MONTRÉAL: L'Assemblée générale de l'ONU a adopté mercredi une résolution qui « exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l'Ukraine », lors d'un vote approuvé massivement par 141 pays, 5 s'y opposant, et 35 s'abstenant dont la Chine, sur les 193 membres que compte l'Organisation.
Le résultat a été salué par une salve d'applaudissements.
Les cinq pays ayant voté contre sont la Russie, le Belarus, la Corée du Nord, l'Erythrée et la Syrie.
La résolution, ponctuant plus de deux jours d'interventions à la tribune de l'ONU, réclame à Moscou qu'il « retire immédiatement, complètement et sans conditions toutes ses forces militaires » d'Ukraine et « condamne la décision de la Russie d'accentuer la mise en alerte de ses forces nucléaires ».
Piloté par l'Union européenne en coordination avec l'Ukraine, le texte, qui bénéficiait d'une centaine de co-parrainages, « déplore » également « dans les termes les plus vifs l'agression de la Russie contre l'Ukraine » et affirme « son attachement à la souveraineté, l'indépendance, l'unité et l'intégrité territoriale » de ce pays, y compris de « ses eaux territoriales ».
« La Russie a choisi l'agression. Le monde a choisi la paix », a réagi après le vote devant des journalistes l'ambassadeur de l'Union européenne auprès de l'ONU, Olof Skoog. « C'est un vote historique. Il ne s'agit pas seulement de l'Ukraine. Pas seulement de l'Europe. Il s'agit de défendre un ordre international fondé sur des règles auxquelles nous avons tous adhéré », a-t-il ajouté.
Intitulée « Agression contre l'Ukraine », la résolution appelle par ailleurs à accorder à l'aide humanitaire un accès sans entrave - sur fond de discussions ardues au Conseil de sécurité sur un projet franco-mexicain de résolution sur le même sujet - et « déplore l'implication du Belarus » dans l'attaque de l'Ukraine.
Une délégation ukrainienne attendue au Bélarus pour des pourparlers jeudi
Une délégation ukrainienne est attendue pour des pourparlers russo-ukrainiens au Bélarus jeudi matin, a déclaré mercredi le négociateur russe Vladimir Medinski, en précisant qu'un cessez-le-feu serait au menu de ces nouvelles discussions entre Moscou et Kiev, en pleine invasion russe de l'Ukraine.
« La délégation ukrainienne est déjà partie de Kiev. Nous nous attendons à ce qu'ils soient ici demain matin », a déclaré M. Medinski, en assurant que les deux parties avaient choisi « ensemble » pour les négociations un site au Bélarus situé « non loin de la frontière avec la Pologne ».
« Génocide » ?
L'ambassadeur de l'Ukraine à l'ONU, Sergiy Kyslytsya, avait dénoncé juste avant à la tribune de l'ONU un « génocide » en cours dans son pays, perpétré par la Russie, exhortant à « l'action » la communauté internationale pour ne pas rééditer ce qu'a fait Hitler.
La Russie, par la voix de son homologue Vassily Nebenzia, s'est défendu d'attaquer des cibles civiles.
Outre l'Amérique du Nord et l'Europe, la résolution a bénéficié d'un vote favorable de nombreux Etats africains et d'une grande majorité des pays d'Amérique latine, pourtant très éloignés du théâtre ukrainien.
Les Emirats arabes unis, ont voté en faveur de la résolution. « La situation humanitaire s'aggrave de jour en jour et les EAU sont profondément préoccupés. Notre responsabilité est d'épuiser tous les efforts pour empêcher une nouvelle détérioration de la situation » a affirmé Lana Nusseibeh, représentante permanente des EAU auprès de l'ONU.
« Cette résolution n'est pas suffisante pour une paix durable. La résolution du conflit passe par le dialogue et une diplomatie efficace. Nous devons maintenant essayer de trouver des moyens pour y parvenir » a-t-elle ajouté.
Bahreïn a voté en faveur de la résolution, son ambassadeur a déclaré que le vote était basé sur la conviction du pays de l'importance de la Charte de l'ONU, du bon voisinage, de la résolution pacifique des conflits et du respect de l'indépendance de tous les pays.
La Jordanie a voté en faveur de la résolution et a déclaré que le pays espère une intensification des efforts internationaux pour éviter les conséquences désastreuses de la guerre russo-ukrainienne
L'Algérie a voté en faveur de la résolution et s'est déclarée attachée aux principes de l'ONU qui doivent rester la base du droit et des relations internationales, en particulier le respect de l'indépendance et de la souveraineté territoriale des États.
L'Egypte a voté en faveur de la résolution et a appelé à ce que la diplomatie soit l'objectif commun de la communauté internationale. Le pays rejette l'exploitation des sanctions en dehors des mécanismes internationaux multilatéraux.
L'Iran s'est abstenu de voter. Le représentant permanent du pays auprès de l'ONU a déclaré que les causes profondes de la crise en Ukraine sont des actions provocatrices des États-Unis et de l'OTAN, la sécurité de la Russie doit être respectée.
L'Iraq s'est abstenu de voter et a appelé toutes les parties à donner la priorité au dialogue. Le pays a exprimé de vives inquiétudes quant à la possibilité que des terroristes exploitent cette crise et les divisions au sein de la communauté internationale.
Réunion des chefs de la diplomatie de l'UE vendredi avec Blinken
L'Union européenne organise vendredi une réunion extraordinaire de ses ministres des Affaires étrangères à Bruxelles avec leurs homologues américain, ukrainien, britannique et canadien consacrée à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, a annoncé mercredi le chef de la diplomatie européenne.
« J'ai convoqué un conseil extraordinaire des Affaires étrangères vendredi et j'ai invité les ministres ukrainien Dmytro Kouleba, américain Antony Blinken, britannique Liz Truss, canadien Melanie Joly et le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg à nous rejoindre », a précisé Josep Borrell sur Twitter. Une réunion des 30 ministres des Affaires étrangères de l'Otan a été convoquée vendredi matin au siège de l'Alliance à Bruxelles.
Sur le continent asiatique, l'abstention de la Chine est fidèle à sa position adoptée depuis une semaine au Conseil de sécurité. L'Inde, membre non permanent de ce Conseil depuis plus d'un an et demi, et aux relations militaires étroites avec la Russie, s'est aussi abstenue, malgré de fortes pressions des Etats-Unis. Le Pakistan, aussi sous forte pression notamment des Européens pour un vote favorable, s’est abstenu.
La résolution à l'Assemblée était inspirée d'un texte rejeté la semaine dernière au Conseil de sécurité de l'ONU en raison d'un veto posé par la Russie qui a scandalisé les Occidentaux.
Au sein de l'Assemblée générale, le droit de veto, privilège des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni), n'existe pas. Ses résolutions ne sont pas contraignantes légalement comme celles du Conseil, mais elles revêtent une forte valeur politique selon le nombre de pays qui l'approuvent.
En 2014, une condamnation similaire de la Russie pour l'annexion de la Crimée, qui s'était faite sans effusion de sang à la différence de l'invasion actuelle, avait obtenu 100 voix pour, 11 contre, tandis que 58 pays s'étaient abstenus et que le reste des 193 membres n'avait pas participé au scrutin.
(Avec AFP)