ROME: La réélection du président Sergio Mattarella a temporairement évité une crise politique en Italie, mais les manigances « machiavéliques » des partis politiques ne font que commencer, préviennent les analystes.
Après six jours d'impasse et alors que l'on craignait la chute du gouvernement, le juriste de 80 ans a accepté samedi de garder ses fonctions faute de consensus sur un autre candidat.
Initialement, M. Mattarella avait pourtant clairement fait savoir qu'il ne souhaitait pas effectuer un second mandat.
Mais, a-t-il souligné, il s'agit d'une situation exceptionnelle: l'Italie, lourdement endettée et durement touchée par la pandémie de Covid-19 en 2020, « traverse encore une grave urgence sanitaire, économique et sociale », a expliqué M. Mattarella, qui a recueilli 759 voix sur 1 009 sénateurs, députés et responsables régionaux appelés à voter.
Le seul autre prétendant sérieux était le Premier ministre Mario Draghi, qui a réussi depuis février 2021 à relancer la croissance économique du pays, tout en maintenant l'unité d'un gouvernement composé de presque tous les partis politiques italiens.
Mais nombreux étaient ceux qui craignaient que son départ du gouvernement ne conduise l'Italie à prendre du retard dans les réformes nécessaires pour recevoir les fonds du plan de relance européen, ou ne déstabilise l'exécutif avec le danger de déclencher des élections anticipées.
« Profondes cicatrices »
L'élection de M. Mattarella élimine ce risque immédiat, alors que des élections sont prévues au printemps 2023.
Mais cette « semaine d'intenses combats » produira « sans aucun doute une épreuve de force au sein des partis et des coalitions dans les jours et les semaines à venir. Les partis semblent plus faibles et divisés », note Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien.
« La question est de savoir si l'ingrédient clé du gouvernement de Draghi - une large majorité trans-partisane - sera toujours là dans quelques jours », explique Francesco Galietti, du cabinet de conseil politique Policy Sonar. « Dans le cas contraire, la situation deviendra rapidement intenable ».
Pour Wolfango Piccoli, du cabinet de conseil Teneo, il existe en effet « un risque tangible qu'au sein de la majorité au pouvoir, les luttes intestines s'accentuent dans les mois à venir » alors que l'élection a « laissé de profondes cicatrices dans les partis et chez leurs dirigeants ».
Reconstruire la confiance au sein de la coalition est « une tâche quasi impossible », estime-t-il, s'attendant à des repositionnements « à la fois à l'intérieur des partis et des alliances ».
Le plus grand perdant est Matteo Salvini, chef populiste de la Ligue, qui espérait jouer le rôle de faiseur de roi mais qui n'a pas réussi à faire élire son candidat et s'est retrouvé contraint de s'allier avec le bloc de centre gauche.
Droite déchirée
Cette décision a déchiré la droite.
Giorgia Meloni, chef du parti d'extrême droite Frères d'Italie, qui ne voulait pas de M. Mattarella comme président, a accusé M. Salvini de trahison et annoncé qu'elle n'était plus alliée avec lui ni avec le leader de centre droit Silvio Berlusconi.
« Les observateurs se demandent si les principaux lieutenants de la Ligue vont dire adieu à Matteo Salvini pour de bon », note M. Galietti.
Une lutte est également attendue au sein du Mouvement 5 étoiles (M5S) entre Luigi Di Maio et l'ancien Premier ministre Giuseppe Conte qui a pris en août les rênes de ce parti, le plus grand au Parlement mais qui est aujourd'hui divisé et à la traîne dans les sondages d'opinion.
Tout ceci pourrait naturellement affecter son entente avec le Parti démocratique (PD) de centre gauche.
Dans ce contexte, M. Galietti s'attend à ce que les intrigues politiques soient « aussi machiavéliques que possible ».
M. Draghi aura la lourde tâche de s'assurer que le gouvernement continue à fonctionner, alors même que sa propre position a été « affectée », n'ayant pas été choisi pour le poste de président, souligne M. Piccoli.
Mais pour Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien, des partis affaiblis et divisés pourrait avoir des côtés positifs: ils « auront moins de droit de veto, ce qui pourrait faciliter la tâche de Draghi pour trouver des solutions de compromis sur les réformes », estime-t-il.