VERSAILLES: Même lieu, autre ambiance: il y a cinq ans, Emmanuel Macron commençait son mandat en recevant avec faste Vladimir Poutine au château de Versailles. Il le termine en y accueillant dans la gravité les dirigeants européens, tous unis contre le président russe.
L'ombre de Vladimir Poutine planait jeudi en fin d'après-midi sur la Cour des marbres, où le président français a accueilli les 26 chefs d'Etat et de gouvernement.
Sur le tapis rouge, les sourires sont de mise mais les déclarations témoignent de l'inquiétude de tous face à cette "guerre en Europe". A l'image du président français, qui exprime son "pessimisme", nul n'ose prédire une fin rapide de l'invasion de l'Ukraine lancée par l'armée russe il y a deux semaines.
La guerre en Ukraine ralentit la croissance mondiale, prévient le FMI
La guerre en Ukraine ralentit la croissance mondiale, a prévenu jeudi Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, citant la pression sur les prix alimentaires et l'énergie ainsi que la dégradation de la confiance des ménages et des entreprises.
Elle a d'ores et déjà indiqué que le mois prochain, lors des réunions de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, il fallait s'attendre à une baisse des "projections de croissance mondiale", sans toutefois avancer de chiffres.
En janvier, la prévision du FMI avait déjà été ramenée à 4,4% pour 2022, contre 4,9% en octobre et près de 5,9% l'an passé.
L'atmosphère est donc austère lorsque les 27 se retrouvent autour d'une vaste table dans le salon Hercule, à proximité des appartements du roi. Le contraste est saisissant avec la splendeur colorée des murs de ce salon royal, orné du plus vaste plafond peint sur toile d'Europe.
Il le sera encore davantage lors du dîner, consacré à la guerre en Ukraine, qui se tiendra sous les ors de la galerie des Glaces, la plus somptueuse des pièces du château.
Le choix d'organiser ce sommet informel à Versailles a été fait par la France avant le début de l'invasion russe le 24 février. Notamment pour des raisons pratiques, le château étant proche de Paris et facile à sécuriser.
Les autorités se disent conscientes du décalage entre ce décor opulent et les images des villes ukrainiennes bombardées et des civils en fuite qui provoquent une immense émotion en Europe.
Même s'il se déroule dans un château, "il ne s'agit pas d'une fête. Nous devons être sobres dans cette période", a reconnu Clément Beaune, le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes jeudi sur la radio France Inter.
«Vitrine» française
A un mois de l'élection présidentielle à laquelle est candidat Emmanuel Macron, cette retenue s'impose d'autant plus que les Français font grise mine face à une flambée quasi générale des prix, en premier lieu de ceux des carburants.
La situation était très différente lorsque, le 30 mai 2017, le jeune président français avait guidé Vladimir Poutine dans le château, lui faisant admirer les immenses tableaux des grandes victoires françaises dans la galerie des Batailles.
Tout juste élu, le jeune président était alors en quête d'une relance des relations avec Moscou après les tensions liées à l'annexion de la Crimée et les combats dans le Donbass, dans l'est de l'Ukraine.
Lors de la conférence de presse finale, Emmanuel Macron avait adopté un ton plutôt conciliant, souhaitant une "désescalade" de la tension et une prochaine réunion au "format Normandie" (Russie, Ukraine, France et Allemagne).
Les "sanctions" contre la Russie ne contribuent "aucunement" à régler la crise ukrainienne, avait lancé M. Poutine.
Les géants de Wall Street Goldman Sachs et JPMorgan Chase se retirent de Russie
Les grandes banques Goldman Sachs et JPMorgan Chase ont annoncé jeudi qu'elles étaient en train de se défaire de leurs activités en Russie, devenant ainsi les premiers grands établissements de Wall Street à prendre leurs distances avec Moscou après l'invasion de l'Ukraine.
Elles rejoignent ainsi l'exode des quelques multinationales américaines encore présentes dans le pays, Disney et Kimberly-Clark annonçant jeudi limiter leurs activités en Russie après Apple, ExxonMobil ou McDonald's.
En cinq ans, Emmanuel Macron a utilisé le château de Versailles bien plus que ses prédécesseurs, en en faisant un outil de "soft power" de sa diplomatie. "C’est une vitrine de l’imaginaire français, qui fascine et symbolise la France qui rayonne", résumait l’un de ses proches en 2018. Et c'est aussi "un lieu de pouvoir à la fois monarchique et républicain".
Après Vladimir Poutine, le chef de l'Etat y a accueilli le prince héritier du Japon Naruhito mais aussi, à quatre reprises, des centaines de patrons de multinationales pour le sommet de l'attractivité Choose France. Il s’est aussi exprimé à deux reprises devant le Parlement réuni en Congrès.
Pour les Européens, le château est aussi le lieu où a été signé, le 28 juin 1919, le traité de paix - ou traité de Versailles - mettant fin à la Première Guerre mondiale.