Ukraine: pour arriver en France, tapis rouge et zones d'ombre

Des manifestants tiennent une pancarte indiquant «Solidarité avec le peuple ukrainien» lors d'une manifestation de soutien à Nantes, le 12 mars 2022, au 17e jour de l'invasion russe de l'Ukraine. Sébastien Salom-Gomis/AFP)
Des manifestants tiennent une pancarte indiquant «Solidarité avec le peuple ukrainien» lors d'une manifestation de soutien à Nantes, le 12 mars 2022, au 17e jour de l'invasion russe de l'Ukraine. Sébastien Salom-Gomis/AFP)
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Publié le Dimanche 13 mars 2022

Ukraine: pour arriver en France, tapis rouge et zones d'ombre

  • Sur les plus de 10.000 déplacés arrivés sur le sol français, 316 étaient des ressortissants d'un autre pays
  • Le texte qui permet aux déplacés de séjourner légalement en France et de bénéficier d'une large gamme de prestations sociales ne s'adresse pas à tous

PARIS : Tapis rouge pour les Ukrainiens, défense d'entrer pour les autres ? Alors qu'un dispositif inédit est mis sur pied pour les personnes quittant l'Ukraine, des voix s'élèvent pour dénoncer un accueil à géométrie variable en France, au détriment des non-Ukrainiens qui fuient la même guerre.

Sur les plus de 10.000 déplacés arrivés sur le sol français, 316 étaient des ressortissants d'un autre pays, soit 2,5%, selon les données fournies vendredi par le ministère de l'Intérieur et basées sur les contrôles effectués par la police aux frontières.

Une part de réfugiés particulièrement scrutée à droite de l'échiquier politique, de crainte que des ressortissants d'autres pays ne se mêlent à ce flux de personnes pour bénéficier d'une prise en charge généreuse débloquée par l'Europe, au titre de la protection temporaire.

Pourtant, l'instruction ministérielle du 10 mars envoyée aux préfets est claire: le texte, qui permet aux déplacés de séjourner légalement en France et de bénéficier d'une large gamme de prestations sociales (hébergement, allocations, scolarité, accès à l'emploi et aux soins) ne s'adresse pas à tous.

En bénéficieront les ressortissants ukrainiens qui résidaient en Ukraine avant le 24 février, date du déclenchement du conflit, les «ressortissants de pays tiers» qui vivaient sous statut de réfugié (ou équivalent) à cette date en Ukraine, et enfin ceux qui y «résidaient régulièrement» avec un titre de séjour et qui ne «sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou région d'origine dans des conditions sûres et durables».

«Cette notion de retour sûr (et durable) n'est pas définie», observe Gérard Sadik, responsable des questions d'asile à l'association La Cimade.

Qui est reconnu dans l'impossibilité de rentrer chez lui dans ces conditions ? Un Afghan ou un Syrien, dont les pays sont instables ? Un Algérien, dont le pays s'est recroquevillé sur fond de pandémie ? Un étudiant qui n'en a tout simplement pas les moyens ?

Refoulements

Déjà, le flou juridique fait de premiers dégâts collatéraux aux frontières françaises. Selon les informations de l'AFP, une quinzaine de non-Ukrainiens, qui fuyaient la guerre, ont été refoulés essentiellement à la frontière franco-italienne.

«Nous avons non-admis quelques ressortissants pakistanais et nigérians (moins d'une quinzaine) présentant, dans la bande frontalière franco-italienne, des titres de séjour ukrainiens», assume par exemple la préfecture des Alpes-Maritimes (sud-est).

«Ces ressortissants d'Etats tiers à l'Union européenne qui en l'état ne peuvent bénéficier de la protection temporaire accordée aux Ukrainiens ont été remis aux autorités italiennes.»

Problème, explique Laure Palun, directrice de l'Anafé (Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers), «il n'y a pas que la protection temporaire: ils sont refoulés directement, sans examen de leur situation, et on les empêche de demander l'asile, par exemple».

«Il est logique que les résidents étrangers fuient également la guerre en Ukraine: les bombes ne distinguent pas la couleur de peau», fulmine Pierre Henry, président de l'association France Fraternités.

«Ce sont souvent des étudiants, des personnes qui disposent de courts titres de séjour. Plutôt que de confier leur sort aux préfectures, qui n'arrivent déjà pas à faire face au flux habituel, on devrait prendre une mesure temporaire qui permette la réflexion à leur sujet, en accueillant par exemple pour trois mois renouvelables ces étrangers», propose-t-il pour «s'éviter une nouvelle usine à gaz».

Interrogée sur le sort des non-Ukrainiens, la ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa, en charge de cet accueil, ne «croit pas qu'il y ait deux poids, deux mesures». «Il y a une guerre aux portes de l'Europe, il y a une solidarité nécessaire à cet égard», a-t-elle expliqué lors d'une conférence de presse.

«Nous utilisons les mêmes hôtels dans le cadre du premier accueil pour les Ukrainiens» que ceux qui avaient servi à accueillir les Afghans évacués de Kaboul l'été dernier après la prise de pouvoir des talibans, a abondé le patron de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, Didier Leschi, lors du même point presse.

Quant aux personnes qui ne «rentreraient pas dans les critères» de la protection temporaire, «nous allons organiser de l'aide au retour volontaire dans le pays d'origine», a-t-il précisé.

Pour pouvoir repartir, encore faut-il arriver.


Le chef de la diplomatie française annonce "une nouvelle phase" des relations avec Alger

Cette photo diffusée par le ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE) montre le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot (G) reçu par le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf (D) au siège du ministère à Alger, le 6 avril 2025. (Photo Philemon HENRY / MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA FRANCE / AFP)
Cette photo diffusée par le ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE) montre le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot (G) reçu par le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf (D) au siège du ministère à Alger, le 6 avril 2025. (Photo Philemon HENRY / MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA FRANCE / AFP)
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  • « Avec le président Abdelmadjid Tebboune, nous avons exprimé la volonté partagée de tourner la page, d'entamer une nouvelle phase et de reconstruire un partenariat d'égal à égal, serein et apaisé », a déclaré M. Barrot
  • M. Barrot, a annoncé une « réactivation de l'ensemble des mécanismes de coopération » et la « reprise de nos relations normales ».

ALGER : Dimanche, lors d'une visite à Alger, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a annoncé « une nouvelle phase » pour les relations entre la France et l'Algérie, après huit mois d'une crise qui a mené les deux pays au bord de la rupture.

« Avec le président Abdelmadjid Tebboune, nous avons exprimé la volonté partagée de tourner la page, d'entamer une nouvelle phase et de reconstruire un partenariat d'égal à égal, serein et apaisé », a déclaré M. Barrot à l'issue d'un entretien de 2 h 30 avec le chef de l'État algérien. 

« La France souhaite tourner la page des tensions actuelles, dans un souci d'efficacité et de résultats », a expliqué M. Barrot, annonçant une « réactivation de l'ensemble des mécanismes de coopération » et la « reprise de nos relations normales ».

La période de tension inédite traversée ces derniers mois « ne sert ni les intérêts des Algériens ni ceux des Français », a-t-il estimé.

Selon M. Barrot, tous les sujets ont été mis sur la table lors d'une réunion de 1 h 45 avec son homologue Ahmed Attaf, l'idée étant de retrouver la dynamique et l'ambition fixées par MM. Macron et Tebboune en août 2022 lors de la visite du président français à Alger.

Le ministre a annoncé « tout d'abord » une reprise de la coopération sécuritaire, avec une réunion « déjà actée » des hauts responsables des services de renseignement. « Nous aurons, a-t-il ajouté, un dialogue stratégique sur le Sahel », où l'Algérie est limitrophe du Mali et du Niger. Les deux pays sont également préoccupés par le retour de djihadistes de Syrie.

Autre sujet de préoccupation pour la France : l'acceptation par Alger des ressortissants renvoyés ou expulsés de France. Le traitement de questions comme les visas et les réadmissions se fera « dans le cadre des accords existants, via des procédures normales », a indiqué M. Barrot, annonçant « une rencontre prochaine » entre préfets français et consuls algériens.

Sur le plan économique, face aux difficultés rencontrées par une partie des 6 000 entreprises françaises implantées en Algérie, notamment dans les secteurs de l'agroalimentaire, de l'automobile et du transport maritime, M. Tebboune a assuré vouloir « donner une nouvelle impulsion ». M. Barrot a également annoncé une réunion entre les patronats des deux pays le 9 mai à Paris.

M. Barrot a évoqué le sort de Boualem Sansal », appelant le président Tebboune à « un geste d'humanité » pour l'écrivain « au vu de son âge et de son état de santé ». L'essayiste et romancier de plus de 80 ans, atteint d'un cancer, a été condamné le 27 mars à cinq ans de prison.

Le parquet algérien, qui avait requis 10 ans de prison, a fait appel. Selon des avocats à Alger, une réduction de peine et éventuellement une grâce présidentielle permettraient sa libération anticipée.

« Les relations reprennent leur cours normal, sans avoir besoin de déclarer un vainqueur dans cette brouille diplomatique », tout en démontrant « l'impossibilité d'une rupture entre l'Algérie et la France » voulue par l'extrême droite française, estime le journal algérien L'Expression. 


LFI ne votera pas «une loi de confort» sur l'inéligibilité de Le Pen

La France insoumise ne votera pas une proposition de loi pour supprimer l'exécution provisoire d'une condamnation d'inéligibilité, son coordinateur Manuel Bompard estimant que Marine Le Pen n'avait plus de raison "de se plaindre" après avoir obtenu un appel rapidement. (AFP)
La France insoumise ne votera pas une proposition de loi pour supprimer l'exécution provisoire d'une condamnation d'inéligibilité, son coordinateur Manuel Bompard estimant que Marine Le Pen n'avait plus de raison "de se plaindre" après avoir obtenu un appel rapidement. (AFP)
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  • Jean-Luc Mélenchon avait semé le doute sur les intentions de LFI en disant son opposition aux mesures exécutoires et en estimant que "la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple" après la condamnation choc de Marine Le Pen
  • La France insoumise ne votera pas une proposition de loi pour supprimer l'exécution provisoire d'une condamnation d'inéligibilité

PARIS: La France insoumise ne votera pas une proposition de loi pour supprimer l'exécution provisoire d'une condamnation d'inéligibilité, son coordinateur Manuel Bompard estimant que Marine Le Pen n'avait plus de raison "de se plaindre" après avoir obtenu un appel rapidement.

"C'est une loi de confort. Je n'ai certainement pas l'intention de voter pour une loi Marine Le Pen", a déclaré M. Bompard sur Franceinfo en allusion à la proposition de loi qu'Eric Ciotti entend déposer pour supprimer les peines d'inéligibilité immédiate, comme celle infligée à Marine Le Pen.

Jean-Luc Mélenchon avait semé le doute sur les intentions de LFI en disant son opposition aux mesures exécutoires et en estimant que "la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple" après la condamnation choc de Marine Le Pen à une peine d'inéligibilité de cinq ans avec effet immédiat.

"Nous avons dit +c'est une décision suffisamment lourde qui a des conséquences importantes pour la démocratie et donc on trouve légitime qu'elle puisse donner lieu à un appel, y compris du point de vue de la peine d'inéligibilité+", a expliqué M. Bompard.

"D'un certain point de vue, cette exigence est satisfaite aujourd'hui puisqu'il va y avoir un appel dans un an. Je ne comprends pas pourquoi Madame Le Pen continue à se plaindre sur ce sujet d'ailleurs", a-t-il ajouté.

Le RN est assez isolé sur ce sujet, a-t-il relevé. "La preuve, c'est quand même que le rassemblement d'hier qui devait être un élément de démonstration de force pour montrer que Madame Le Pen a eu un soutien populaire a été un gros flop", a-t-il estimé.

Selon le RN, quelque 10.000 sympathisants étaient présents place Vauban devant les Invalides mais selon une source policière ils étaient moins de 7.000 sur cette place qui était loin d'être remplie.

La contre-manifestation, appelée par LFI et les écologistes, n'a pas attiré les foules non plus.

"Ce n'est pas tout à fait la même chose pour une manifestation appelée depuis une semaine avec les bus du RN pour essayer de faire une grande démonstration de force et pour une réponse qui a été appelée en quelques jours", a-t-il répondu.

M. Bompard a donné rendez-vous au 1er mai pour "une réponse puissante avec des centaines de milliers de personnes dans la rue"


En France, un rassemblement en soutien à Marine Le Pen se tient dans un climat de tensions

Des représentants du parti, dont Franck Allisio (3eL), Emmanuel Fouquart (2eL), Romain Tonussi (5eL), tiennent une banderole lors d'un rassemblement de soutien à la présidente du groupe parlementaire du Rassemblement national, Marine Le Pen, après sa condamnation pour un système d'emplois fictifs au Parlement européen, à Marseille, le 5 avril 2025. (Photo Clement MAHOUDEAU / AFP)
Des représentants du parti, dont Franck Allisio (3eL), Emmanuel Fouquart (2eL), Romain Tonussi (5eL), tiennent une banderole lors d'un rassemblement de soutien à la présidente du groupe parlementaire du Rassemblement national, Marine Le Pen, après sa condamnation pour un système d'emplois fictifs au Parlement européen, à Marseille, le 5 avril 2025. (Photo Clement MAHOUDEAU / AFP)
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PARIS : Alors que la France s'approche à grands pas de l'élection présidentielle, l'extrême droite organise dimanche à Paris un rassemblement de soutien à sa cheffe de file, Marine Le Pen, condamnée à une peine d'inéligibilité, dans un climat de tensions avec des contre-manifestations attendues dans la capitale.

Dans un contexte international marqué par des crises - conflit russo-ukrainien, Proche-Orient, guerre commerciale lancée par Donald Trump -, et une crise politique latente en France, le pays a subi la semaine dernière une très forte secousse judiciaire et politique.

La lourde condamnation en première instance du premier parti de France, le Rassemblement national (RN), dans l'affaire des assistants parlementaires européens pour détournement de fonds publics, et l'hypothèse sérieuse de l'inéligibilité de Marine Le Pen, l'une des favorites pour la prochaine présidentielle, ont mis la classe politique en tension, alors que nous approchons de l'échéance prévue pour la succession d'Emmanuel Macron. 

D'ici là, à l'été 2026, la cour d'appel de Paris doit se prononcer sur le sort de la triple candidate à l'élection présidentielle, condamnée en première instance à quatre ans de prison dont deux ferme, ainsi qu'à cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire.

La présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale ne compte pas pour autant renoncer d'emblée et passer le flambeau au président de son parti, Jordan Bardella.

Au contraire, le parti d'extrême droite est à l'offensive : il a dénoncé des « juges tyrans » à l'Assemblée nationale selon les mots du député RN Jean-Philippe Tanguy et appelle à un rassemblement de soutien à Mme Le Pen devant les Invalides, un monument emblématique de Paris qui abrite le tombeau de Napoléon, à 13 heures GMT. 

Dans le journal Le Parisien, le Premier ministre centriste François Bayrou a jugé qu'il n'était « ni sain ni souhaitable » d'organiser un rassemblement pour protester contre une décision de justice.

Même son de cloche à droite : Xavier Bertrand, le président de droite de la région des Hauts-de-France, terre d'élection de Mme Le Pen, redoute la perspective d'un « mauvais remake du Capitole », en référence à l'envahissement du Congrès de Washington par les partisans de Donald Trump le 6 janvier 2021.

« Ce n'est pas une manifestation contre des juges, mais pour la démocratie, pour Marine Le Pen, pour la souveraineté populaire », a rétorqué Sébastien Chenu, vice-président du RN.

Le parti de gauche radicale La France Insoumise (LFI) ainsi que les écologistes organiseront au même moment un contre-rassemblement face au RN, place de la République à Paris, à environ 5 kilomètres des Invalides.

Un autre meeting, prévu depuis des mois, se tiendra à Saint-Denis, au nord de Paris, à l'appel de Renaissance, le parti centriste proche du camp présidentiel.

Gabriel Attal, l'ancien jeune Premier ministre qui dirige cette formation, a battu le rappel après l'annonce du rassemblement du RN, pour défendre « l’État de droit », « la démocratie et nos valeurs ».

« Est-ce que l'on veut que la France devienne l'Amérique de Trump ou pas ? », s'est interrogé un proche de M. Attal.