BOGOTA : Les Colombiens ont voté dimanche sans incident majeur pour renouveler les deux chambres du Parlement et désigner les candidats à la présidentielle du 29 mai, où la gauche est favorite.
Les électeurs renouvelaient pour quatre ans les 296 membres du Sénat et de la Chambre basse, un parlement sortant contrôlé par une droite au pouvoir à bout de souffle, et à l'image considérablement ternie par des affaires de corruption.
Les bureaux de vote ont fermé sur tout le territoire à 16H00 (21H00 GMT), avec les premiers résultats attendus rapidement.
"A partir de ce moment, nos assesseurs commencent le dépouillement des votes (...). Nos bureaux de vote ont fonctionné correctement dans tout le pays", a annoncé peu après 16H00 locales Alexander Vega, qui dirige l'autorité électorale.
« Changer ce Congrès! »
A Bogota, des électeurs se sont rendus en nombre dans les bureaux de vote surveillés par les forces de l'ordre, a constaté l'AFP dans plusieurs quartiers de la ville, une participation cependant perturbée par de fortes pluies à la mi-journée.
"Je vote pour changer ce Congrès où ce sont toujours les mêmes qui ne font rien" depuis des années, a déclaré à l'AFP l'infirmière Carolina Lopez, 30 ans, dans le centre de la capitale.
Dans un pays où la violence des groupes armés s'est accrue de façon alarmante ces dernières années, le gouvernement conservateur du président Ivan Duque avait promis des "garanties complètes" pour le bon déroulement du processus électoral.
A la mi-journée, le gouvernement a fait état d'une "normalité totale" dans le déroulement du vote. Deux soldats ont néanmoins été tués et deux autres blessés dans des attentats à la bombe dans le sud du pays, selon l'armée.
Une ONG colombienne, la Mission d'observation électorale, a annoncé avoir reçu 181 plaintes pour "irrégularités" et a évoqué des "difficultés pour les infrastructures technologiques" d'organisation du vote.
L'autorité électorale a confirmé une tentative de cyberattaque contre son site internet avant l'ouverture du scrutin, qui a pu être maitrisée via la mis en place immédiate d'un "plan de confinement".
Le ministre de l'Intérieur, Daniel Palacios, a lui fait état de 662 rapports d'incidents, dont 166 plaintes, 120 cas de coercition sur les électeurs et 120 cas de tentative de corruption ou d'achat des votes.
Alors que la Colombie est sortie accablée par les ravages économiques de la pandémie et blessée par la répression des manifestations massives du printemps 2021 contre le pouvoir, les analystes prévoyaient un vote sanction contre le gouvernement sortant et le parti de droite du "Centre démocratique".
Si la violence armée dans les provinces inquiète, elle n'est paradoxalement pas au coeur des débats. Le chômage, la baisse du pouvoir d'achat ou l'insécurité urbaine ont semblé plus préoccuper pendant la campagne, les Colombiens disant toujours leur lassitude des partis traditionnels.
Sus à « la corruption »
Les électeurs avaient aussi la possibilité de prendre part aux primaires des principaux partis pour choisir les candidats à la présidentielle du 29 mai, à laquelle le chef de l'Etat sortant ne peut se représenter.
Ils pouvaient désigner, au choix, le candidat d'une des trois coalitions de centre-droit, de centre-gauche, ou de gauche.
La désignation du candidat de la gauche Gustavo Petro, guérillero reconverti au "progressisme" social-démocrate, ne fait aucun doute.M. Petro, 61 ans, fait figure de favori face au camp conservateur divisé, miné par l'impopularité du gouvernement Duque et l'usure de son vieux champion, l'ex-président Alvaro Uribe, empêtré dans les démêlés judiciaires.
Son accession au pouvoir constituerait un séisme politique en Colombie, qui a toujours été dirigée par la droite conservatrice.
L'ancien maire de Medellin Federico Gutierrez est en bonne place pour remporter l'investiture du centre-droit, tandis qu'au centre-gauche, l'ex-gouverneur du puissant département d'Antoquia Sergio Fajardo est le favori.
Sept autres candidats sont d'ores-et-déjà inscrits pour la présidentielle dont l'ex-otage Franco-colombienne Ingrid Betancourt.
A Bogota ou Medellin, ces candidats ont voté sous l'oeil des caméras, y allant chacun ou chacune de son petit commentaire pour mobiliser les électeurs en sa faveur. "Aujourd'hui, le changement commence dans les urnes, par un vote qui apporte l'espoir et la vie en Colombie", a commenté M. Petro.
Nous voulons "vaincre tout type de projet populiste, autoritaire et corrompu qui est en route", a lancé de son côté M. Gutierrez, l'un des plus farouches opposants de M. Petro, tandis que M. Fajardo a appelé à la mobilisation "contre la corruption", l'un des thèmes brandis par presque tous les candidats.
Nouveauté du scrutin, les victimes du conflit avec l'ex-guérilla marxiste des FARC, qui a déposé les armes grâce à l'accord de paix de 2016, auront leurs propres représentants au Parlement, où seize sièges leur sont spécialement réservés pour les deux prochaines législatures.