Frappes meurtrières en Ukraine malgré les pourparlers avec la Russie

Photographie d’une femme ukrainienne devant une maison endommagée lors d'un bombardement aérien dans la ville d'Irpin, au nord-ouest de Kiev, le 13 mars 2022 (Photo, AFP).
Photographie d’une femme ukrainienne devant une maison endommagée lors d'un bombardement aérien dans la ville d'Irpin, au nord-ouest de Kiev, le 13 mars 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 15 mars 2022

Frappes meurtrières en Ukraine malgré les pourparlers avec la Russie

  • En attendant l'issue des négociations, le risque d'un élargissement du conflit est dans tous les esprits
  • Le bras-de-fer économique russo-occidental a des effets très concrets sur la population russe

KIEV : Des bombardements meurtriers ont frappé lundi l'Ukraine, où l'offensive russe s'est élargie à l'ensemble du pays, alors qu'un nouveau round de pourparlers russo-ukrainiens a été prolongé jusqu'à mardi, sans résultat pour le moment.

Une frappe contre un immeuble résidentiel a causé mardi la mort d'au moins deux personnes à Kiev, ont indiqué les secours qui signalaient des tirs dans plusieurs endroits de la capitale ukrainienne, que l'armée russe cherche à encercler.

Sur Facebook, les services d'urgence ont indiqué qu'une "frappe" avait visé un bâtiment de 15 étages dans le quartier de Sviatochine, dans l'ouest de Kiev, causant l'incendie de tout l'immeuble. 

Au 19e jour de l'invasion de l'Ukraine lancée par le président russe Vladimir Poutine, le Kremlin a évoqué "la possibilité de prendre sous contrôle total (les) grandes villes qui sont déjà encerclées". Ce qui impliquerait un assaut militaire majeur, vu la farouche résistance ukrainienne.

Ces derniers jours, les combats se sont intensifiés autour de Kiev, presque entièrement encerclée, qui s'est vidée de plus de la moitié de ses trois millions d'habitants.

Dès l'aube lundi, un bâtiment de huit étages d'un quartier nord de la capitale, Obolon, a été touché, vraisemblablement "par un tir d'artillerie" russe qui a fait un mort et 12 blessés, selon les services d'urgence ukrainiens. Plus tard, un autre bombardement a touché un autre quartier, faisant un autre mort.

A la périphérie nord-ouest de Kiev, théâtre de violents combats depuis plusieurs jours, un premier journaliste étranger, l'Américain Brent Renaud, est mort dimanche, atteint à la nuque par une balle d'origine incertaine.

La capitale est "une ville en état de siège", selon un conseiller du président ukrainien. 

A Donetsk, les séparatistes prorusses soutenus par Moscou, qui tiennent ce centre industriel de l'est de l'Ukraine depuis 2014, ont affirmé qu'une frappe de l'armée ukrainienne avait visé le centre-ville, faisant au moins 16 morts selon le "ministère" local de la Santé, et 23 morts selon Moscou. Les séparatistes ont publié des photos montrant des corps ensanglantés gisant dans une rue, au milieu de débris.

L'armée ukrainienne a fermement démenti avoir tiré sur Donetsk. "Il s'agit définitivement d'un missile russe ou d'un autre type de munition", a déclaré le porte-parole de l'armée ukrainienne Leonid Matioukine.

Dans la région voisine de Lougansk, où les séparatistes prorusses ont également fondé une "république populaire" depuis 2014, toute la partie qui restait sous contrôle ukrainien jusqu'à l'invasion russe lancée le 24 février est désormais "sous les bombardements", a indiqué son chef militaire ukrainien, Serguïi Gaïdai.

Il a accusé les Russes de frapper "habitations, hôpitaux, écoles, réseaux d'eau, de gaz et d'électricité", ainsi que les trains évacuant vers l'ouest quelque 2.000 civils par jour.

Ukraine: la centrale de Tchernobyl de nouveau coupée du réseau électrique

L'Ukraine a accusé lundi l'armée russe d'avoir à nouveau coupé l'alimentation électrique du site nucléaire de Tchernobyl et d'avoir fait exploser des munitions près d'un réacteur de Zaporojie, les deux centrales étant sous contrôle de Moscou. 

Les autorités ukrainiennes avaient indiqué la veille avoir rétabli l'alimentation électrique de l'ancienne centrale de Tchernobyl, qui a toujours besoin d'énergie pour assurer la sécurité optimale des assemblages combustibles stockés sur place.

Concrètement, Ukrenergo affirme que ses techniciens avaient réparé une ligne à haute tension alimentant le site de Tchernobyl et la ville de Slavoutitch. Cette ligne ayant à nouveau été endommagée, selon cette source, d'autres employés vont devoir retourner sur place pour "réparer ces nouveaux dégâts".

"Une alimentation en énergie stable permettra d'éviter une répétition de la catastrophe de Tchernobyl", a soutenu Ukrenergo.

Pour l'heure, Moscou n'a pas répondu à cette accusation. Après l'annonce de la première coupure de courant par Kiev, la Russie avait dénoncé une "provocation" ukrainienne.

Aide humanitaire bloquée 

Plus à l'ouest, dans une autre grande ville industrielle, Dnipro, où se réfugiaient jusqu'ici les civils arrivant de Kharkiv ou Zaporojie, les sirènes d'alerte ont retenti lundi pendant cinq heures d'affilée, pour la première fois depuis le 24 février. 

La ville n'a finalement pas été touchée, mais "il n'y a plus aucun endroit sûr", a témoigné Yilena, 38 ans, arrivée de Zaporojie début mars. 

La Russie resserre aussi son étau dans le Sud. Ses forces navales ont "établi un blocus à distance de la côte ukrainienne de la mer Noire", selon le ministère britannique de la Défense.

La situation reste dramatique dans le port stratégique de Marioupol (sud-est), assiégé par les Russes.

Pour la première fois depuis des jours, un convoi de 210 voitures a cependant pu quitter la ville lundi en direction de Zaporojie, mais s'est arrêté à Berdiansk, selon Ismail Hacioglu, président de l'association de la mosquée Suleiman de Marioupol.

Un autre convoi, d'aide humanitaire celui-là, qui cherche depuis des jours à entrer dans la ville, a à nouveau été bloqué lundi par les soldats russes, également à Berdiansk, à 85 km de Marioupol, selon les autorités ukrainiennes. 

Quelque 400.000 habitants de Marioupol vivent terrés dans des caves, privés d'eau, d'électricité, de chauffage et de nourriture. Plus de 2.187 civils ont péri à Marioupol depuis le 24 février, selon la municipalité.

La guerre gagne aussi l'ouest du pays, jusqu'ici plutôt calme. Des bombardements avaient déjà fait 35 morts dimanche sur la base militaire de Yavoriv, proche de la Pologne, pays membre de l'Otan et de l'Union européenne, et proche de Lviv, ville refuge de milliers de déplacés. 

Lundi, neuf personnes ont été tuées et neuf blessées par une frappe contre une tour de télévision près de Rivne (nord-ouest), où les secours continuaient de fouiller les décombres à la recherche d'autres victimes, selon les autorités locales.

Les dirigeants ukrainiens ne cessent d'appeler l'Otan à instaurer une zone d'exclusion aérienne au-dessus du pays, mais l'Alliance refuse, de crainte d'être entraînée dans la guerre. Le président américain Joe Biden a prévenu que l'Otan affrontant la Russie "serait la Troisième Guerre mondiale".

Au total, plus de 2,8 millions de personnes ont fui l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe, selon le dernier décompte publié lundi par l'ONU, qui recense aussi environ 2 million de déplacés à l'intérieur du pays.

Rencontre Poutine-Zelensky?

C'est dans ce contexte qu'ont repris lundi, par visioconférence, des pourparlers entre délégations russe et ukrainienne. 

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui n'y participe pas directement, les a qualifiés de "difficiles", espérant parvenir à "une paix honnête avec des garanties de sécurité" pour l'Ukraine.

En fin d'après-midi, le chef des négociateurs ukrainiens Mykhaïlo Podoliak annonçait une "pause technique" et une reprise des pourparlers mardi.

Après trois tours de discussions en présentiel au Bélarus, puis une rencontre jeudi en Turquie des chefs de la diplomatie russe et ukrainien, les deux parties s'étaient montrées dernièrement plus optimistes.

Vendredi, Vladimir Poutine avait évoqué des "avancées", puis Volodymyr Zelensky samedi une approche nouvelle, "fondamentalement différente", de Moscou dans les négociations.

Pour le chef de l'Etat ukrainien, sa délégation a "une tâche claire: tout faire pour assurer une rencontre des présidents." 

Signe que les marchés veulent croire à une percée: les prix du pétrole ont reculé sur les marchés lundi, le baril de brut WTI repassant brièvement sous la barre des 100 dollars pour finir à 103,01 dollars, après avoir dépassé les 130 dollars la semaine dernière. 

 

«Rien n'a changé» pour la Station spatiale internationale, réaffirme la Nasa

La Nasa a réaffirmé lundi que la collaboration entre les Etats-Unis et la Russie sur la Station spatiale internationale se poursuivait normalement malgré les tensions extrêmes liées à la guerre en Ukraine, soulignant qu'un astronaute américain rentrerait bien comme prévu sur Terre à la fin du mois à bord d'un vaisseau russe.

L'engin atterrira au Kazakhstan et ramènera également les cosmonautes russes Pyotr Dubrov et Anton Shkaplerov.

Malgré les tensions extrêmes entre Washington et Moscou, les deux pays doivent continuer à collaborer afin d'assurer le fonctionnement de l'ISS.

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L'équipage de l'expédition 65 de la Station spatiale internationale (ISS) de l'astronaute de la NASA Mark Vande Hei et des cosmonautes russes Oleg Novitskiy et Pyotr Dubrov pose pour une photo lors d'une conférence de presse à Star City le 24 mars 2021 (Photo, AFP).

"Rien n'a changé ces trois dernières semaines", a affirmé Joel Montalbano. "Les centres de contrôle continuent à opérer sans problème."

"A l'heure actuelle, il n'y a aucune indication que nos partenaires russes veuillent faire les choses différemment. Donc nous prévoyons de continuer les opérations comme nous le faisons aujourd'hui", a-t-il dit.

L'ISS héberge actuellement deux Russes, quatre Américains et un Allemand. 

Devant les membres de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à Strasbourg (France), le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal a demandé lundi "l'expulsion immédiate" de la Russie de cette organisation paneuropéenne de défense des droits humains, ce qui serait une première dans son histoire.

Et à La Haye, la Cour internationale de justice (CIJ) a indiqué qu'elle rendrait son verdict mercredi dans la procédure lancée par Kiev, qui demande au plus haut tribunal de l'ONU d'ordonner à Moscou d'arrêter son invasion.

En attendant l'issue des négociations, le risque d'un élargissement du conflit est dans tous les esprits. 

Le conseiller à la sécurité nationale du président américain, Jake Sullivan, a rencontré lundi à Rome Yang Jiechi, le plus haut responsable du Parti communiste chinois pour la diplomatie.

La discussion "intense" et "très franche", qui n'a en rien fait baisser la tension, a duré sept heures, a indiqué la Maison Blanche, qui juge "profondément préoccupante" la position "d'alignement de la Chine avec la Russie" dans le conflit.

De hauts fonctionnaires américains ont déclaré à des médias américains que la Russie avait demandé une aide économique et militaire à la Chine pour ce conflit dont Moscou semble avoir sous-estimé la difficulté. Pékin a accusé Washington de mentir sur le rôle chinois dans cette guerre.

Bien que prévus de longue date, des exercices de l'Otan, "Cold Response 2022", impliquant 30.000 soldats, 200 avions et une cinquantaine de navires de 27 pays, ont démarré lundi dans l'Arctique en Norvège, qui testeront avec une urgence nouvelle la capacité de ses membres à porter secours à l'un d'eux. 

Nouvelles sanctions 

Pour l'instant, outre les livraisons d'armement à l'Ukraine, les Occidentaux utilisent surtout l'arme économique contre la Russie.

L'Union européenne a décidé de sanctionner de nouveaux oligarques russes, notamment le milliardaire Roman Abramovitch, propriétaire du club anglais de football de Chelsea, ont indiqué des diplomates à l'AFP.

Sur cette photo d'archive prise le 21 février 2016, le propriétaire russe de Chelsea, Roman Abramovich, regarde le match de football du cinquième tour de la FA Cup entre Chelsea et Manchester City à Stamford Bridge à Londres (Photo, AFP).
Sur cette photo d'archive prise le 21 février 2016, le propriétaire russe de Chelsea, Roman Abramovich, regarde le match de football du cinquième tour de la FA Cup entre Chelsea et Manchester City à Stamford Bridge à Londres (Photo, AFP).


Auparavant, 862 personnes et 53 entités russes figuraient déjà sur cette liste noire, qui interdit l'entrée sur le territoire de l'UE et permet la saisie de leurs avoirs.

Alors que les sanctions précédentes ont déjà gelé quelque 300 milliards de dollars de réserves russes à l'étranger, Moscou a accusé l'Occident de vouloir provoquer un défaut de paiement "artificiel" de la Russie. 

La Russie pourrait avoir du mal à honorer plusieurs échéances de paiement de dettes en devises étrangères courant mars-avril, ravivant le souvenir de son humiliant défaut de 1998.

Le bras-de-fer économique russo-occidental a des effets très concrets sur la population russe: dernier en date, le réseau social Instagram, propriété du groupe américain Meta, est devenu inaccessible en Russie lundi.

Une manifestante contre l'offensive en Ukraine interrompt le journal télévisé russe

La scène s'est produite pendant le principal programme d'information du soir de la plus puissante chaîne télévisée du pays, Pervy Kanal, baptisé "Vremia" ("le temps"), un rendez-vous quotidien suivi par des millions de Russes depuis l'époque soviétique.

Alors que la célèbre présentatrice Ekaterina Andreïeva est en train de parler, Mme Ovsiannikova surgit derrière elle avec une pancarte sur laquelle on peut lire "Non à la guerre. Ne croyez pas la propagande. On vous ment, ici".

"Les Russes sont contre la guerre", peut-on encore lire sur la pancarte sur laquelle le drapeau de l'Ukraine et celui de la Russie sont dessinés.

Selon l'agence de presse Tass, la jeune femme pourrait être poursuivie pour avoir "discrédité l'utilisation des forces armées russes".

Dans une vidéo enregistrée préalablement et publiée par OVD-Info, Mme Ovsiannikova explique que son père étant ukrainien et sa mère russe, elle n'arrive pas à voir les deux pays comme ennemis.

Moscou, qui accuse Meta de propager des appels à la violence contre les Russes en lien avec le conflit en Ukraine, a ajouté le réseau à sa liste de sites en "accès restreint", comme Facebook, Twitter et plusieurs médias critiques du Kremlin.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »