KIEV : Les forces russes resserrent l'étau samedi sur Kiev et continuent sans répit les bombardements sur d'autres villes ukrainiennes, touchant plusieurs hôpitaux à Mykolaïv et une mosquée dans la cité portuaire stratégique de Marioupol, dévastée par deux semaines de siège.
Une mosquée abritant 80 civils, dont des Turcs, a été bombardée à Marioupol (sud-est), a annoncé samedi le ministère des Affaires étrangères ukrainien sans préciser quand cela s'était produit.
Dans la ville portuaire de Mykolaïv (sud), les bombardements n'ont quasiment pas cessé de la nuit, touchant notamment un centre de soins pour le cancer et un hôpital ophtalmologique, selon une journaliste de l'AFP.
"Ils ont tiré sur ces zones civiles, sans aucun objectif militaire", a fustigé Dmytro Lagotchev, chef de l'hôpital.
Samedi matin, les médias locaux rapportaient que des sirènes d'avertissement anti-bombardement sonnaient sur l'ensemble du territoire ukrainien, notamment à Kiev, Odessa, Dnipro et Kharkiv.
A Vasylkiv, au sud de Kiev, un terminal pétrolier était en feu après une frappe aérienne russe, selon le chef de l'administration militaire régionale de Kiev, Oleksiy Kueba. "Un dépôt de munitions a été endommagé. Des munitions explosent. Un incendie s'est déclaré", a indiqué la police, citée par l'agence d'information ukrainienne UNIAN.
Assiégée depuis des jours, Marioupol est privée d'eau, de gaz, d'électricité, de communications. On y a vu des gens se battre pour de la nourriture. Une situation "quasi désespérée", a alerté Médecins sans frontières (MSF).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé vendredi soir que les troupes russes n'avaient pas laissé entrer l'aide humanitaire, en promettant d'essayer de nouveau samedi d'y acheminer nourriture, eau et médicaments.
Une nouvelle tentative de couloir d'évacuation était aussi prévue pour permettre aux civils de sortir de la ville, en direction de Zaporojie, à quelque 200 kilomètres au nord-ouest, selon la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk.
"Les sièges sont une pratique médiévale", a dénoncé auprès de l'AFP Stephen Cornish, l'un des coordinateurs de l'action de MSF en Ukraine.
"Marioupol assiégée est à présent la pire catastrophe humanitaire sur la planète. 1 582 civils tués en 12 jours, enterrés dans des fosses communes comme celle-ci", a aussi accusé vendredi le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba dans un tweet accompagné de la photo d'une tranchée.
Le ministère de la Défense russe a de son côté fait état de la livraison par l'armée russe de plus de 100 tonnes d’aide humanitaire "aux colonies libérées de la région de Kharkiv" (nord-est).
Kiev, «symbole de la résistance»
S'ils visent les villes de Kryvy Rig, Kremenchug, Nikopol et Zaporojie, selon l'armée ukrainienne, les Russes ont pour principale cible Kiev. Présents dans les faubourgs de la capitale, ils cherchent à éliminer les défenses dans plusieurs localités à l'ouest et au nord de la ville pour la "bloquer", selon l'état-major ukrainien.
"Kiev est un symbole de la résistance" qui se prépare à une "défense acharnée", a proclamé dans une vidéo Mykhailo Podolyak, un conseiller du président Volodymyr Zelensky.
L’armée russe fait de son côté état d’avancées sur le front de la région séparatiste du Donbass (est de l'Ukraine), affirmant avoir détruit "au total 3 491 infrastructures militaires ukrainiennes", dont "123 véhicules aériens sans pilote, 1 127 chars et autres véhicules de combat blindés".
L’état-major général ukrainien a, lui, assuré sur Facebook que la Russie avait perdu plus de 12 000 soldats, 1 205 blindés, depuis le lancement de l'invasion russe le 24 février.
Depuis cette date également, plus de 2,5 millions de personnes ont fui l'Ukraine, dont 116 000 étrangers, tandis qu'environ deux millions de personnes sont aussi déplacées à l'intérieur du pays, selon le Haut-Commissariat de l'ONU aux réfugiés.
Les gardes-frontières de la Pologne voisine estiment à 1,5 million le nombre de personnes arrivées d'Ukraine depuis le 24 février. "Vous (les Polonais, NDLR) les avez accueillis dans vos familles avec de la tendresse, de la gentillesse fraternelle", a remercié M. Zelensky dans un message vidéo.
Dans un autre message, sur Telegram, M. Zelensky s'est adressé aux mères de soldats russes, dans la nuit de vendredi à samedi, les exhortant à "ne pas envoyer leurs enfants à la guerre dans un pays étranger".
Pression économique
Le camp occidental continue d'accroître la pression économique sur Moscou, en ouvrant la voie à des droits de douane punitifs et en asséchant les échanges avec le pays. L'Union européenne et le G7 se sont joints à Washington pour révoquer le statut dit de "nation la plus favorisée" de Moscou, qui facilite le libre-échange de biens et services.
L'escalade pourrait se poursuivre : "Si (le président russe Vladimir) Poutine intensifie les bombardements, fait le siège de Kiev, s'il intensifie encore les scènes de guerre, nous savons que nous devrons prendre encore des sanctions massives", a averti vendredi le président français Emmanuel Macron à l'issue d'un sommet des dirigeants européens, à Versailles (près de Paris).
De son côté, Dmitri Rogozine, le patron de l'agence spatiale russe a lancé une mise en garde : les sanctions pourraient, selon lui, provoquer la chute de la Station spatiale internationale (ISS) en affectant le segment russe de la station qui sert notamment à corriger l'orbite de la structure orbitale.
Par ailleurs, le président américain Joe Biden a prévenu vendredi que la Russie paierait "le prix fort" en cas de recours à des armes chimiques en Ukraine, tout en s'engageant à "éviter" une confrontation directe entre l'Otan et Moscou qui provoquerait "la Troisième Guerre mondiale".
Les entreprises européennes continuent de quitter la Russie, comme la première banque allemande, Deutsche Bank, qui a emboîté le pas vendredi à d'autres établissements financiers internationaux.
Le groupe allemand n'a qu'une implication limitée dans le pays mais y possède un important centre technologique employant 1 500 spécialistes informatiques.
De son côté, la Russie a annoncé qu'elle allait restreindre l'accès au réseau social Instagram, qu'elle accuse de propager des appels à la violence contre les Russes en lien avec le conflit en Ukraine, après que la maison mère d'Instagram et de Facebook eut assoupli son règlement sur les messages violents destinés à l'armée et aux dirigeants russes.