L'invasion russe en Ukraine, un désastre militaire selon des experts américains

«C'est un échec colossal du renseignement qui a largement sous-estimé la résistance ukrainienne, et l'exécution militaire a été terrible». (Photo, AFP)
«C'est un échec colossal du renseignement qui a largement sous-estimé la résistance ukrainienne, et l'exécution militaire a été terrible». (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 03 mars 2022

L'invasion russe en Ukraine, un désastre militaire selon des experts américains

  • Les spécialistes américains de l'armée russe disent avoir été étonnés par la mauvaise gestion de la campagne
  • Le Pentagone et les experts du secteur privé s'attendaient à ce que l'armée du président russe Vladimir Poutine détruise rapidement la capacité de l'Ukraine à riposter

WASHINGTON : L'invasion initiale de l'Ukraine par l'armée russe s'est révélée une erreur tactique et stratégique surprenante, marquée par des pénuries de nourriture et de carburant, l'abandon de véhicules armés, la perte d'avions et la mort de soldats, estiment des experts américains.

Mais les déceptions des premiers jours, avec une sous-estimation de la détermination des Ukrainiens à se défendre, pourraient conduire Moscou à décider de libérer toute sa puissance et détruire sans discernement de larges pans du pays, ajoutent-ils.

Les spécialistes américains de l'armée russe disent avoir été étonnés par la mauvaise gestion de la campagne, avec l'enlisement de colonnes d'invasion, des centaines de blindés russes apparemment perdus, et les forces aériennes du Kremlin empêchées par la défense ukrainienne de contrôler le ciel.

"Quand vous gâchez tout au bout de deux ou trois semaines, je peux le comprendre", a souligné Scott Boston, analyste principal en matière de défense au sein du groupe de réflexion Rand Corp. "Mais quand vous trébuchez sur le pas de la porte en entrant dans la maison, vous avez un autre problème".

Le Pentagone et les experts du secteur privé s'attendaient à ce que l'armée du président russe Vladimir Poutine détruise rapidement la capacité de l'Ukraine à riposter, en sapant le commandement des 200 000 militaires ukrainiens, en démolissant les défenses antimissiles et en détruisant l'armée de l'air de Kiev. 

Rien de tout cela ne s'est produit lors des six premiers jours de combats. Et, même s'il n'existe pas d'estimation fiable du nombre de soldats russes tués, blessés ou capturés, celui-ci semble être bien plus élevé qu'attendu pour une invasion bien préparée.

«Échec colossal du renseignement»

"C'est un échec colossal du renseignement qui a largement sous-estimé la résistance ukrainienne, et l'exécution militaire a été terrible", a expliqué cette semaine Michael Vickers, ancien sous-secrétaire américain à la Défense pour le renseignement, au Centre d'études stratégiques et internationales.

"Sa principale attaque a été insuffisante. Elle a été fragmentaire. Ses éléments de reconnaissance ont été capturés, des colonnes ont été détruites", a-t-il ajouté. "C'est tout simplement un désastre, de part en part."

Selon les experts militaires du centre Scowcroft de l'Atlantic Council, les Russes n'avaient pas réussi à s'emparer rapidement d'un aéroport situé à proximité de Kiev et à le tenir.

L'aéroport a été probablement trop endommagé dans les combats pour être utilisé comme prévu pour envahir Kiev, ont souligné ces spécialistes.

De plus, ajoutent-ils, "les pertes d'avions et d'hélicoptères russes ont été étonnamment élevées et préjudiciables", car ils n'ont pas pu détruire les défenses aériennes des Ukrainiens.

Autre surprise: le déploiement limité et inefficace d'armes de guerre électroniques, qui devaient, selon les attentes des analystes, jouer un rôle déterminant dans l'attaque des moyens de communication des Ukrainiens.

"Si les Russes étaient parvenus à couper les chefs militaires ukrainiens de ceux qu'ils commandent, les forces aériennes et de défense aérienne ukrainiennes auraient été contraintes de combattre de manière non coordonnée, ce qui les aurait rendues moins meurtrières et plus vulnérables aux attaques", indique le rapport du Scowcroft Center.

M. Boston souligne que les Ukrainiens ont continué à utiliser leurs drones Bayraktar de fabrication turque pour détruire les forces russes.

"S'ils sont touchés par les drones turcs une ou deux fois, ok", dit-il. "S'ils sont touchés plus d'une ou deux fois, quelque chose ne va pas du côté russe".

Pour le porte-parole du Pentagone, John Kirby, les Russes semblent ne pas avoir bien coordonné "leurs capacités considérables et diverses, ni géré la logistique de l'invasion."

«Véhicules abandonnés»

"Nous avons des indications ici, dès le début, que bien qu'ils aient des capacités d'armes combinées sophistiquées, elles ne sont pas nécessairement pleinement intégrées", a-t-il ajouté.

Tout aussi surprenant: leurs lacunes en matière de logistique.

"Nous voyons des véhicules abandonnés. Nous constatons des problèmes de soutien, non seulement en matière de carburant mais aussi de nourriture", s'est étonné M. Kirby mercredi. 

M. Boston, qui a pris part à des simulations de guerre de haut niveau axées sur les forces russes, souligne que certains signes indiquent qu'une grande partie de ces forces sont jeunes, insuffisamment entraînées pour ce type de conflit et qu'elles ignoraient probablement qu'elles partaient en guerre.

Il semble aussi, ajoute-t-il, que les troupes sur le terrain n'avaient aucune idée de ce qu'elles essayaient de faire en envahissant l'Ukraine.

"Si vous ne savez pas ce qu'il se passe, vous ne pouvez pas vous adapter", explique-t-il.

Toutefois, aucun des experts ne voit les Russes hors jeu. L'avancée de leur armée est au point mort, mais cela pourrait lui permettre de résoudre ses problèmes logistiques, note M. Kirby.

Au contraire, les spécialistes craignent que la frustration de M. Poutine ne l'incite à déchaîner toutes les forces de son artillerie, de ses missiles et de sa puissance aérienne sur la population ukrainienne avec un effet dévastateur.

"La Russie détient toujours les avantages d'une puissance de combat écrasante qui finira par prendre le dessus sur les forces ukrainiennes au fur et à mesure que la guerre se poursuit", indique le rapport du Scowcroft Center.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.