VIENNE: Coup d'arrêt brutal aux négociations sur le nucléaire iranien: sur le point d'aboutir il y a une semaine, elles sont désormais menacées par Moscou qui réclame des garanties supplémentaires.
"Nous devons faire une pause dans les pourparlers en raison de facteurs externes", a annoncé vendredi Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l'Union européenne (UE) qui coordonne le processus.
"Un texte final est quasiment prêt et sur la table", a-t-il ajouté.
"Les nouvelles sanctions liées à la Russie sont absolument sans lien" avec l'accord et "ne devraient avoir aucun impact" sur ces discussions, a-t-il ajouté. "Nous n'avons aucune intention d'offrir à la Russie quoi que ce soit de nouveau ou de spécifique".
L'ombre de l'Ukraine
"Le conflit en Ukraine a maintenant fait irruption de manière très concrète" dans ce dossier d'habitude préservé des tensions géopolitiques, a commenté pour l'AFP Eric Brewer, de l'institut de recherches américain Nuclear Threat Initiative.
Les exigences russes "ont enrayé le mécanisme à la dernière minute, menaçant de compromettre les discussions et d'empêcher le rétablissement du pacte" connu sous l'acronyme JCPOA, a-t-il averti.
Téhéran est engagé depuis onze mois dans des pourparlers à Vienne avec les grandes puissances pour tenter de sauver l'accord de 2015.
Conclu par l'Iran d'un côté, et les Etats-Unis, la Chine, la Russie, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne de l'autre, ce pacte était censé empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique en échange de la levée des sanctions qui asphyxient son économie.
Mais il s'est délité après le retrait en 2018 de Washington qui a rétabli ses mesures contre l'Iran. En réaction, l'Iran s'est progressivement affranchi des limites imposées à son programme nucléaire.
L'arme du pétrole
L'Iran, proche de la Russie, se retrouve dans une position difficile et avait accusé jeudi les Etats-Unis, qui auraient formulé de "nouvelles exigences".
Vendredi, le porte-parole des Affaires étrangères iraniennes, Saïd Khatibzadeh, s'est voulu rassurant.
"Aucun facteur externe ne va affecter notre vœu commun d'un accord collectif", a-t-il réagi. "La pause peut fournir l'élan pour résoudre les problèmes restants".
Reste désormais pour Téhéran et Pékin à "parler à Moscou afin de normaliser la situation", souligne une source européenne. "Aussi près de la ligne d'arrivée, c'est vraiment frustrant".
Des experts s'inquiètent d'une "instrumentalisation par Moscou de la question iranienne", selon Clément Therme, spécialiste du Moyen-Orient.
"Le jeu de la Russie peut être d'obtenir un délai pour la réactivation de l'accord afin d'éviter un afflux de pétrole iranien sur le marché", qui ferait baisser les cours, explique-t-il à l'AFP.
"En maintenant le baril à un prix élevé, le Kremlin peut utiliser l'arme énergétique contre l'Occident", souligne l'expert, chargé de cours à l'université Paul Valéry de Montpellier.
Quant à Téhéran, sa marge de manœuvre est étroite du fait de "l'asymétrie de sa relation" avec Moscou, note-t-il.
Si Moscou demeure inflexible, "nous serions obligés de regarder si d'autres options sont possibles", avance un diplomate européen. Une chose est sûre: "On ne souhaite pas être dans une situation binaire consistant à laisser la Russie prendre le JCPOA en otage".