1979, il a fait partie des fondateurs du groupe Xing Xing, «les étoiles» en chinois, avec Ai Weiwei, prônant l'expérimentation individuelle et la liberté d'expression, à l'origine du premier happening artistique en Chine, sévèrement réprimé.
A bientôt 70 ans, Ma Desheng a gardé des «contacts amicaux» avec ses compagnons mais c'est dans un atelier du 19e arrondissement de la capitale qu'il cultive désormais ses «étoiles de vie», immobilisé dans un fauteuil roulant, suite à «un accident de voiture en 1992», dit-il.
La peinture c'est toute sa vie. Elle lui donne «l'énergie» et le «souffle» dont il «a besoin» et qu'il s'applique à «faire circuler sans cesse» entre une grande table et un chevalet, cerné par une forêt de tableaux qui ne lui laissent que peu d'espace pour se mouvoir.
Composée de formes abstraites d'où surgissent des méandres noirs, blancs et gris, cette forêt parle aussi de pierres ovales, empilées et dessinées en grand sur fonds fluorescents, presque turgescents.
Ma Desheng a commencé par la gravure sur bois tout en travaillant à l'usine. Il s'est fait connaître par ses encres sur papier de riz.
Réfugié en Occident en 1986, il passe par la Suisse et la France avant de se rendre aux États-Unis où son accident met un coup d'arrêt à sa vie et sa création. Pendant dix ans, il disparaît et se rééduque grâce au dessin.
Femmes
Il se remet à peindre en 2002, à Paris, adapte sa technique à son handicap en utilisant désormais l'acrylique, un travail qu'il «ne peut arrêter» et qui a intégré nombre de musées en France et à l'international.
C'est aussi devenu «un combat permanent contre une maladie dégénérative qui le fait souffrir depuis l'enfance», précisent, en aparté, ses amis Ziwei et Anthony Phuong, qui lui consacrent une exposition à partir du 2 avril dans leur galerie parisienne, A2Z.
Des photos datées de 1979 montrent Ma Desheng, casquette vissée sur la tête et main tournée vers le ciel tenant un discours sur l'art et la liberté devant le Mur de la Démocratie, ou appuyé sur des béquilles lors d'une manifestation aux côtés de Wang Keping, célèbre sculpteur de la même avant-garde artistique.
«M. Ma» n'en parle pas. Il garde aussi le silence sur ce qui le fait souffrir. Il préfère parler de «la vie, dont il faut profiter à chaque instant» et «des femmes !», lance-t-il, le regard plein de malice, encadré par sa longue chevelure argentée.