Comment la crise ukrainienne dévoile les partis pris et le double langage de l’Occident

Des Ukrainiens fuyant leur pays face à la progression du conflit (Photo fournie).
Des Ukrainiens fuyant leur pays face à la progression du conflit (Photo fournie).
Short Url
Publié le Mercredi 09 mars 2022

Comment la crise ukrainienne dévoile les partis pris et le double langage de l’Occident

  • Les Ukrainiens et les ressortissants du Moyen-Orient reçoivent des traitements très différents des gouvernements européens
  • Des commentaires télévisés témoignent du racisme désinvolte des journalistes occidentaux dans leur couverture des conflits

LONDRES: L'invasion de l'Ukraine par la Russie a révélé les préjugés anti-arabes et antimusulmans dans l’ensemble des personnalités politiques et des médias européens. Pour des centaines de milliers de réfugiés et de demandeurs d'asile traqués, rejetés ou bloqués, cet état de fait ne doivent cependant pas surprendre.
L'incident le plus récent est un cas classique de ce deux poids deux mesures: un politicien danois a proposé que les réfugiés ukrainiens puissent être exemptés des lois qui ont permis aux autorités de saisir les biens des réfugiés syriens et iraniens.
Rasmus Stoklund, porte-parole du gouvernement social-démocrate du Danemark en matière d’immigration, a déclaré la semaine dernière au journal danois Ekstra Bladet que la loi dite «des bijoux» ne devrait pas être appliquée aux Ukrainiens fuyant le conflit parce qu'ils viennent d'une «région proche».
Cette loi très controversée autorise les demandeurs d'asile entrant sur le territoire à conserver des biens d'une valeur maximale de 10 000 couronnes danoises (1 couronne danoise = 0,13 euro). Tout ce qui dépasse ce montant est en revanche susceptible d'être saisi par l'État pour payer leur séjour dans le pays.
L'exemption potentielle des Ukrainiens de cette loi a mis en évidence le traitement très différent qu’ils ont reçu depuis l'invasion de leur pays, par rapport à ce qu'on connu les Syriens et d'autres nationalités, pour la plupart du Moyen-Orient et d'Afrique, lors de leur exil au cours de la dernière décennie.
«La loi de 2016 était surtout symbolique, destinée à envoyer un message inhospitalier aux personnes qui chercheraient refuge au Danemark», a déclaré Judith Sunderland, directrice associée de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch, à Arab News.
«A présent, les autorités veulent envoyer le message inverse, mais à destination des réfugiés ukrainiens uniquement.
«Le fait de prévoir une exemption pour les réfugiés ukrainiens est clairement discriminatoire. S'ils n'ont pas à remettre leurs objets de valeur, pourquoi les autres réfugiés devraient-ils le faire?»

Des policiers français procèdent à des opérations d'expulsion de migrants d'un camp à Calais, dans le nord de la France (Photo, AFP).


Le changement proposé «concrétise le contraste frappant entre l’accueil de l'UE réservé aux réfugiés ukrainiens et la réponse du bloc aux Syriens, Afghans, Irakiens, Érythréens et la liste pourrait s'allonger».
De l'avis de Sunderland: «l'empathie et la générosité dont ont bénéficié les Ukrainiens devraient s'étendre davantage à tous les réfugiés, quelle que soit leur nationalité, leur religion ou la couleur de leur peau.»
Ses inquiétudes sont partagées par Chris Doyle, directeur du Conseil pour la compréhension arabo-britannique, qui estime que «la loi danoise était mauvaise en premier lieu, peu importe à qui elle s'appliquait».
«Donc d'un côté, je suis ravi si le Danemark abolit cette loi pour les réfugiés ukrainiens», a-t-il déclaré à Arab News. «Toutefois, comme nous le constatons dans de nombreux pays, la réaction à l’accueil et à la prise en charge des réfugiés ukrainiens est complètement différente de celle des réfugiés syriens, afghans et ceux d’autres régions».
Selon Doyle, cela «ne devrait pas être la façon dont les pays élaborent leurs politiques en matière d'accueil des réfugiés».
L'ambassade du Danemark à Londres n'a pas répondu aux demande de commentaires d'Arab News.

EN CHIFFRES

* 6,7 millions de réfugiés syriens.
* 2,7 millions d’afghans.
* 2 millions de réfugiés ukrainiens.
Source: HCR

Mardi, plus de deux millions de personnes avaient déjà fui l'Ukraine, un pays qui comptait environ 40 millions d'habitants avant la guerre. La grande majorité des personnes déplacées par l'invasion russe ont afflué vers l'UE.
La Pologne a été l’une des principales voies européennes dans la crise ukrainienne et a accueilli le plus grand nombre de réfugiés, plus d'un million de personnes en moins de deux semaines.
De même, selon les chiffres de l'ONU, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie ont accueilli lundi quelques 180 000, 100 000 et 123 000 personnes, respectivement.
«Nous ferons tout pour fournir un abri sûr en Pologne à tous ceux qui en ont besoin», a déclaré la semaine dernière Mariusz Kaminski, le ministre polonais de l'Intérieur, en omettant de mentionner que, pendant la guerre en Syrie, la Pologne, ainsi que la Hongrie et la République tchèque, avait essentiellement refusé d'accueillir tout réfugié syrien.
Ce refus catégorique concernant les Syriens leur a valu une réprimande de la Cour européenne de justice pour avoir refusé de suivre les lois européennes sur l'accueil des réfugiés. Pour sa part, la Slovaquie, n'a accepté qu'un nombre infime de réfugiés chrétiens pendant la crise syrienne.

Pendant la guerre syrienne, la Pologne, ainsi que la Hongrie et la République tchèque, ont essentiellement refusé d'accueillir des réfugiés syriens (Photo, AFP).


Kaminski a également omis de mentionner qu'il y a quelques mois à peine, son gouvernement a érigé un mur ayant coûté 380 millions de dollars (1 dollar américain = 0,92 euro) entre la Pologne et la Biélorussie voisine de manière à bloquer l’accès à des milliers de réfugiés non européens demandant l'asile dans l'UE.
Pas moins de 19 de ces réfugiés sont morts au cours des mois de cette crise frontalière, aujourd’hui largement oubliée au milieu de la fureur ukrainienne, qui a montré au monde, sans équivoque, l'hostilité du gouvernement polonais envers les réfugiés non européens.
Pour Doyle, «on peut entendre l'argument selon lequel la proximité géographique puisse conduire un pays à accueillir un plus grand nombre de réfugiés… mais cela ne devrait certainement pas conduire à des politiques discriminatoires fondées sur la race, l’appartenance ethnique, etc.
«Le monde nous observe. Il peut voir la différence de traitement entre la guerre en Ukraine et les autres conflits en cours dans les pays en développements», a-t-il estimé.
La nouvelle des modifications proposées à la législation danoise fait suite à une pléthore de controverses en ligne et dans les médias concernant la couverture du conflit ukrainien par rapport à d'autres conflits et crises de ce type en dehors de l'Europe.
Des vidéos circulant en ligne sur Twitter, accumulant des millions de vues, ont témoigné du racisme désinvolte dont font preuve principalement les journalistes occidentaux dans leur couverture de la guerre.

Près de 2 millions de réfugiés ont fui l'Ukraine dans les semaines qui ont suivi l'invasion russe (Photo, AFP).


A titre d'exemple, au début du conflit et en direct de Kiev, Charlie D'Agata, correspondant principal de CBS News, a déclaré que «maintenant, avec l'arrivée des Russes, cela a complètement changé la donne. Des dizaines de milliers de personnes ont tenté de fuir la ville. Il y en aura beaucoup plus, les gens se cachent dans des abris anti-bombes.
«Mais ce n'est pas un endroit, avec tout le respect que je leur dois, comme l'Irak ou l'Afghanistan, où le conflit fait rage depuis des décennies. C'est une ville relativement civilisée, relativement européenne. Je dois aussi choisir ces mots avec soin, une ville où l’on ne s’attend pas pas à cela».
Son qualificatif de «relativement civilisé, relativement européen», pour lequel il a ensuite présenté des excuses,  a suscité une condamnation générale. Les accusations de racisme ont afflué de la part de journalistes arabes, dont beaucoup couvrent les conflits du Moyen-Orient et d'ailleurs de)puis des années.
Autre exemple, un invité reçu par la BBC a déclaré que la guerre d'Ukraine était «très émouvante pour moi parce que je vois des Européens aux yeux bleus et aux cheveux blonds se faire tuer».
Pour Doyle, ce type de discours n'a pourtant pas pour origine d’un parti pris anti-arabe ou anti-moyen-oriental. Il est plutôt «le reflet d'un racisme sous-jacent plus large», selon lui.
«Je pense qu'il s’agit d’un problème d'opinion publique. Nous assistons depuis un certain temps à la montée de l’extrême droite, des opinions anti-immigrants et anti-réfugiés.
«Cela a confirmé ce que la plupart d'entre nous ont compris: ils sont anti-migrants si ces réfugiés viennent de pays non européens, de pays à majorité musulmane. Mais, ils ne le sont pas si ces réfugiés viennent de pays européens comme l'Ukraine.» conclut Doyle.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Climat : les pays se préparent à une déception générale à Bakou

COP29 Azerbaïdjan 2024
COP29 Azerbaïdjan 2024
Short Url
  • L'Union européenne, premier bailleur mondial pour le climat, a relevé samedi son engagement financier pour les pays en développement.
  • Une première proposition des pays riches d'augmenter leur soutien financier pour les pays les plus pauvres de 100 milliards de dollars par an pour le porter à 250 milliards d'ici 2035 a été rejetée vendredi par la plupart des pays en développement.

BAKOU : L'Union européenne, premier bailleur mondial pour le climat, a relevé samedi son engagement financier pour les pays en développement. Mais quoi qu'il arrive d'ici la nuit, nombre de pays semblent résignés à repartir mécontents de la conférence sur le climat de l'ONU à Bakou.

La présidence azerbaïdjanaise de la COP29 prévoit de publier son ultime proposition de compromis vers 14 h 00 (10 h 00 GMT), avant de le soumettre à l'approbation des près de 200 pays réunis ici vers 18 h 00 (14 h 00 GMT), soit 24 heures après la fin théorique de la conférence.

La plupart des stands de nourriture ont fermé et le service de navettes entre le stade de la ville a cessé. Des délégués commencent à rejoindre l'aéroport.

Une première proposition des pays riches d'augmenter leur soutien financier pour les pays les plus pauvres de 100 milliards de dollars par an pour le porter à 250 milliards d'ici 2035 a été rejetée vendredi par la plupart des pays en développement.

« Mieux vaut un mauvais accord qu'aucun accord », dit à l'AFP le chef des négociateurs du groupe africain, le Kényan Ali Mohamed. Il exige d'aller plus loin que les 250 milliards, « sinon cela mènera à l'échec de la COP ».

« Personne ne sera satisfait de tout, c'est sûr », ajoute-t-il.

L'Union européenne soutient un relèvement à 300 milliards annuels, ont confirmé plusieurs sources au sein de délégations à l'AFP. Mais les Européens conditionnent ce chiffre à d'autres avancées dans le compromis final. L'UE pousse notamment pour une revue annuelle des efforts de réduction des gaz à effet de serre, ce qui la met en opposition avec des pays comme l'Arabie saoudite.

« Les Saoudiens ont fait un effort extraordinaire pour qu'on obtienne rien », s'étrangle un négociateur européen.

« Je ne suis pas optimiste », confie à l'AFP le ministre de l'Environnement de Sierra Leone, Joseph Abdulai.

Alden Meyer, expert qui a participé à presque toutes les COP, prédit que « les pays en développement ne seront pas contents, que ce soit du nouveau chiffre de 300 ou de 350 ».

La question sera alors : accepteront-ils ce qu'ils considéreront être un mauvais accord, ou bloqueront-ils tout texte final ? Aux COP, toute décision doit être prise par consensus des 198 membres.

- Pression des ONG -

Le premier chiffre publié vendredi a été jugé « inacceptable » par les pays africains au regard des catastrophes qu'ils subissent et de leurs énormes besoins d'investissement dans les énergies bas carbone. Les petits États insulaires ont dénoncé le « mépris » dont leurs « peuples vulnérables » font l'objet.

Ils ont calculé que, compte tenu de l'inflation, l'effort financier réel des pays concernés (Europe, États-Unis, Canada, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande) serait bien inférieur, a fortiori si l'on tient compte des efforts déjà prévus par les banques multilatérales de développement.

« Si rien de suffisamment fort n'est proposé lors de cette COP, nous vous invitons à quitter la table des négociations pour vous battre un autre jour, et nous mènerons le même combat », ont écrit dans la nuit 335 organisations à une alliance de 134 pays regroupant les pays en développement et la Chine, appelée G77+Chine.

Une stratégie qui contredit le message d'urgence porté par de nombreux pays en développement. Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, qui a d'autres priorités en vue pour la COP30 de Belém l'an prochain, a insisté pour « ne pas repousser » à 2025 la tâche confiée à Bakou.

« Nous devons redonner espoir au monde et montrer que le multilatéralisme fonctionne », a déclaré à l'AFP le ministre irlandais Eamon Ryan.

Les pays en développement chiffrent leurs demandes à entre 500 et 1 300 milliards de dollars par an, afin de les aider à sortir des énergies fossiles et à s'adapter au réchauffement climatique.

Quel nouveau chiffre proposera la présidence azerbaïdjanaise samedi ?

Il faudrait monter à 390 milliards d'ici 2035, ont réagi des économistes mandatés par l'ONU, Amar Bhattacharya, Vera Songwe et Nicholas Stern.

Un chiffre également repris vendredi soir par le Brésil et sa ministre de l'Environnement, Marina Silva.

- Austérité occidentale -

Mais les Européens sont sous pression budgétaire et politique.

L'Europe veut « assumer ses responsabilités, mais doit faire des promesses qu'elle peut tenir », a déclaré la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock.

Le précédent projet d'accord fixait séparément l'objectif de lever 1 300 milliards de dollars par an d'ici 2035 pour les pays en développement ; ce total inclurait la contribution des pays développés et d'autres sources de financement (multilatérales, privées, taxes, autres pays du Sud, etc.).

La Chine semble pour l'instant avoir obtenu ce qu'elle souhaitait : l'exemption d'obligations financières. Il n'est pas question de renégocier la règle onusienne de 1992 qui stipule que la responsabilité de la finance climatique incombe aux pays développés.

Dont acte : le texte de vendredi « invite » les pays en développement, dont la Chine fait officiellement partie, à contribuer.

- Organisation azerbaïdjanaise -

Des négociateurs et des ONG critiquent la gestion de la conférence par les Azerbaïdjanais, qui n'avaient jamais organisé un événement mondial d'une telle ampleur.

La COP s'est déroulée dans une atmosphère pesante. Le président Ilham Aliev a attaqué la France, alliée de son ennemi l'Arménie. Les deux pays ont alors convoqué leurs ambassadeurs respectifs.

Deux parlementaires américains disent avoir été harcelés à Bakou. Plusieurs militants environnementaux azerbaïdjanais sont actuellement détenus.

Pour Alden Meyer, personne ne souhaite suspendre la COP29 pour la reprendre plus tard : « Cela obligerait à travailler encore cinq mois sous cette présidence. »


Le dirigeant de l'OTAN, Mark Rutte, a rencontré Donald Trump aux États-Unis

Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte participe à un sommet informel des dirigeants de l'Union européenne à Bruxelles, le 17 juin 2024. (Reuters)
Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte participe à un sommet informel des dirigeants de l'Union européenne à Bruxelles, le 17 juin 2024. (Reuters)
Short Url
  • « Ils ont discuté de l'ensemble des problèmes de sécurité mondiale auxquels l'Alliance est confrontée » a indiqué la porte-parole de l'Alliance Atlantique.
  • Le soutien nord-coréen apporté à Moscou illustre la nécessité pour les États-Unis de soutenir leur allié, dont la propre sécurité est mise en cause, avait rappelé M. Rutte à Paris le 12 novembre.

BRUXELLES : Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, a rencontré vendredi le président américain élu Donald Trump à Palm Beach, en Floride, a annoncé samedi la porte-parole de l'Alliance Atlantique.

« Ils ont discuté de l'ensemble des problèmes de sécurité mondiale auxquels l'Alliance est confrontée », a-t-elle indiqué dans un court communiqué, sans plus de détail.

L'ancien Premier ministre néerlandais avait indiqué vouloir rencontrer Donald Trump deux jours après son élection, le 5 novembre.

Il avait alors affirmé vouloir discuter avec lui de la « menace » que représente le renforcement des liens entre la Russie et la Corée du Nord.

« J'ai hâte de m'asseoir avec le président Trump et de voir comment nous allons collectivement nous assurer que nous faisons face à cette menace », avait-il déclaré le 7 novembre, en marge d'un sommet de dirigeants européens à Budapest.

Depuis, il n'a cessé de mettre en garde contre les dangers d'un rapprochement entre la Chine, la Corée du Nord et l'Iran, trois pays accusés d'aider la Russie dans son effort de guerre contre l'Ukraine.

Le soutien nord-coréen apporté à Moscou illustre la nécessité pour les États-Unis de soutenir leur allié, dont la propre sécurité est mise en cause, avait rappelé M. Rutte à Paris le 12 novembre.

La Russie soutient financièrement Pyongyang et lui apporte son expertise en matière de technologie de missiles. « C'est très inquiétant. Ces missiles représentent une menace directe pour le territoire américain », avait-il plaidé.

De même, en collaborant avec la Corée du Nord, l'Iran et la Chine, la Russie « ne menace pas seulement l'Europe, mais aussi la paix et la sécurité dans l'Indo-Pacifique et en Amérique du Nord », selon lui.

Les pays européens s'inquiètent également de la promesse du milliardaire américain de mettre fin à la guerre en Ukraine en 24 heures, avec un accord allant à l'encontre des intérêts de Kiev et les laissant à l'écart.


Le Parlement ukrainien déserté par crainte de frappes russes

Short Url
  • L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP
  • La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP

KIEV: Le Parlement ukrainien a annulé vendredi sa séance par crainte de frappes russes en plein coeur de Kiev, au lendemain du tir par la Russie d'un nouveau missile balistique et de menaces de Vladimir Poutine à l'adresse de l'Occident.

Après ce tir, le président russe s'était adressé à la nation jeudi soir en faisant porter la responsabilité de l'escalade du conflit sur les Occidentaux. Il a estimé que la guerre en Ukraine avait pris désormais un "caractère mondial" et menacé de frapper les pays alliés de Kiev.

Le Kremlin s'est dit confiant vendredi sur le fait que les Etats-Unis avaient "compris" le message de Vladimir Poutine.

L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP.

La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP.

En plein coeur de Kiev, ce quartier où se situent également la présidence, le siège du gouvernement et la Banque centrale, a jusqu'à présent été épargné par les bombardements. L'accès y est strictement contrôlé par l'armée.

Le porte-parole du président Volodymyr Zelensky a de son côté assuré que l'administration présidentielle "travaillait comme d'habitude en respectant les normes de sécurité habituelles".

"Compris" le message 

S'adressant aux Russes à la télévision jeudi soir, Vladimir Poutine a annoncé que ses forces avaient frappé l'Ukraine avec un nouveau type de missile balistique hypersonique à portée intermédiaire (jusqu'à 5.500 km), baptisé "Orechnik", qui était dans sa "configuration dénucléarisée".

Cette frappe, qui a visé une usine militaire à Dnipro, dans le centre de l'Ukraine, est une réponse, selon M. Poutine, à deux frappes menées cette semaine par Kiev sur le sol russe avec des missiles américains ATACMS et britanniques Storm Shadow, d'une portée d'environ 300 kilomètres.

M. Poutine a ainsi estimé que la guerre en Ukraine avait pris un "caractère mondial" et annoncé que Moscou se réservait le droit de frapper les pays occidentaux car ils autorisent Kiev à utiliser leurs armes contre le sol russe.

"Le message principal est que les décisions et les actions imprudentes des pays occidentaux qui produisent des missiles, les fournissent à l'Ukraine et participent ensuite à des frappes sur le territoire russe ne peuvent pas rester sans réaction de la part de la Russie", a insisté vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Il s'est dit persuadé que Washington avait "compris" ce message.

La veille, les Etats-Unis, qui avaient été informés 30 minutes à l'avance du tir russe, avaient accusé Moscou de "provoquer l'escalade". L'ONU a évoqué un "développement inquiétant" et le chancelier allemand Olaf Scholz a regretté une "terrible escalade".

La Chine, important partenaire de la Russie accusé de participer à son effort de guerre, a appelé à la "retenue". Le Kazakhstan, allié de Moscou, a renforcé ses mesures de sécurité en raison de cette "escalade en Ukraine".

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a lui appelé la communauté internationale à "réagir", dénonçant un "voisin fou" qui utilise l'Ukraine comme un "terrain d'essai".

"Cobayes" de Poutine 

Au-delà du tir de jeudi, la Russie a modifié récemment sa doctrine nucléaire, élargissant la possibilité de recours à l'arme atomique. Un acte "irresponsable", selon les Occidentaux.

Interrogés jeudi par l'AFP sur le tir de missile russe, des habitants de Kiev étaient inquiets.

"Cela fait peur. J'espère que nos militaires seront en mesure de repousser ces attaques", a déclaré Ilia Djejela, étudiant de 20 ans, tandis qu'Oksana, qui travaille dans le marketing, a appelé les Européens à "agir" et "ne pas rester silencieux".

M. Poutine "teste (ses armes) sur nous. Nous sommes ses cobayes", a affirmé Pavlo Andriouchtchenko cuisinier de 38 ans.

Sur le terrain en Ukraine, les frappes de la Russie, qui a envahi le pays il y a bientôt trois ans, se poursuivent.

A Soumy, dans le nord-est du pays, une attaque de drones a fait deux morts et 12 blessés, a indiqué le Parquet ukrainien.

Le ministre russe de la Défense, Andreï Belooussov, s'est lui rendu sur un poste de commandement de l'armée dans la région de Koursk, où les forces ukrainiennes occupent, depuis début août, des centaines de kilomètres carrés.

Il s'est félicité d'avoir "pratiquement fait échouer" la campagne militaire ukrainienne pour l'année 2025 en "détruisant les meilleures unités" de Kiev et notant que les avancées russes sur le terrain se sont "accélérées".

Cette poussée intervient alors que Kiev craint que Donald Trump, de retour à la Maison Blanche à partir de janvier prochain, ne réduise ou stoppe l'aide militaire américaine, vital pour l'armée ukrainienne.