BEYROUTH: Les armées azerbaïdjanaise et arménienne, engagées dans des combats sanglants dans la région séparatiste du Nagorny Karabakh, s'accusent de recourir à des mercenaires, notamment syriens.
Que savons-nous à ce jour des combattants étrangers impliqués dans ces affrontements, dans une région ayant fait sécession de l'Azerbaïdjan et déjà frappée par une guerre au début des années 1990 (30.000 morts).
Combattants syriens en Azerbaïdjan ?
L'Arménie accuse la Turquie d'envoyer des mercenaires de la Syrie en guerre pour soutenir les forces azerbaïdjanaises.
Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a accusé vendredi la Turquie d'être impliquée militairement au côté de l'Azerbaïdjan notamment en dépêchant « des milliers de mercenaires et de terroristes depuis les zones occupées par les Turcs dans le Nord de la Syrie ».
Le président russe, Vladimir Poutine, s'est dit « sérieusement préoccupé » par les informations sur « l'engagement de groupes armés illégaux du Moyen-Orient ».
La Turquie n'a pas officiellement réagi à ces accusations.
Le ministère azerbaïdjanais de la Défense a catégoriquement nié la présence de combattants syriens sur son sol. « C'est de la désinformation », a dit le conseiller à la présidence azerbaïdjanaise, Hikmet Hajiyev.
L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG basée en Grande-Bretagne qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, a affirmé que plus de 850 combattants de factions syriennes pro turques étaient arrivés au Nagorny Karabakh, via la Turquie : 300 combattants la semaine dernière, avant le début des hostilités, et le reste cette semaine.
Au moins 28 d'entre eux ont péri dans les combats, selon l'ONG.
Vendredi, un combattant syrien a confirmé sa présence en Azerbaïdjan. L'AFP a pu en outre confirmer la mort de trois combattants via leurs familles.
A qui sont-ils affiliés ?
Le président français, Emmanuel Macron, a affirmé que « selon nos propres renseignements, 300 combattants ont quitté la Syrie pour rejoindre Bakou en passant par Gaziantep (Turquie). Ils sont connus, tracés, identifiés, ils viennent de groupes jihadistes qui opèrent dans la région d'Alep (nord) ».
Il a dit vouloir réclamer des « explications » au président turc, Recep Tayyip Erdogan.
L'OSDH assure toutefois que ce ne sont pas des jihadistes qui partent au combat, mais des Syriens affiliés à des factions pro-Ankara particulièrement actives dans la région syrienne d'Afrine, sous contrôle turc dans la province d'Alep.
D'après le directeur de l'OSDH, Rami Abdel-Rahmane, la plupart des combattants sont issus de la minorité turcophone des Turkmènes en Syrie.
Selon Aymenn Jawad al-Tamimi, spécialiste des mouvements jihadistes, les combattants envoyés au Nagorny Karabakh sont « un mélange d'anciens combattants rebelles et de nouvelles recrues » et sont tous à « la solde » de la Turquie. « Certains rebelles avaient reçu le soutien de l'Occident pendant la guerre en Syrie », ajoute l'expert.
Ils combattent principalement sous la bannière de trois factions : « Sultan Mourad », « Souleiman Chah » et « Liwaa' Al-Mountasser bi-Allah », selon plusieurs sources.
Ces trois groupes font partie de « l'Armée nationale syrienne ». Ce bras militaire d'une partie de l'opposition syrienne au régime de Bachar al-Assad est soutenu par Ankara.
Mais le porte-parole de cette « armée nationale », Youssef Hammoud, a affirmé qu'aucun de ses combattants n'était parti en Azerbaïdjan : Il s'agit d'une « campagne médiatique initiée par le gouvernement arménien ».
Des étrangers au côté des Arméniens ?
L'Azerbaïdjan accuse lui aussi l'Arménie d'avoir recours à des « mercenaires » étrangers, notamment de la diaspora arménienne.
« Des Arméniens de Syrie et du Liban sont déployés en Arménie et combattent dans les rangs des forces arméniennes », selon Hikmet Hajiyev, conseiller de la présidence azerbaïdjanaise.
D'après l'OSDH, quelques centaines d'Arméniens syriens se sont rendus en Arménie pour participer aux combats, mais un responsable arménien local dans le Nord de la Syrie, contacté par l'AFP et s'exprimant sous couvert d'anonymat, a démenti ces informations.
A Beyrouth, le député Hagop Pakradounian, secrétaire général du parti Tachnak, le plus grand parti arménien au Liban, a déclaré que « les partis arméniens (libanais) n'avaient pas l'intention d'envoyer des jeunes » combattre au côté de l'Arménie.
« Il n'y a aucune action organisée de ce type », dit-il, en évoquant toutefois des départs de certains jeunes de leur propre initiative.
Selon lui, « chaque Arménien dans le monde ressent le devoir du sacrifice, que ce soit à travers une action politique ou médiatique, ou un don ».