TRIPOLI: Alors que les institutions politiques libyennes poursuivaient leur projet visant à prolonger à nouveau la période de transition et à retarder la tenue des élections, les Libyens de tout le pays étaient remplis de lassitude, de cynisme et de colère.
La Libye était censée organiser des élections présidentielles et législatives en décembre, mais les disputes entre les factions et les organes de l'État sur la manière dont elles devraient se dérouler ont fait échouer le processus électoral quelques jours avant le vote.
Le Parlement a voté cette semaine afin d’approuver une «feuille de route» dans laquelle il choisira un nouveau gouvernement intérimaire et travaillera avec une autre institution, le Haut Conseil d'État, pour reformuler une constitution provisoire et repousser les élections jusqu'à l'année prochaine.
«Malheureusement, après un an, il n'y aura pas d'élections. Les périodes de transition vont se poursuivre en Libye et nous, les Libyens, ne sommes que manipulés», a déclaré Saad Mohammed, 35 ans, habitant de Benghazi, dans l'est de la Libye.
Près de 3 millions de Libyens se sont inscrits pour voter lors des élections de décembre, un nombre qui, selon les analystes, indique une volonté nationale claire de choisir ses dirigeants.
«Combien de fois allons-nous reporter les élections? Cela fait des années que nous les reportons. Et tout ce que nous voyons, c'est un report après l’autre», a déclaré Mohammed Gharyani, s'exprimant dans une rue de Tripoli. À l’autre bout du pays, à Benghazi, Khaled Ali, 46 ans, est d’accord pour dire que les politiciens essaient simplement de rester au pouvoir le plus longtemps possible. «Il n'y aura pas d'élections avant un an et demi», s’est-il désolé.
Onze ans de chaos, de violence et de division depuis le soulèvement de 2011 soutenu par l'Otan contre Mouammar Kadhafi, ont laissé la Libye avec une série d'institutions politiques qui devaient à l'origine être temporaires, mais qui sont restées en place pendant des années.
Les élections de décembre étaient censées résoudre cette «crise de légitimité», comme on l'appelle désormais, en remplaçant toutes les institutions libyennes par celles récemment choisies par les électeurs.
«Tout ce que font le Parlement et le Haut Conseil d'État, c'est tergiverser pour rester au pouvoir», a confié Asma Fituri, une enseignante, sur un marché de Tripoli.
Le Haut Conseil d'État (HCE) a été formé des membres d'un Parlement intérimaire élu en 2012, mais qui a refusé de reconnaître les élections destinées à le remplacer deux ans plus tard. Un accord politique de 2015 destiné à mettre fin à la guerre civile a reconnu le HCE comme une institution officielle dotée de pouvoirs consultatifs.
Le Parlement actuel, la Chambre des représentants, a été élu en 2014. Bien qu'il n'ait pas de mandat fixe, il était censé superviser une courte transition vers une nouvelle constitution qui serait rédigée par un autre organe élu cette année-là, mais qui n'a jamais été achevée.
Entre-temps, la dernière administration de Tripoli, le gouvernement d'unité nationale, a été installée l'année dernière dans le cadre d'une feuille de route soutenue par l'ONU, avec pour mandat de superviser la préparation des élections.
Ses dirigeants ont été choisis par les 75 membres du Forum de dialogue politique libyen, eux-mêmes sélectionnés par l'ONU afin de représenter les principaux groupes factionnels et régionaux du pays. La feuille de route du Forum de dialogue politique libyen (LPDF) stipule que le mandat du gouvernement d'unité nationale (GNU) s’étend jusqu'aux élections du 24 décembre 2021, mais ne précise pas ce qui se passera si elles n’ont pas lieu.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com