PARIS : Emmanuel Macron occupe le devant de la scène en se démultipliant pour éviter la guerre en Ukraine, un pari à l'approche de la présidentielle face à des candidats qui l'accusent de "politique spectacle".
Loin des estrades et des studios de télévision, le chef de l’État a encore passé des heures, ce weekend, à négocier au téléphone avec les principaux acteurs de la crise internationale.
La séquence s'est terminée en coup de théâtre avec l'annonce par la présidence lundi à 02H00 d'un accord de principe pour un sommet Poutine-Biden à l'initiative d'Emmanuel Macron.
Depuis près d'un mois, l’Élysée, rompant avec ses habitudes, communique en temps réel sur la succession des échanges du président en organisant des compte-rendus détaillés avec les conseillers diplomatiques auxquels sont conviés plus de 200 journalistes français et étrangers.
Le volontarisme déployé par Emmanuel Macron est mis en avant. Sa photographe personnelle a publié ce weekend une série de clichés le montrant à son bureau, barbe de trois jours et traits creusés.
"Le président a beaucoup d'énergie positive. Il n'est pas réellement médiateur, plutôt un facilitateur" en proposant "des initiatives et des paramètres pour la négociation", explique l’Élysée, ajoutant qu'"il peut agir ainsi parce que les présidents Biden et Poutine lui font confiance".
Publiquement, Emmanuel Macron s'est montré prudent, affirmant à plusieurs reprises n'être pas sûr de réussir mais que son devoir était d'essayer. "Il prend son risque", résume l’Élysée en reprenant l'une des expressions favorites du chef de l’État.
Ce risque, le président l'a déjà pris à plusieurs reprises depuis le début du quinquennat, notamment en s'engageant comme médiateur au Liban, en Libye, dans le conflit entre l'Arménie et l’Azerbaïdjan ou sur le dossier iranien, souvent sans être payé de retour.
L'enjeu politique est cette fois plus sensible puisqu'il y consacre l'essentiel de son temps à moins de 50 jours du premier tour de la présidentielle, le 10 avril, ce qui justifie, selon son entourage, son entrée tardive dans la campagne, repoussée à la semaine prochaine.
« Vouée à l'échec »
Face à cette situation inédite à l'approche d'une présidentielle, les oppositions cherchent le bon angle d'attaque, entre critiques sur la forme et dénonciations de la naïveté d'Emmanuel Macron.
"On est dans la politique spectacle que le président de la République adore (...) Il n'y a aucun résultat concret. Cela se joue entre les États-Unis et la Russie", a cinglé lundi Thierry Mariani, porte-parole de Marine Le Pen (RN).
Pour Éric Zemmour, le candidat de Renconquête!, Emmanuel Macron a certes "raison" de tenter d'éviter la guerre. Mais "sa démarche est vouée à l'échec", car "nous sommes vus par les Russes comme les petits télégraphistes de Washington (...) Notre parole ne vaut rien".
Pour l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon, "quelles que soient ses intentions, Emmanuel Macron s'est placé au fur et à mesure dans une position qui a abaissé sa crédibilité". Notamment en affirmant que "nous allions défendre l'intégrité physique de l'Ukraine", ce dont "les Russes savent très bien que nous sommes incapables".
"Le chef de l’État a été +roulé dans la farine+ par son homologue russe", avait également dénoncé Valérie Pécresse (LR) après la rencontre Macron-Poutine au Kremlin, regrettant qu'il ait attendu "une crise majeure" pour renouer le dialogue avec Moscou.
Ces critiques sont jugées indignes par la majorité qui loue un président prenant "tous les risques jusqu'à la dernière minute pour pouvoir éviter un conflit armé", selon le délégué général de LREM Stanislas Guerini.
Pour le spécialiste de communication politique Philippe Moreau-Chevrolet, "toute situation de crise aiguë à ce stade le place au centre de l'attention médiatique et des débats en faisant disparaître l'opposition, quelle qu'elle soit".
Selon lui, le risque politique n'est pas très élevé car, quoiqu'il arrive, Emmanuel Macron "sera crédité" d'avoir essayé. "Même s'il échoue sur le front russe, il aura dirigé l'effort européen, sans la présence tutélaire d'Angela Merkel", estime l'expert.