Ukraine: L'Europe ferme son espace aérien aux avions russes

La compagnie aérienne allemande Lufthansa a déclaré le 26 février 2022 qu'elle interrompait ses vols vers la Russie et cesserait de survoler le pays pendant les sept prochains jours, à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. (Photo, AFP)
La compagnie aérienne allemande Lufthansa a déclaré le 26 février 2022 qu'elle interrompait ses vols vers la Russie et cesserait de survoler le pays pendant les sept prochains jours, à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 27 février 2022

Ukraine: L'Europe ferme son espace aérien aux avions russes

  • De l'Allemagne à la Suède, en passant par la Belgique et l'Italie, les pays européens ferment peu à peu leur espace aérien aux compagnies russes
  • Berlin a précisé que cette interdiction était valable pour trois mois mais ne concernait pas d'éventuels vols humanitaires

BRUXELLES: De l'Allemagne à la Suède, en passant par la Belgique et l'Italie, les pays européens ferment peu à peu leur espace aérien aux compagnies russes, la France de son côté en étudiant "le principe" mais réclamant "une coordination européenne".

Ces décisions ont été prises en représailles à l'invasion jeudi de l'Ukraine par Moscou, qui a déclenché une série de sanctions occidentales à l'encontre du pouvoir russe.

Dimanche, le ministère allemand des Transports a "décrété une interdiction de vol pour les avions et les exploitants d'avions russes dans l'espace aérien allemand" à partir de 14H00 GMT.

Berlin a précisé que cette interdiction était valable pour trois mois mais ne concernait pas d'éventuels vols humanitaires.

Même décision de l'Irlande, de la Belgique, des Pays-Bas et de l'Italie.

"En Europe, le ciel est ouvert (...) à ceux qui connectent les peuples, pas à ceux qui commettent des agressions brutales", a justifié sur Twitter le Premier ministre belge Alexander De Croo.

"Il n'y a pas de place dans l'espace aérien néerlandais pour un régime qui applique une violence inutile et brutale", a souligné de son côté le ministre hollandais de l'Infrastructure, Mark Harbers.

Le gouvernement du Luxembourg, plateforme majeure pour les avions-cargos et l'acheminement de fret en Europe, a aussi annoncé, dans un communiqué, "préparer les notifications nécessaires pour fermer" son espace aérien aux compagnies russes dès dimanche.

En Europe du Nord, la Finlande, qui a une frontière de plus de 1 300 kilomètres avec son voisin russe, la Suède, le Danemark ainsi que l'Islande ont annoncé dimanche des mesures similaires.

Ces pays rejoignent notamment la Pologne, la République tchèque, l'Estonie, la Bulgarie, la Moldavie ou encore le Royaume-Uni.

Détours

Avec les nombreux pays ayant déjà fermé ou annoncé la fermeture de leur espace aérien, le trafic aérien russe se retrouve face à une très vaste zone de non-survol en Europe, contraignant les vols à d'énormes détours.

En revanche, la France continue pour l'heure d'étudier "le principe de fermer son espace aérien", a indiqué dimanche à l'AFP le ministère des Transports.

Le ministre français chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, appelle "à une coordination européenne rapide sur le sujet", alors que des discussions sont en cours entre les pays de l'UE, a-t-on précisé de même source.

Lors de la réunion prévue dimanche des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne, "nous pousserons pour une fermeture à l'échelle de l'UE", a déclaré de son côté sur Twitter le chef de la diplomatie danoise Jeppe Kofod.

Mondial-2022: la République tchèque refuse à son tour d'affronter la Russie en barrage

La République tchèque refusera d'affronter la Russie si les deux équipes devaient se retrouver en barrage qualificatif pour le Mondial-2022, pour protester contre l'invasion de l'Ukraine, a annoncé dimanche la Fédération tchèque de football, imitant ainsi la Pologne et la Suède.

"L'équipe nationale tchèque ne jouera en aucun cas un éventuel match contre la Russie en barrage pour la Coupe du monde", écrit la fédération dans un communiqué. La Pologne, qui devait affronter les Russes à Moscou le 24 mars en demi-finale de ce barrage, et la Suède, qui aurait pu affronter les Russes après l'autre demi-finale l'opposant à la République tchèque, avaient déjà annoncé samedi une décision similaire.

Sollicitée samedi par l'AFP, la Fédération internationale n'avait pas réagi à ces annonces samedi soir. Jusqu'à présent, la Fifa n'a pas encore pris la moindre mesure à l'encontre de la Russie, se contentant, jeudi, de se dire "préoccupée" face à une situation "tragique et inquiétante", selon son président Gianni Infantino.

La pression s'intensifie sur l'instance mondiale du football, qui tarde à proposer des sanctions, alors que nombre de fédérations internationales, clubs, sportifs ou instances organisatrices d'événements sont montés au créneau ces derniers jours face à la Russie, organisatrice de la dernière Coupe du monde, en 2018.

Les appels au boycott se sont en effet multipliés, comme celui du gouvernement suédois appelant samedi à "un boycott des liens sportifs" avec la Russie "tant que dure l'invasion de l'Ukraine".

La crise a aussi déjà eu de nombreuses répercussions dans le monde du sport professionnel, entre compétitions déplacées --dont la prestigieuse finale de la Ligue des champions, de Saint-Pétersbourg au Stade de France--, sportifs russes déclarés persona non grata ou sponsors remis en cause.

Dimanche, au quatrième jour de l'offensive lancée en Ukraine par Vladimir Poutine, la bataille pour le contrôle de Kiev se poursuivait dans un contexte marqué par une nouvelle accentuation des pressions occidentales sur Moscou, via l'exclusion des banques russes de la plateforme interbancaire Swift et la livraison attendue d'armes supplémentaire à l'Ukraine.

L'invasion russe de l'Ukraine "doit être contrée par les sanctions internationales les plus fortes possibles", a-t-il appelé.

"Nous voulons que cela (la fermeture de l'espace aérien, NDLR) puisse être fait le plus vite possible, et le mieux et plus rapide serait que ce soit fait au niveau européen", a estimé de son côté le ministre suédois des Affaires européennes Hans Dahlgren à l'agence TT.

En représailles, Moscou a commencé à interdire le survol de son territoire aux avions liés aux pays européens ayant annoncé de telles décisions ces derniers jours, comme le Royaume-Uni, la Lettonie, la Lituanie, l'Estonie, la Slovénie, la Bulgarie, la Pologne et la République tchèque.

A l'unisson d'un nombre croissant de compagnies occidentales, Lufthansa - premier groupe européen avec les marques Lufthansa, Condor, Swiss, Brussel Airlines - a déjà décidé samedi de suspendre ses vols vers et au-dessus de la Russie pour une semaine, disant anticiper des mesures de rétorsion de Moscou.

Afflux massif de réfugiés ukrainiens dans les pays frontaliers

Des dizaines de milliers de réfugiés ukrainiens fuyant l'invasion de leur pays par la Russie de Vladimir Poutine ont afflué depuis jeudi dans des pays frontaliers, selon les autorités de ces pays d'accueil.

Près de 370 000 réfugiés

Quelque 368 000 réfugiés ont fui les combats en Ukraine depuis l'invasion russe déclenchée jeudi pour les pays voisins et leur nombre "continue à augmenter", ont indiqué dimanche les Nations unies.

Ce nombre "est basé sur les données mises à disposition par les autorités nationales", a souligné le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) dans un tweet.

Pologne

Plus de 156 000 personnes venant d'Ukraine sont entrées en Pologne depuis le début jeudi de l'invasion russe de cette ex-république soviétique, ont annoncé dimanche les gardes-frontières polonais.

Pour la seule journée de samedi, les gardes-frontières ont précisé avoir recensé 77 300 personnes arrivées en Pologne en provenance d'Ukraine.

La Pologne, qui abritait déjà environ 1,5 million d'Ukrainiens avant l'invasion russe et qui a exprimé son soutien indéfectible à l'Ukraine, a jusqu'à présent vu une grande partie de ceux qui fuient l'Ukraine entrer sur son territoire.

Dans tout le pays, les gens s'organisent sur les réseaux sociaux, font des collectes d'argent, de médicaments, offrent des logements, des repas, du travail ou un transport gratuit pour les réfugiés.

Roumanie

Selon le porte-parole du gouvernement, 47 000 Ukrainiens au total sont entrés en Roumanie depuis jeudi. Parmi eux, 22 000 ont déjà quitté le pays, tandis que 25 000 sont restés en Roumanie.

Le poste-frontière le plus sollicité est celui de Siret (nord), suivi de Sighetul Marmatiei, également dans le Nord.

Deux camps ont été mis en place, un à Sighetul, vide pour l'instant, et l’autre à Siret, dont la quarantaine d'occupants doit être transférée vers des centres d'accueil.

Hongrie

Selon la police hongroise, plus de 71 000 réfugiés sont arrivés dans le pays depuis jeudi.

Le pays compte cinq postes-frontières avec l'Ukraine et plusieurs villes frontalières, comme Zahony, ont aménagé des bâtiments publics en centre de secours, où des civils hongrois viennent proposer vivres ou assistance.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »