DIVJAKA, Albanie : Changement climatique, surpêche ou urbanisation, les oiseaux migrateurs sont perturbés et des milliers d'entre eux manquent à l'appel dans la lagune albanaise de Divjaka, spectaculaire étendue de marais et d'ilots sur l'Adriatique où les volatiles ont coutume de passer l'hiver.
Les spécialistes tirent la sonnette d'alarme après avoir mené récemment des comptages dans cette région séparée de la mer par une bande de sable, dans le cadre d'un programme mondial destiné à mieux connaître les populations.
"Nous avons constaté que quelque 9.000 oiseaux d'eau manquent à l’appel par rapport à l’année précédente", explique Ardian Koçi, directeur du parc national qui protège la lagune appréciée de nombreux migrateurs. Elle ne compte plus que 25.000 individus.
"Les raisons sont multiples, mais avant tout, c'est le réchauffement climatique qui a bouleversé la migration et les saisons de reproduction", ajoute ce spécialiste de biodiversité.
Nexhip Hysolokaj, autre expert, souligne qu'il s'agit d'une tendance de fond. "Depuis déjà trois ans, nous constatons une diminution du nombre d'oiseaux migrateurs en Albanie due au changement climatique".
Une étude plus approfondie est nécessaire pour connaître les raisons précises des modifications des trajectoires et comportements des diverses espèces. Mais les experts constatent que certains migrateurs n'ont plus besoin de passer l'hiver au chaud dans le petit pays des Balkans.
Aéroport
"S'il ne fait pas trop froid, qu'il n'y a pas des températures extrêmes en Europe du Nord, ils préfèrent ne pas bouger ou migrer sur des distances plus courtes", dit Mirjan Topi, auteur du premier guide des oiseaux d'Albanie. Par exemple "ils peuvent s'arrêter pour passer l'hiver au Monténégro voisin pour ne pas venir jusqu'en Albanie".
Parmi les quasi disparus l'hiver en Albanie, les oies cendrées, les oies rieuses ou les oies naines.
La lagune de Djvijaka est réputée pour ses gracieux flamants roses et ses pélicans frisés ainsi nommés à cause des plumes qui leur donnent l'air de porter une perruque.
Ils y sont aussi moins nombreux ces jours-ci et les cycles de reproduction sont perturbés par le changement climatique. "La saison de reproduction des pélicans semble avoir du retard par rapport à l'année passée", dit Sajmir Hoxha, expert en Albanie de l'ONG française Noe conservation.
La pêche illégale qui épuise les stocks de poissons, les activités humaines et l'urbanisation sauvage qui menacent les écosystèmes expliquent aussi le recul des populations.
Et la situation ne devrait pas s'améliorer avec un projet controversé de construction d'aéroport dans la région protégée de Vjosa-Narta, plus au sud, destiné à développer le tourisme mais décrié par les écologistes. Ce projet à plus de 100 millions d'euros confié à un consortium turco-suisse "affecterait directement la vie sauvage et représenterait une menace pour les espèces qui s'y reproduisent, y hivernent ou s'y s'arrêtent en route pour Divjaka", estime Mirjan Topi.