En Roumanie, la fillette rom qui a triomphé de la stigmatisation

Alina Serban pose lors d'une séance photo pour l'affiche de son spectacle à Bucarest, le 20 octobre 2021. (Photo, AFP)
Alina Serban pose lors d'une séance photo pour l'affiche de son spectacle à Bucarest, le 20 octobre 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 03 février 2022

En Roumanie, la fillette rom qui a triomphé de la stigmatisation

  • La Roumanie, l'un des pays les plus pauvres de l'UE, compte la plus importante minorité rom d'Europe, forte d'environ deux millions de personnes
  • La bouillonnante artiste, elle, brandit son identité haut et fort devant le public du Théâtre national de Bucarest

BUCAREST : Un masque corbeau lourd en symboles et une question lancinante: que faire pour échapper à la stigmatisation? Une actrice rom porte sur scène sa vie, celle d'une fillette aux prises avec le racisme, qui "réussit" envers et contre tout.

"C'est la première fois qu'une histoire rom, écrite, mise en scène et interprétée par une artiste rom, est accueillie par une scène nationale" roumaine, souligne Alina Serban, 34 ans, dans un entretien à l'AFP.

La Roumanie, l'un des pays les plus pauvres de l'UE, compte la plus importante minorité rom d'Europe, forte d'environ deux millions de personnes, selon les ONG.

Officiellement, ils ne sont cependant que 621 000 sur une population de 19 millions, car beaucoup rechignent à se déclarer comme tels par crainte de la discrimination.

La bouillonnante artiste, elle, brandit son identité haut et fort devant le public du Théâtre national de Bucarest.

Sa pièce intitulée "Le meilleur enfant au monde", qui se joue depuis le 21 janvier à guichets fermés, est le récit émouvant, parsemé d'humour, d'une jeune fille "triomphante bien que vouée à l'échec", dit-elle entre deux répétitions.

Sortir de la «crasse»

Alina Serban découvre qu'elle est rom à neuf ans, lorsqu'elle et ses parents, acculés par des difficultés financières, doivent déménager.

Elle quitte un quartier ouvrier de Bucarest où elle est bien intégrée pour habiter dans une maison en torchis sans eau courante, aux côtés de tantes et oncles illettrés, personnages truculents.

A l'école, elle entendra pour la première fois une réplique qui la hantera à jamais: "Elle n'est pas roumaine, elle est tsigane".

Péjoratif en roumain, le mot "tsigane" est souvent remplacé par "corneille", une étiquette qui colle à la peau comme ce masque aux plumes noires dont elle n'arrive pas à se défaire.

Lasse de devoir cacher qu'elle vit "dans la cour des Tsiganes", elle promet de tout faire pour sortir de la "crasse".

Et elle y parvient avec brio: admise à la très sélective Académie de théâtre et de cinéma de Bucarest, elle poursuit de brillantes études à New York puis à Londres.

Rapidement, Alina Serban se fait remarquer au cinéma pour son rôle dans "Gipsy Queen", l'histoire d'une femme qui se bat littéralement, sur le ring, "pour la dignité de ses enfants", ou encore dans le film belge "Seule à mon mariage".

Mais la reconnaissance, les prix internationaux "ne suffisent pas". Visée par les remarques blessantes d'un voisin ou d'un ancien camarade de fac, elle doute de ses mérites.

«Changer le monde»

"C'est ça le résultat du racisme: tu finis par souffrir du syndrome de l'imposteur, par te haïr toi-même", ajoute la comédienne, première de sa famille à avoir terminé le lycée et dont des nièces "rêvent toujours d'apprendre dans la classe des enfants roumains".

Celle qui a toujours été "en quête de validation par les autres" multiplie les projets, se penche sur l'esclavage des Roms, une page sombre de l'histoire roumaine qui a vu leur asservissement durant 500 ans.

Officialisé en 1856, l'affranchissement a été un processus long et difficile.

Au quotidien, le racisme est tenace, l'accès des Roms à l'emploi et au logement est compliqué.

A la mi-janvier, le meurtre d'un chauffeur de taxi par un Rom a mis le feu aux poudres dans un village près de Bucarest, les habitants scandant "Les Tsiganes dehors".

Selon des sondages d'opinion parus en 2018 et 2020, sept Roumains sur dix disent "ne pas faire confiance aux Roms".

L'artiste voit malgré tout des raisons d'espérer, avec notamment un nouveau regard sur la culture rom, devenue "cool". La jeune génération, plus ouverte à la diversité, s'intéresse à la musique ou à la mode de cette minorité.

Des progrès sont vus aussi à l'école: "il commence à y avoir une prise de conscience" sur ce que les Roms ont enduré, estime le sociologue Adrian Furtuna, qui cite l'introduction pour la première fois dans les manuels d'un récit sur l'esclavage.

"Si je continue, c'est parce qu'à la fin des films ou des pièces où je joue, je vois une lueur dans les yeux des spectateurs", confie Alina Serban. "Je suis convaincue que je peux changer le monde avec les histoires que je raconte".


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.