PARIS: Valérie Pécresse, très critiquée après son premier grand meeting dimanche à Paris, a reconnu lundi qu'elle était "plus à l'aise dans le dialogue direct avec les Français" et s'est défendue de reprendre à son compte la théorie du "grand remplacement".
"La salle était incandescente, elle a été dure à prendre et (...) si vous voulez des orateurs, il y en a plein dans la campagne, moi je suis une faiseuse" qui est "plus à l'aise dans le dialogue direct avec les Français, peut-être plus à l'aise sur ce plateau avec vous", a admis sur RTL la candidate LR à la présidentielle.
"Il y a eu un candidat qui a eu du mal à faire des meetings au début de sa carrière politique et je crois qu'il s'appelait Emmanuel Macron", a-t-elle ajouté, en défendant un programme "extrêmement construit, extrêmement solide" mais que "personne ne regarde".
Quant à son emploi de l'expression "grand remplacement", qui lui est vivement reproché, elle a assuré: "la phrase est je ne me résigne ni au grand déclassement ni au grand remplacement, ça veut dire que je ne me résigne pas justement aux théories d'Éric Zemmour et aux théories de l'extrême droite, parce que je sais qu'une autre voie est possible".
"C'est ce que j'ai dit hier et tout le monde me fait dire le contraire", a-t-elle ajouté, assurant: "C'est une phrase que j'ai prononcé dix fois dans la primaire et tous les commentateurs qui la reprennent ont des mémoires de bigorneau".
SOS Racisme dénonce les propos de Pécresse sur le « grand remplacement »
L'association SOS Racisme a dénoncé lundi les propos "pas dignes" de Valérie Pécresse, qui a évoqué dans son meeting la théorie du "grand remplacement", appelant les candidats à cesser de courir après l'extrême droite.
Lors de son premier meeting dimanche au Zenith de Paris, la candidate LR à la présidentielle a affirmé que la France était "à la croisée des chemins" mais il n'y avait "pas de fatalité, ni au grand remplacement, ni au grand déclassement".
Le "grand remplacement" est une théorie complotiste selon laquelle la population européenne est remplacée par une population immigrée non européenne. Elle est reprise par l'extrême droite française, notamment le candidat à l'élection présidentielle Eric Zemmour.
"Les propos de Valérie Pécresse ne sont pas dignes d’une prétendante majeure à la présidence de la République", a déclaré le président de SOS Racisme Dominique Sopo, cité dans un communiqué, regrettant que le niveau de débat "s'effondre dans la médiocrité, l'irrationalité et la violence sous l'influence de l'extrême droite".
"Valérie Pécresse a tort de vouloir donner des signes à un électorat radicalisé car cet électorat n'est jamais assez assouvi de haine. En outre, l’on sait, sur la base des attentats de Christchurch, que la théorie du grand remplacement peut entraîner des conséquences mortelles", ajoute Dominique Sopo.
En mars 2019, Brenton Tarrant, un suprémaciste australien, avait ouvert le feu dans deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, tuant 51 musulmans.
Interrogée sur la réalité du phénomène, elle a répondu qu'"il n'y a pas de fatalité au grand remplacement et au grand déclassement" -- l'expression même qu'elle a employée dimanche.
"Il y a aujourd'hui en France des zones de non-France, mais moi je ne me résigne pas à ce grand remplacement mais c'est quelque chose que je dis depuis des mois, donc je je ne comprends même pas la polémique", a-t-elle ajouté.
Le « grand remplacement », thèse complotiste aux origines néo-nazies
La thèse du "grand remplacement" supposé de la population européenne par une population immigrée, citée par Valérie Pécresse à son meeting dimanche, a été conçue par d'anciens nazis après la guerre, avant d'être popularisée après les attentats du 11 septembre 2001.
La candidate LR a redit lundi, comme dimanche, qu'"il n'y a pas de fatalité au grand remplacement et au grand déclassement" en expliquant qu'elle ne se "résignait pas justement aux théories d'Éric Zemmour et aux théories de l'extrême droite, parce que je sais qu'une autre voie est possible".
Après 1945, l'extrême droite radicale va développer la thématique de la destruction de l'Europe par une "colonisation" d'immigrés africains, en la disant œuvre du complot juif, explique l'historien Nicolas Lebourg.
Après les attentats du 11 septembre 2001, ses partisans vont en extraire "l'argumentaire antisémite, pour le faire seulement mythe mobilisateur raciste et islamophobe", précise-t-il dans Médiapart.
"Dès 1946, des groupes d'anciens Waffen-SS affirmaient que désormais toute l'Europe était occupée par les +nègres+ (les soldats américains) et les +mongols+ (les soldats russes), et qu’il s’agissait de libérer le continent de +l’occupation+ par +une nouvelle résistance+".
Mais c'est l’ancien trotskyste et ancien Waffen-SS français René Binet qui va diffuser, sur le plan international, la thématique d’un grand remplacement organisé par les juifs.
Après les attentats du 11 septembre 2001, les partisans de cette thèse accusent le "multiculturalisme", au lieu du métissage, pour avancer que les populations immigrées musulmanes vont "remplacer" les populations "blanches et chrétiennes".
Le tueur de Christchurch en 2019 (ses attentats contre 2 mosquées avaient fait 51 morts) avait repris l'expression dans un manifeste, où il faisait référence à un "génocide blanc".
Cette thèse comporte un aspect complotiste car le "remplacement" est présenté "comme sciemment organisé par les +représentants de la superclasse mondiale+", note l'historienne Valérie Igounet dans une étude pour la Fondation Jean Jaurès.
L'écrivain Renaud Camus l'a popularisée dans un ouvrage publié en 2011 intitulé "Le grand remplacement", où il "insiste sur une +colonisation démographique+". "En d'autres termes, la France s'apprêterait à passer sous domination musulmane", explique Mme Igounet.
Parmi les mesures proposées par M. Camus pour faire échec au "remplacisme" figurent la suppression du droit du sol, l'abrogation du regroupement familial, l'interdiction d'adopter des enfants extra-européens, la création d’un haut-commissariat à la Remigration, ou l'attribution exclusive des aides sociales aux nationaux et ressortissants européens.
La candidate socialiste Anne Hidalgo a estimé dimanche que Valérie Pécresse avait franchi "un Rubicon de plus" en évoquant cette théorie complotiste relayée par le candidat d'extrême droite Eric Zemmour.
Lundi, Olivier Faure fait part de sa "sidération de voir une candidate qui se dit républicaine reprendre les mots et les concepts de l’extrême-droite" et dénonce une "dérive permanente de la droite".