Le conseil municipal de Lille a adopté dans la nuit de vendredi à samedi un moratoire sur le déploiement de la 5G, un pas de plus dans la fronde d'élus locaux contre la nouvelle génération de réseaux mobiles.
La motion adoptée prévoit de sursoir à «toute autorisation» d'antennes jusqu'à la publication en 2021 d'un rapport attendu de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).
«Parce que nos doutes persistent tant du point de vue sanitaire que de la sobriété numérique sur le déploiement de la 5G, nous avons voté (...) un moratoire. Il est urgent d’attendre !», a déclaré dans un tweet la maire de Lille Martine Aubry.
«Avant de pouvoir affirmer que la 5G représente à coup sûr un progrès pour nos villes et leurs habitants, il nous semble que plusieurs zones d’ombre (...) doivent encore être éclaircies», expliquent les élus dans le texte de la motion, présentée par la majorité municipale, le groupe Lille en commun.
«Les rapports officiels publiés ces derniers mois (...) ne permettent toujours pas aux instances les plus compétentes d’exclure tout risque réel sur les populations en lien avec l’exposition à cette nouvelle technologie», arguent-ils.
Les élus s'interrogent aussi sur «le haut niveau des investissements induits», dans le «contexte financier difficile» lié à l'épidémie de Covid-19, ou encore sur «l'utilité réelle» de cette technologie qui contraindra particuliers et professionnels «à renouveler leurs produits électroniques en dépit de toute considération liée à leur durabilité».
La motion adoptée prévoit de sursoir, sur le territoire de la commune, «à toute autorisation d’implantation ou d'allumage d’antennes test liées à la technologie 5G (...) au moins jusqu’à la publication du rapport attendu en 2021 de l’Anses».
«La majorité se cache derrière les peurs et critique le gouvernement en gesticulant plutôt que d'argumenter et d'écouter nos scientifiques Lillois. Un moratoire de posture, sans effet juridique», a tweeté dans la soirée l'une des principales opposantes à Martine Aubry au conseil municipal, Violette Spillebout (ex-candidate LREM à la mairie).
Une commune n'a pas la compétence de "réglementer de façon générale l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile», pouvoir réservé aux autorités nationales, avait établi le Conseil d'Etat en 2011.
«Le principe de précaution ne permet pas à une autorité publique d'excéder son champ de compétence», affirmait également le juge administratif.
Toutefois, le gouvernement et le principal opérateur français ont donné des gages ces derniers mois, assurant qu'ils prendraient en compte les réticences locales.
«Les maires vont avoir la possibilité de demander davantage de mesures concernant l'exposition aux ondes», avait déclaré fin septembre Cédric O, le secrétaire d'Etat chargé du numérique et des communications électroniques, dans un entretien au Figaro.
Contacté samedi par l'AFP, le secrétariat d'Etat annonce un déplacement lundi de M. O pour détailler cet engagement.
«On ne va pas forcer les Français, et les maires en particulier, à accepter quelque chose dont ils ne veulent pas», avait de son côté assuré en juillet le patron d'Orange Stéphane Richard.
«Orange prend acte de ce vote que nous allons étudier», a indiqué samedi l'opérateur à l'AFP. «Pour autant, dans le cadre de la loi et de ses engagements (...), l'opérateur se doit de préparer au mieux l'arrivée de la 5G et souhaite continuer à travailler en bonne intelligence avec les collectivités locales pour engager les déploiements», a-t-il poursuivi.
La métropole de Bordeaux avait déjà adopté fin septembre une motion demandant au gouvernement un moratoire sur la 5G - une idée également avancée par 70 élus de gauche et écologistes mi-septembre - et un report du processus d'attribution des fréquences.
L'exécutif l'avait rejeté, invoquant l'absence de toute étude démontrant un risque sanitaire.
Les enchères ont finalement été lancées le 29 septembre. L'attribution des premières fréquences 5G aux opérateurs français a rapporté 2,786 milliards d'euros à l'Etat, Orange obtenant la plus grande part des «blocs» en jeu.