CASABLANCA: «Please open borders». Ce mercredi 26 janvier 2022, à 10 heures du matin, Fatima, propriétaire d’un riad dans la médina de Marrakech, portait une banderole réclamant aux autorités marocaines d’ouvrir les frontières, fermées depuis le 29 novembre 2021 en prévention d’une propagation du variant Omicron de la Covid-19 dans le pays. Deux mois après cette décision restrictive, la capitale touristique du Royaume traverse une crise sans précédent. Ce jour-là, tous les métiers et professionnels de l’écosystème touristique de la ville ocre se sont rendus à une manifestation. Hôteliers, artisans, agences de voyages, maisons d’hôtes, riads, transporteurs touristiques, restaurateurs, calèches et taxis… tous étaient présents pour protester contre cette décision qui a trop longtemps duré, le Maroc étant le seul pays au monde qui maintient encore ses frontières fermées en raison de la pandémie de Covid-19.
Manifestations pour la réouverture des frontières
«Plusieurs manifestations ont été organisées par les professionnels du tourisme, notamment à Marrakech, Essaouira et Rabat pour crier leur désarroi face à cette crise qui dure depuis deux ans, due à la Covid-19 et surtout à la fermeture des frontières. Les entreprises souffrent et la crise s’aggrave, sans aucune visibilité. Il devient urgent d’ouvrir les frontières, mais tout en garantissant la sécurité sanitaire des Marocains», déclare à Arab News en français, Fouzi Zemrani, ancien vice-président de la Confédération nationale du tourisme (CNT) et également patron d’une agence de voyages.
Pour faire face à la crise que traverse le secteur du tourisme, le gouvernement marocain a initié un plan d’urgence de soutien doté de 2 milliards de dirhams (1 dirham marocain = 0,095 euro). Un plan qui a été toutefois décrié par un grand nombre de professionnels à cause de l’exclusion de plusieurs secteurs des aides octroyées par l’État. «Les mesures prévues dans ce plan ne répondent pas à l’urgence de la situation. La priorité a été donnée aux hôteliers, alors que les agences de voyages ont été exclues de ce programme. Il s’agit d’une grave erreur», commente non sans regret Fouzi Zemrani.
Tourisme à Marrakech, la grosse déprime
La sinistrose ambiante à Marrakech a frappé de plein fouet tous les opérateurs touristiques et les métiers transverses comme l’artisanat, le commerce, la restauration, l’animation, l’événementiel et les industries culturelles. Dans la seule ville de Marrakech, les deux tiers des restaurants ont fermé, quelque 300 agences de voyages ont mis la clé sous la porte ainsi que près de la moitié des 250 hôtels que compte la ville ocre.
Une décision restrictive inefficace
Le coût social et économique de la fermeture des frontières n’est plus à démontrer. La hausse du chômage est désormais une réalité et plusieurs voix s’élèvent contre cette décision qui s’est révélée inefficace face à la forte propagation du variant Omicron dans le pays. Tayeb Hamdi, expert en politiques et système de santé, nous le confirme. «L’accès au territoire national ne présente pas un risque épidémique. Il serait souhaitable d’envisager l’ouverture de ces frontières conformément à notre approche marocaine réussie, proactive et anticipative, basée sur la prise de décisions à partir de données scientifiques afin de protéger les citoyens», assure à Arab News en français M. Hamdi. Selon lui, l'accès au territoire national de citoyens marocains ou étrangers complètement vaccinés et munis d'une attestation PCR négative, «est moins risqué sur le plan épidémiologique que le comportement de certaines personnes non vaccinées ou de manière incomplète, et qui n'adhèrent pas aux mesures préventives».
Même son de cloche auprès du Comité scientifique et technique de lutte contre la Covid-19 qui a appelé cette semaine à la réouverture des frontières dans les plus brefs délais, arguant que la situation épidémiologique au Maroc est désormais stable; près de 7 000 cas de contaminations à la Covid-19 ont été enregistrés ce mercredi 26 janvier. De son côté, le Comité d’urgence du règlement sanitaire international de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé aux pays d’ouvrir leurs frontières, car cette mesure «n’apporte aucune valeur ajoutée et contribue au stress économique et social», selon l’OMS.
Réponse prudente de Nasser Bourita
Interpellé lundi 24 janvier au Parlement sur l’impact de la fermeture des frontières et la situation des Marocains bloqués à l’étranger, le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, est resté prudent. «L’ouverture des frontières est importante, mais elle demeure liée à la garantie des conditions nécessaires, à même de préserver la santé des visiteurs et des citoyens marocains», a-t-il déclaré. Et d’ajouter: «Le Maroc surveille le développement de la situation épidémiologique dans les pays ayant ouvert leurs frontières et décidera de ce qui pourra être entrepris».
Plusieurs scénarios sur la table du gouvernement
Après un prolongement de cette fermeture pour le mois de décembre 2021, la date butoir a été fixée le lundi 31 janvier 2022. Dans quelques jours, le gouvernement devra prendre une décision cruciale. Prolongera-t-il cette décision restrictive tout en assumant le coût économique engendré ou rouvrira-t-il les frontières? Selon les informations dont dispose Arab News en français, plusieurs scénarios sont en cours de discussion au gouvernement. Le scénario le plus plausible, selon nos sources, et qui serait retenu ce lundi, sans retournement de dernière minute, est une réouverture «partielle» des frontières afin de permettre le retour des milliers de Marocains bloqués à l’étranger et la redynamisation de l’activité touristique du pays. Les personnes qui accéderont au territoire national devront toutefois se conformer au protocole sanitaire imposé par le Maroc, et elles devront présenter un test PCR négatif effectué moins de quarante-huit heures auparavant. Par ailleurs, les fermetures des frontières seraient maintenues pour les voyageurs en provenance de certains pays dans lesquels la situation épidémique reste inquiétante, nous confie notre source.