Ukraine: Moscou et Kiev s'accusent, avant une semaine diplomatique «cruciale»

Journée de solidarité avec l'Ukraine au Lincoln Memorial à Washington, DC, le 20 février 2022 (Photo, AFP).
Journée de solidarité avec l'Ukraine au Lincoln Memorial à Washington, DC, le 20 février 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 21 février 2022

Ukraine: Moscou et Kiev s'accusent, avant une semaine diplomatique «cruciale»

  • Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé les tirs des rebelles «parrainés» par Moscou et appelé à la reprise des négociations avec la Russie sous l'égide de l'OSCE
  • Les Occidentaux craignent que l'intensification des combats depuis deux jours sur la ligne de front ne serve de prétexte à la Russie pour envahir son voisin

KIEV: La Russie et l'Ukraine ont continué dimanche à s'accuser mutuellement d'être responsables des nouveaux combats dans l'Est séparatiste ukrainien, à la veille d'une semaine diplomatique "cruciale" pour éviter une intervention de Moscou imminente selon les Occidentaux.

Après des échanges téléphoniques séparés avec le président Emmanuel Macron, ses homologues russe Vladimir Poutine et ukrainien Volodymyr Zelensky se sont tous deux dits prêts à poursuivre les pourparlers.

Alors que le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a répété dimanche que la Russie était "sur le point" d'envahir l'Ukraine, le président français a tenté "les derniers efforts possibles et nécessaires pour éviter un conflit majeur en Ukraine", selon ses services, après une rencontre au Kremlin avec Vladimir Poutine le 7 février.

A l'issue de cette conversation téléphonique, M. Poutine a dit vouloir "intensifier" les efforts diplomatiques pour régler le conflit dans l'Est de l'Ukraine, où Kiev combat depuis 2014 des séparatistes prorusses soutenus par Moscou.

Emmanuel Macron s'est de nouveau entretenu avec Vladimir Poutine pendant une heure dimanche soir, après avoir parlé au président américain Joe Biden.

Les Occidentaux craignent que l'intensification des combats depuis deux jours sur la ligne de front ne serve de prétexte à la Russie, qui a massé 150.000 soldats aux frontières ukrainiennes, pour envahir son voisin pro-occidental.

Vladimir Poutine a mis dimanche cette flambée de violences au compte de "provocations" ukrainiennes", alors que les séparatistes ont ordonné vendredi l'évacuation des civils et la mobilisation des hommes en état de combattre. 

L'ordre d'évacuation a poussé 53.000 civils sur trois millions vivant en zone séparatiste à gagner la Russie, selon Moscou et l'état d'urgence a été décrété dans la région russe de Koursk.

Troupes russes au Bélarus

Volodymyr Zelensky a lui dénoncé les "tirs provocateurs" des rebelles parrainés par Moscou et appelé à la reprise des négociations avec la Russie sous l'égide de l'OSCE et à l'instauration d'un "cessez-le feu immédiat".

Selon l'Elysée, l'importance d'un cessez-le-feu a également été soulignée lors de l'entretien Poutine-Macron. 

Puis le président français et le Premier ministre britannique Boris Johnson se sont parlés au téléphone dans la soirée, tombant "d'accord pour dire que la semaine qui s'ouvre sera cruciale pour la diplomatie", selon un porte-parole de Downing Street.

Les deux dirigeants sont également convenus de "la nécessité que la Russie comme l'Ukraine remplissent pleinement les engagements des Accords de Minsk et que le président Poutine reviennent sur ses menaces actuelles et retirent ses troupes de la frontière ukrainienne".

M. Johnson a salué l'engagement du président Poutine auprès du président Macron à chercher une solution diplomatique mais insisté sur l'Ukraine dont "la voix doit rester centrale dans toute discussion", selon Downing Street.

Les chefs de la diplomatie russe et français, Sergueï Lavrov et Jean-Yves Le Drian, s'entretiendront eux lundi, selon Moscou. Une réunion extraordinaire de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) consacrée à l'Ukraine doit aussi avoir lieu lundi.

Plus tôt dimanche, le Bélarus, allié de Moscou, avait fait savoir que les quelque 30.000 soldats russes présents sur son territoire, selon le décompte des Etats-Unis, et qui devaient partir ce dimanche, resteront pour d'autres exercices militaires.

Cette "inspection des forces" se poursuivant, selon Minsk, du fait de la reprise des combats dans l'Est de l'Ukraine, qui ont redoublé d'intensité dimanche dans un conflit qui a déjà fait plus de 14.000 morts depuis 2014.

Malgré cette annonce, l'Elysée a répété que M. Poutine avait redit à M. Macron "son intention de retirer ses troupes" du Bélarus "au terme des exercices en cours".

Sur la ligne de front dans l'Est de l'Ukraine, les journalistes de l'AFP ont pu entendre une série d'explosions.

Pour Oleksiï Kovalenko, un plombier de 33 ans interrogé dans un abri à Zoloté, "ça tire fort en ce moment".

"Cet abri n'est pas aménagé, mais il a sauvé des vie en 2014. Il n'y a pas d'eau et les gens en amène avec eux", témoigne-t-il. "Beaucoup de gens partent, mais certains restent parce qu'ils n'ont nulle part où aller".

Selon les renseignements américains, les troupes russes ont reçu l'ordre d'envahir l'Ukraine

Les Etats-Unis disposeraient d'informations selon lesquelles l'ordre a été envoyé aux commandements russes de procéder à une invasion de l'Ukraine, affirmaient dimanche plusieurs médias américains, citant des sources anonymes dans le domaine du renseignement.

Ce sont ces informations qui auraient poussé le président Biden vendredi à se dire "convaincu" que Poutine avait décidé d'attaquer l'Ukraine, assure le Washington Post, attribuant ces informations à des sources anonymes sans citation directe.

Vendredi, un responsable du Pentagone avait assuré que plus de 40% des forces russes massées aux frontières de l'Ukraine étaient désormais en position d'attaque, notant que la phase de déstabilisation du pays menée par la Russie avait "commencé".

«Vivre normalement»

Natalia Zibrova, 48 ans, dit elle "vouloir vivre normalement" et ne pas avoir à s'inquiéter "si les enfants auront le temps de fuir les bombes". Résignée, elle reste chez elle en chaussons et robe de chambre, tandis que retentissent les tirs.

Moscou se défend de tout projet d'invasion de l'Ukraine mais réclame des garanties pour sa sécurité, dont la promesse que le pays n'intègrera jamais l'Otan et la fin du renforcement des forces de l'Alliance à ses frontières, autant de demandes que les Occidentaux ont rejetées.

Vladimir Poutine a encore insisté sur ce point dimanche auprès d'Emmanuel Macron, appelant Washington et l'Otan à "prendre au sérieux" les demandes russes. 

La crise autour de l'Ukraine depuis fin 2021 a provoqué la pire escalade des tensions que l'Europe ait connu depuis la Guerre froide, plusieurs pays occidentaux martelant que l'invasion russe pouvait survenir à tout moment.

Des manifestations pour dire "Pas touche à l'Ukraine" ont rassemblé quelques milliers de personnes à Varsovie, mais aussi à Madrid attirant des Ukrainiens inquiets.

Emboîtant le pas des Etats-Unis et de l'Otan, qui ont dit craindre une "attaque de grande ampleur", le Premier ministre britannique Boris Johnson a assuré dimanche que la Russie préparait "ce qui pourrait être la plus grande guerre en Europe depuis 1945".

Dans la soirée, l'ambassade américaine à Moscou a divulgué un message à ses ressortissants les mettant en garde contre le risque d'attentats à Moscou, Saint-Petersbourg et près de la frontière ukrainienne, les enjoignant à prendre des dispositions pour évacuer en cas de besoin. Un message bien peu protocolaire selon la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova, qui s'est interrogée sur "quoi faire de ça ?".

Joe Biden a lui convoqué son Conseil de sécurité nationale pour une réunion de crise dimanche soir. Signe que la voie diplomatique reste ouverte, MM. Blinken et Lavrov doivent se rencontrer le 24 février.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »