Pour le Premier ministre Kurti, les musulmans qui ne reconnaissent pas le Kosovo commettent une grave erreur

Kurti, vu ici dans son bureau de Pristina en train d'être interviewé par le rédacteur en chef d'Arab News, Faisal J. Abbas, a déclaré que les attaques des Houthis contre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis étaient des "actions terroristes". (AN Photo/Ziad Alarfaj)
Kurti, vu ici dans son bureau de Pristina en train d'être interviewé par le rédacteur en chef d'Arab News, Faisal J. Abbas, a déclaré que les attaques des Houthis contre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis étaient des "actions terroristes". (AN Photo/Ziad Alarfaj)
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Publié le Jeudi 17 février 2022

Pour le Premier ministre Kurti, les musulmans qui ne reconnaissent pas le Kosovo commettent une grave erreur

  • «L’escalade Russie-Ukraine pourrait rendre la Serbie plus agressive, mais nous n’avons pas peur»
  • «Les attaques des Houthis visant l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont des actes terroristes»

PRISTINA: Il y a quatorze ans, la République du Kosovo a déclaré son indépendance et est devenue, à l’époque, le plus récent pays du monde. Soutenu par son principal allié, les États-Unis, et protégé par la présence de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), mandatée par l’Organisation des nations unies (ONU), le Kosovo entame sa quinzième année d’indépendance en faisant face à plusieurs défis, ainsi qu’à des dangers évidents et présents.

En dépit de l’appui de certains des États les plus grands et les plus influents du monde, le Kosovo ne fait toujours pas partie de l’ONU et il n’est reconnu que par moins de cent des cent quatre-vingt-treize États membres.
De même, bien que ce pays se situe au cœur de l’Europe et bénéficie d’un soutien considérable de la part de l’Union européenne (UE), il n’est toujours pas membre de l’UE et les Kosovars ne peuvent toujours pas voyager sans visa en Europe.
La cause principale de la plupart des problèmes du Kosovo est le désaccord ancien et profondément ancré avec son voisin du nord, la Serbie. Les deux pays faisaient partie de l’ancienne Yougoslavie et, après son effondrement, ils ont participé à une décennie sanglante dans les Balkans au cours des années 1990.

La Serbie refuse de reconnaître le Kosovo ou de présenter ses excuses pour les atrocités commises durant la guerre de 1998-1999 qui n’a pris fin qu’avec l’intervention de l’Otan. Bien entendu, le statu quo et la non-reconnaissance mutuelle empêchent les deux pays d’adhérer à l’UE, où cinq pays ne reconnaissent toujours pas le Kosovo.
Les précédents dirigeants kosovars ont tenté d’engager un dialogue avec la Serbie. Cependant, depuis son entrée en fonction en mars 2021, le Premier ministre actuel, Albin Kurti, a signalé à plusieurs reprises que les pourparlers avec Belgrade n’étaient pas une priorité.

Le Kosovo en bref

* Kosovo se traduit par «champ des merles» en serbe
* C’est la seconde nation la plus récente dans le monde
* Le pays a déclaré son indépendance vis-à-vis de la Serbie le 17 février 2008
* Plus de 40 % de la population a moins de 25 ans
* Le Kosovo occupe une surface de 10 887 km2
* Les langues les plus parlées y sont l’albanais et le serbe
* La majorité de la population est de confession musulmane

«Nous ne voulions donc pas négliger le dialogue avec la Serbie, mais il ne peut pas être notre seule priorité. Lorsque ce gouvernement a été formé, j’ai dit que les emplois, la justice et la lutte contre la pandémie de Covid-19 étaient nos trois priorités. La quatrième priorité pourrait être le dialogue avec la Serbie», indique-t-il à Arab News lors d’une interview dans son bureau à Pristina.
«Ce dialogue que nous abordons de manière constructive et créative avec différentes propositions est un dialogue sur le statut des relations entre le Kosovo et la Serbie. Le Kosovo et la Serbie ne se reconnaissent pas mutuellement. La solution est donc la reconnaissance mutuelle.»

Pourtant, d’autres éléments compliquent encore la possibilité d’une normalisation et d’une adhésion mutuelle à l’UE. Pour commencer, il y a le spectre du passé. Quelques mois après son élection, M. Kurti a parlé de relancer les projets visant à poursuivre la Serbie pour génocide devant un tribunal international et il a rejeté certains appels occidentaux en faveur du vote de sa minorité serbe lors d’un référendum serbe, que Pristina considère comme «inconstitutionnel».
L’autre aspect est que les responsables kosovars accusent ouvertement leurs homologues serbes d’être bien plus intéressés par la perspective de faire partie de l’orbite russe plutôt que de l’orbite européenne.
«La Serbie entretient des relations culturelles, historiques et militaires étroites avec Moscou», affirme M. Kurti. Interrogé sur l’impact que les relations étroites entre Belgrade et Moscou pourraient avoir sur son pays si une guerre éclatait entre la Russie et l’Ukraine, M. Kurti répond que cela pourrait pousser la Serbie à devenir «plus agressive», et que Pristina «suit la situation de très près, mais nous n’avons pas peur».

Malgré cette assurance affichée, un certain nombre d’opposants aux récentes décisions de la politique étrangère américaine estiment que le Kosovo a plusieurs raisons de s’inquiéter, étant donné que pour beaucoup de ses alliés et amis, ni Washington ni l’Otan ne se sont révélés être des amis dans le besoin ces dernières années.

Je pense que le peuple du Kosovo, mais aussi celui des Balkans et de l’Europe, devrait être mieux au fait des réformes et du progrès en cours en Arabie saoudite. Nous voulons renforcer notre coopération avec ce pays. C’est une nation très riche, autant en culture et en histoire qu’en ressources économiques.

Albin Kurti

En Ukraine, les «lignes rouges» de l’ancien président américain, Barack Obama, n’ont guère dissuadé la Russie de s’emparer de la Crimée en 2014. Plus récemment, dans le cadre du recentrage de l’actuelle administration Biden sur la cessation des «guerres éternelles», le monde a vu des images douloureuses d’Afghans cherchant désespérément à s’échapper de l’aéroport de Kaboul après que Washington a accepté de rendre l’Afghanistan aux talibans, vingt ans après avoir mené une guerre pour apporter la démocratie au pays et mettre fin au règne du même groupe extrémiste.

Toutefois, M. Kurti est fermement convaincu que l’Otan est au Kosovo pour y rester, et que si la situation se dégrade, les Kosovars sont capables de se défendre. «Je pense que le Kosovo compte des personnes exceptionnelles, dotées d’une grande volonté et d’un grand courage, d’une part. D’autre part, je pense que nos forces de défense et de sécurité et l’Otan, notamment les États-Unis, ne sont pas près de partir», affirme-t-il. «Nous sommes certains que nous serons victorieux dans n’importe quelle sorte de crise future qui pourrait se produire, mais que nous ne voulons pas avoir.»

En effet, M. Kurti est tellement convaincu de l’engagement de l’Otan envers son pays qu’il estime qu’il est plus probable que son pays, le Kosovo, rejoigne l’alliance en tant que membre à part entière bien avant qu’il n’obtienne le statut de membre de l’UE.
«Je pense que c’est le cas pour deux raisons. Premièrement, dans l’UE, cinq pays sur vingt-sept ne reconnaissent pas le Kosovo, alors que dans l’Otan, il y en a quatre sur trente. Donc un pays de moins qui ne reconnaît pas le Kosovo dans l’Otan par rapport à l’UE», explique-t-il.
«De plus, les critères et les normes à respecter pour adhérer à l’Otan ne sont pas aussi complexes que pour adhérer à l’UE. Il est donc réaliste de s’attendre à ce que nous adhérions d’abord à l’Otan, puis à l’UE.»
En outre, l’Otan n’exige pas que ses membres soient des États membres de l’ONU ou de l’UE. Ainsi, si Pristina parvient à convaincre l’Espagne, la Grèce, la Roumanie et la Slovaquie, la vision du Premier ministre pourrait devenir réalité dans les prochaines années, estiment les observateurs.

Relations avec le monde musulman

Si les membres de l’UE qui ne reconnaissent pas le Kosovo soutiennent qu’ils ne veulent pas encourager les mouvements séparatistes dans leur pays, il est remarquable qu’à l'heure actuelle, un peu plus de la moitié seulement des membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) reconnaissent le Kosovo, un pays à majorité musulmane. Les pays musulmans modérés, comme l’Arabie saoudite, qui est une puissance régionale, et les Émirats arabes unis (EAU), sont en tête des pays qui reconnaissent le Kosovo.

Mais que pense le Premier ministre kosovar des autres pays musulmans qui ne reconnaissent pas le Kosovo, en particulier un grand pays islamique comme l’Iran?

«Nous pensons que le refus de certains pays à majorité musulmane de reconnaître le Kosovo est une grave erreur. Je crois qu’ils ont été mal informés par la Serbie. Et certains d’entre eux adoptent cette position parce qu’ils entretiennent des liens étroits avec la Fédération de Russie.»
«Cependant, je demande instamment à tous les pays du monde, dans l’intérêt de la paix à long terme, de la sécurité durable et de la reconnaissance des droits des peuples à la liberté et à l’autodétermination, de reconnaître l’indépendance du Kosovo. D’une certaine manière, ceux qui ne reconnaissent pas l’indépendance du Kosovo, avec ou sans intention, tombent dans le piège du soutien à la Serbie du temps des milices qui ont commis un génocide au Kosovo.»

Autre paradoxe, la non-reconnaissance du pays par l’Autorité palestinienne. On pourrait penser que les représentants d’un peuple qui se bat depuis sept décennies contre l’occupation illégale de son territoire par Israël seraient parmi les premiers à reconnaître le Kosovo.
Cela étant, l’ex-dirigeant de l’Autorité, Yasser Arafat, avait été longuement critiqué pour ses liens étroits avec le président serbe de l’époque, Slobodan Milosevic.
Même si Israël et le Kosovo ne se sont formellement mutuellement reconnus que l’année dernière, la politique de Tel-Aviv n’a jamais été hostile à ce pays. Avant même cette reconnaissance, orchestrée par l’administration Trump, Israël avait soutenu l’inclusion du Kosovo aux programmes du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.

kurti
Kurti, vu ici dans son bureau de Pristina en train d'être interviewé par le rédacteur en chef d'Arab News, Faisal J. Abbas, a déclaré que les attaques des Houthis contre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis étaient des "actions terroristes". (AN Photo/Ziad Alarfaj)

L’annonce de la reconnaissance par le Kosovo de Jérusalem comme capitale d’Israël a choqué de nombreux pays musulmans, très sensibles à la question.

Sachant cela, quel sentiment règne-t-il à Pristina concernant l’Autorité palestinienne et la cause de son peuple? «Je pense que, de la même façon que nous sommes conscients des souffrances du peuple palestinien, ces derniers ne devraient pas négliger celles qu’endurent les Albanais du Kosovo, qui ont survécu au génocide commis par la Serbie», répond M. Kurti.
La reconnaissance de Jérusalem s’est-elle faite en riposte à la position palestinienne vis-à-vis du Kosovo? Le Premier ministre dément tout lien existant entre ces deux aspects.
«Ça n’a rien à voir avec notre position envers le peuple palestinien et sa cause. Nous souhaitons entretenir de bonnes relations avec la Palestine et avec l’Autorité palestinienne.»

L’année dernière, le Kosovo s’est joint à plusieurs pays arabes et musulmans pour qualifier la milice libanaise du Hezbollah, affiliée à l’Iran, d’«organisation terroriste». Interrogé sur les prémices de cette décision, Albin Kurti répond qu’il «n’est pas difficile de reconnaître les terroristes et les extrémistes violents».
«En accord avec nos valeurs et nos idéaux, sur lesquels nous bâtissons notre nation et avec lesquels nous guidons nos générations futures, nous avons pris cette décision et nous faisons partie d’une coalition globale qui lutte contre les terroristes», ajoute-t-il.

«Nous condamnons ainsi toutes les attaques et les actions du Hezbollah, mais aussi celles de Daech.» Au sujet des attaques houthies récentes sur Abu Dhabi et sur plusieurs positions en Arabie saoudite, M. Kurti se déclare horrifié par les images de ces attaques récemment conduites contre ces deux pays, qualifiant ces événements d’«intolérables». Suffisamment pour qu’il pense que les Houthis doivent être considérés comme des terroristes? «Oui, je pense que toutes les attaques visant des civils sont des actes terroristes.»

Le Kosovo (comme la Bosnie) a vu nombre de ses citoyens partir rejoindre Daech il y a quelques années. Le Premier ministre du pays n’a cependant aucune tolérance pour l’idéologie extrémiste.
«Plusieurs centaines de personnes venant du Kosovo ont malheureusement participé à ces guerres absolutistes. Certains n’en sont jamais revenus, et pour ceux qui sont impliqués, nous avons mis en place des programmes de réhabilitation. Parmi eux, plusieurs purgent également des peines de prison», explique Albin Kurti.
«Il y a eu de la manipulation de la part de certains individus. Je peux imaginer que du fait de leur manque d’éducation, du fait que certains étaient chômeurs ou en état de misère sociale, nous devons faire preuve de compréhension dans cette situation. Ce qui ne nous empêchera jamais de condamner fermement l’extrémisme violent.»

La «kurtinomie» et la Vision 2030 saoudienne

Au début de l’interview, M. Kurti a félicité les dirigeants et le peuple saoudiens en amont du «Jour de la fondation», récemment mis en place, et qui sera célébré chaque 22 février.
Au fur et à mesure de l’évolution de la discussion, le Premier ministre semble de plus en plus au courant des derniers développements qui ont lieu en Arabie saoudite.

«Je pense que le peuple du Kosovo, mais aussi celui des Balkans et de l’Europe, devrait être mieux au fait des réformes et du progrès en cours en Arabie saoudite. Nous voulons renforcer notre coopération avec ce pays. C’est une nation très riche, tant sur le plan culturel qu’historique, qu’en ressources économiques.»

Les réformes auxquelles Albin Kurti fait référence sont, bien sûr, celles mises en place par le prince héritier, Mohammed ben Salmane, dans l’optique de sa Vision 2030. De la diversification de son économie, pour s’écarter de sa dépendance au pétrole, à la création d’emplois pour sa jeunesse qui forme la majorité de sa population. Sans oublier les libertés sociales nouvelles et les réformes religieuses, inimaginables auparavant, et sa lutte incessante contre la corruption.

Pour sa part, le parti de M. Kurti a remporté l’élection au Kosovo l’année dernière avec un programme basé sur l’emploi et la justice, focalisé sur la création d’opportunités nouvelles pour les femmes et la jeunesse et une promesse de tenir tête à la corruption.

Il ne suffit pas de ne pas être corrompu, il faut être incorruptible. Là-dessus je pense que notre gouvernement est composé de ministres bien éduqués, de bons professionnels – des gens qui ne font pas de politique pour s’enrichir.

Albin Kurti

Il voit dans cette ressemblance l’occasion pour les deux pays de collaborer davantage, invitant Riyad à en profiter pour investir massivement au Kosovo.
«Avec notre gouvernement, nous luttons contre la corruption, pour laquelle nous n’avons aucune tolérance. Nous faisons également croître notre économie. Nos exportations ont augmenté de deux tiers l’année dernière par rapport à la précédente. Les recettes budgétaires ont augmenté d’un tiers. Notre volume d’affaires s’est également accru, tandis que l’investissement étranger direct a augmenté de plus de 50 %. Ces chiffres montrent que le Kosovo progresse. Et la meilleure façon de progresser davantage et d’investir dans les avancées déjà existantes.»

Quel est le secret de cette «kurtinomie»? Selon l’homme qui guide les réformes en cours, il s’agit de donner aux gens l’espoir et les raisons de croire dans ce programme. «Lorsque les gens ont de l’espoir, ils ont plus tendance à consommer plutôt qu’à épargner, si tant est que notre économie soit croissante. De la même façon, s’ils voient que leur gouvernement n’est pas corrompu, ils seront plus enclins à payer leurs impôts et leurs autres contributions. C’est pourquoi les recettes budgétaires de l’imposition au Kosovo ont augmenté d’un tiers sans que l’on change de politique fiscale.»
«Il s’agit également de rappeler que l’administration en charge des taxes fait preuve d’une meilleure discipline qu’autrefois. Combattre le crime et la corruption flatte non seulement les valeurs du peuple, mais aussi la santé de notre économie. De plus, notre diaspora, qui est importante notamment dans la partie germanophone de l’Europe, a transféré plus de fonds vers le pays qu’autrefois.»

«Nous avons en outre établi un tribunal commercial. Cela nous permettra de développer un bon environnement pour les affaires. Le Kosovo utilise l’euro comme devise et sa population est très jeune. L’âge moyen y est de 30 ans, même si notre peuple est ancien. Nous sommes situés au cœur des Balkans, à proximité des marchés européens. Le Kosovo est aussi un pays qui n’oublie pas ses amis et qui souhaite entretenir de bonnes relations avec toutes les nations éprises de paix dans le monde.»

Au sujet de la lutte contre la corruption, M. Kurti admet que son gouvernement a fort à faire. «La corruption au Kosovo était élevée dans le passé et n’a pas été complètement éradiquée. Elle était cependant assez concentrée dans les strates supérieures de la société, et elle n’a pas vraiment ruisselé vers le bas.» Cette concentration, «nous y avons mis un terme précisément à ce niveau, avec le changement de gouvernement à la suite d’élections démocratiques. Mais il ne suffit pas de ne pas être corrompu, il faut être incorruptible. Sur ce point, j’estime que notre gouvernement est composé de ministres bien éduqués, de bons professionnels – des gens qui ne font pas de politique pour s’enrichir. Nous y croyons et nous le disons à nos amis et activistes: ceux qui souhaitent s’enrichir peuvent tenter leur chance dans le privé. Au sein du service public et des institutions de l’État, on est tenus de servir. Notre vocation est donc de servir, à l’aide de nos compétences et de nos connaissances.»

Quant aux opportunités futures? Albin Kurti cite le secteur de la technologie de communication et d’information (TCI), ceux du traitement du bois et du métal et les secteurs de l’agriculture et des énergies renouvelables. En tant que Premier ministre, il dit avoir hâte de s’engager pleinement dans la promotion de ces aspects de l’économie.


Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Parlement ukrainien déserté par crainte de frappes russes

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  • L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP
  • La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP

KIEV: Le Parlement ukrainien a annulé vendredi sa séance par crainte de frappes russes en plein coeur de Kiev, au lendemain du tir par la Russie d'un nouveau missile balistique et de menaces de Vladimir Poutine à l'adresse de l'Occident.

Après ce tir, le président russe s'était adressé à la nation jeudi soir en faisant porter la responsabilité de l'escalade du conflit sur les Occidentaux. Il a estimé que la guerre en Ukraine avait pris désormais un "caractère mondial" et menacé de frapper les pays alliés de Kiev.

Le Kremlin s'est dit confiant vendredi sur le fait que les Etats-Unis avaient "compris" le message de Vladimir Poutine.

L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP.

La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP.

En plein coeur de Kiev, ce quartier où se situent également la présidence, le siège du gouvernement et la Banque centrale, a jusqu'à présent été épargné par les bombardements. L'accès y est strictement contrôlé par l'armée.

Le porte-parole du président Volodymyr Zelensky a de son côté assuré que l'administration présidentielle "travaillait comme d'habitude en respectant les normes de sécurité habituelles".

"Compris" le message 

S'adressant aux Russes à la télévision jeudi soir, Vladimir Poutine a annoncé que ses forces avaient frappé l'Ukraine avec un nouveau type de missile balistique hypersonique à portée intermédiaire (jusqu'à 5.500 km), baptisé "Orechnik", qui était dans sa "configuration dénucléarisée".

Cette frappe, qui a visé une usine militaire à Dnipro, dans le centre de l'Ukraine, est une réponse, selon M. Poutine, à deux frappes menées cette semaine par Kiev sur le sol russe avec des missiles américains ATACMS et britanniques Storm Shadow, d'une portée d'environ 300 kilomètres.

M. Poutine a ainsi estimé que la guerre en Ukraine avait pris un "caractère mondial" et annoncé que Moscou se réservait le droit de frapper les pays occidentaux car ils autorisent Kiev à utiliser leurs armes contre le sol russe.

"Le message principal est que les décisions et les actions imprudentes des pays occidentaux qui produisent des missiles, les fournissent à l'Ukraine et participent ensuite à des frappes sur le territoire russe ne peuvent pas rester sans réaction de la part de la Russie", a insisté vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Il s'est dit persuadé que Washington avait "compris" ce message.

La veille, les Etats-Unis, qui avaient été informés 30 minutes à l'avance du tir russe, avaient accusé Moscou de "provoquer l'escalade". L'ONU a évoqué un "développement inquiétant" et le chancelier allemand Olaf Scholz a regretté une "terrible escalade".

La Chine, important partenaire de la Russie accusé de participer à son effort de guerre, a appelé à la "retenue". Le Kazakhstan, allié de Moscou, a renforcé ses mesures de sécurité en raison de cette "escalade en Ukraine".

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a lui appelé la communauté internationale à "réagir", dénonçant un "voisin fou" qui utilise l'Ukraine comme un "terrain d'essai".

"Cobayes" de Poutine 

Au-delà du tir de jeudi, la Russie a modifié récemment sa doctrine nucléaire, élargissant la possibilité de recours à l'arme atomique. Un acte "irresponsable", selon les Occidentaux.

Interrogés jeudi par l'AFP sur le tir de missile russe, des habitants de Kiev étaient inquiets.

"Cela fait peur. J'espère que nos militaires seront en mesure de repousser ces attaques", a déclaré Ilia Djejela, étudiant de 20 ans, tandis qu'Oksana, qui travaille dans le marketing, a appelé les Européens à "agir" et "ne pas rester silencieux".

M. Poutine "teste (ses armes) sur nous. Nous sommes ses cobayes", a affirmé Pavlo Andriouchtchenko cuisinier de 38 ans.

Sur le terrain en Ukraine, les frappes de la Russie, qui a envahi le pays il y a bientôt trois ans, se poursuivent.

A Soumy, dans le nord-est du pays, une attaque de drones a fait deux morts et 12 blessés, a indiqué le Parquet ukrainien.

Le ministre russe de la Défense, Andreï Belooussov, s'est lui rendu sur un poste de commandement de l'armée dans la région de Koursk, où les forces ukrainiennes occupent, depuis début août, des centaines de kilomètres carrés.

Il s'est félicité d'avoir "pratiquement fait échouer" la campagne militaire ukrainienne pour l'année 2025 en "détruisant les meilleures unités" de Kiev et notant que les avancées russes sur le terrain se sont "accélérées".

Cette poussée intervient alors que Kiev craint que Donald Trump, de retour à la Maison Blanche à partir de janvier prochain, ne réduise ou stoppe l'aide militaire américaine, vital pour l'armée ukrainienne.


Record de 281 travailleurs humanitaires tués dans le monde en 2024, selon l'ONU

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
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  • L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database
  • "Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires

GENEVE: Un nombre record de 281 travailleurs humanitaires ont été tués dans le monde cette année, ont alerté les Nations unies vendredi, qui demandent que les responsables soient poursuivis.

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database.

"Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires et coordinateur des situations d'urgence, Tom Fletcher, dans le communiqué.

Le Britannique souligne que "cette violence est inadmissible et dévastatrice pour les opérations d'aide".

"Les États et les parties au conflit doivent protéger les humanitaires, faire respecter le droit international, poursuivre les responsables et mettre un terme à cette ère d'impunité".

L'année 2023 avait déjà connu un nombre record, avec 280 travailleurs humanitaires tués dans 33 pays.

L'ONU souligne que la guerre à Gaza "fait grimper les chiffres". Il y a eu "au moins 333 travailleurs humanitaires qui ont été tués rien que dans la bande de Gaza" depuis le début de la guerre en octobre 2023, a indiqué le porte-parole de l'agence de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha), Jens Laerke, lors d'un point de presse à Genève.

Nombre d'entre eux ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions alors qu'ils fournissaient de l'aide humanitaire. La plupart travaillaient pour l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), dont 243 employés ont été tués depuis la guerre à Gaza, a indiqué M. Laerke.

Parmi les autres travailleurs humanitaires tués depuis le début de la guerre à Gaza figure notamment du personnel du Croissant-Rouge palestinien, a-t-il relevé.

Mais les menaces qui pèsent sur les travailleurs humanitaires ne se limitent pas à Gaza, indique l'ONU, soulignant que des "niveaux élevés" de violence, d'enlèvements, de harcèlement et de détention arbitraire ont été signalés, entre autres, en Afghanistan, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud, au Soudan, en Ukraine et au Yémen.

La majorité du personnel humanitaire tué sont des employés locaux travaillant avec des ONG, des agences de l'ONU et le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

L'ONU explique que la violence à l'encontre du personnel humanitaire s'inscrit dans "une tendance plus large d'atteintes aux civils dans les zones de conflit", avec l'an dernier "plus de 33.000 civils morts enregistrés dans 14 conflits armés, soit une augmentation de 72% par rapport à 2022".

 


Mandats d'arrêt de la CPI : réaction outrées en Israël, un nouveau «procès Dreyfus» dit Netanyahu

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  • "La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau
  • "Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu

JERUSALEM: L'annonce par la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant a suscité des réactions outrées en Israël, M. Netanyahu comparant la décision de la Cour à un nouveau "procès Dreyfus".

"La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau.

Condamné pour espionnage, dégradé et envoyé au bagne à la fin du XIXe siècle en France, le capitaine français de confession juive Alfred Dreyfus avait été innocenté et réhabilité quelques années plus tard. L'affaire Dreyfus a profondément divisé la société française et révélé l'antisémitisme d'une grande partie de la population.

"Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu.

La CPI "a perdu toute légitimité à exister et à agir" en se comportant "comme un jouet politique au service des éléments les plus extrêmes oeuvrant à saper la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient", a réagi son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, sur X.

La CPI a émis jeudi des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024", et contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'Etat d'Israël et de l'Etat de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023", date de l'attaque sans précédent du mouvement palestinien contre Israël à partir de Gaza ayant déclenché la guerre en cours.

"Jour noir" 

"C'est un jour noir pour la justice. Un jour noir pour l'humanité", a écrit sur X le président israélien, Isaac Herzog, pour qui la "décision honteuse de la CPI [...] se moque du sacrifice de tous ceux qui se sont battus pour la justice depuis la victoire des Alliés sur le nazisme [en 1945] jusqu'à aujourd'hui".

La décision de la CPI "ne tient pas compte du fait qu'Israël a été attaqué de façon barbare et qu'il a le devoir et le droit de défendre son peuple", a ajouté M. Herzog, jugeant que les mandats d'arrêt étaient "une attaque contre le droit d'Israël à se défendre" et visent "le pays le plus attaqué et le plus menacé au monde".

Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, et chantre de l'extrême droite a appelé à réagir à la décision de la CPI en annexant toute la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, et en y étendant la colonisation juive.

"Israël défend les vies de ses citoyens contre des organisations terroristes qui ont attaqué notre peuple, tué et violé. Ces mandats d'arrêt sont une prime au terrorisme", a déclaré le chef de l'opposition, Yaïr Lapid, dans un communiqué.

"Pas surprenant" 

Rare voix discordante, l'organisation israélienne des défense des droits de l'Homme B'Tselem a estimé que la décision de la CPI montre qu'Israël a atteint "l'un des points les plus bas de son histoire".

"Malheureusement, avec tout ce que nous savons sur la conduite de la guerre qu'Israël mène dans la bande de Gaza depuis un an [...] il n'est pas surprenant que les preuves indiquent que [MM. Netanyahu et Gallant] sont responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité", écrit l'ONG dans un communiqué.

Elle appelle par ailleurs "tous les Etats parties [au traité de Rome ayant institué la CPI] à respecter les décisions de la [Cour] et à exécuter ces mandats".

L'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné la mort de 1.206 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les données officielles, incluant les otages tués ou morts en captivité à Gaza.

La campagne de représailles militaires israéliennes sur la bande de Gaza a fait au moins 44.056 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l'ONU.