Un système de santé en déliquescence laminé par la pandémie

Le médecin français Pierre-Emmanuel Lebas (C) s'entretient avec un patient aux urgences de l'hôpital de Draguignan le 11 janvier 2022. Situé dans un département de la Côte d'Azur, région pourtant bien dotée en structures médicales, ce centre hospitalier dans l'arrière-pays couvre les besoins en soins d'un bassin de 100 000 habitants. Nicolas TUCAT / AFP
Le médecin français Pierre-Emmanuel Lebas (C) s'entretient avec un patient aux urgences de l'hôpital de Draguignan le 11 janvier 2022. Situé dans un département de la Côte d'Azur, région pourtant bien dotée en structures médicales, ce centre hospitalier dans l'arrière-pays couvre les besoins en soins d'un bassin de 100 000 habitants. Nicolas TUCAT / AFP
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Publié le Mardi 25 janvier 2022

Un système de santé en déliquescence laminé par la pandémie

  • Désert médical, crise de l'hôpital, soignants au plus mal: percuté par le Covid après des décennies de restrictions, le système de santé français traverse une grande dépression à l'approche de la présidentielle
  • La crise sanitaire continue de laminer un secteur pressé par dix années d'étau budgétaire, aux conséquences délétères: endettement, sous-investissement, salaires en berne

PARIS: Désert médical, crise de l'hôpital, soignants au plus mal: percuté par la Covid après des décennies de restrictions, le système de santé français traverse une grande dépression à l'approche de la présidentielle que le quinquennat Macron n'a pas su prévenir. A moins de trois mois de l'élection, des soignants interpellent les politiciens : «Qu'ils se réveillent et qu'ils viennent voir !» Des hôpitaux de proximité, loin de l'hôpital-entreprise, des embauches, de jeunes recrues notamment, la suppression des ARS... les candidats à l'Elysée ne manquent pas d'idées pour remettre d'aplomb le secteur de la santé, répondre aux besoins des hôpitaux et lutter contre les déserts médicaux.

"Quoi qu'on mette en place, tout se délite, il n'y a rien qui les retient": dans un service de réanimation parisien, une cadre de santé expérimentée peine à combler les nombreux postes vacants dans son équipe d'infirmières.
Les jeunes "ne veulent plus de ce boulot" et "ne sont pas prêts à faire tous les sacrifices" consentis par leurs aînés. "Et ils ont sûrement raison", ajoute-t-elle.
Dans chaque hôpital, les mêmes "vagues" de départs ont suivi les marées de l'épidémie.
La crise sanitaire continue de laminer un secteur pressé par dix années d'étau budgétaire, aux conséquences délétères: endettement, sous-investissement, salaires en berne. Les milliards du "Ségur de la santé", déversés entre deux confinements, ont à peine desserré l'étreinte.
Partout reviennent les mêmes témoignages de lits fermés faute de soignants pour les "armer", de plannings bouclés au prix d'heures supplémentaires et de congés abandonnés.

 

Paroles d'infirmières face à «la déliquescence de l'hôpital public»

«Qu'ils se réveillent et qu'ils viennent voir !»: des infirmières de l'hôpital public voudraient que le prochain quinquennat se traduise par une hausse des effectifs, des salaires et du nombre de lits pour pouvoir s'occuper "dignement" des patients, comme l'illustrent des témoignages recueillis par l'AFP.

«Qu'ils arrêtent de dire que tout va bien»
Séverine est infirmière en soins généraux (IDE) dans un hôpital du Val-de-Marne. Son souhait: "Qu'on nous laisse le temps de nous occuper de nos patients".
"Les soignants ne veulent plus venir travailler à l'hôpital", relate la quadragénaire, pour qui cette désaffection est liée "aux salaires", "un vrai problème".
Mais aussi au nombre insuffisant d'infirmiers. "En réanimation, nous avons la chance d'avoir un quota réglementé -deux infirmières pour cinq lits- mais ce n'est pas le cas des autres services".
"Quand il manque quelqu'un, eh bien c'est pas grave... L'infirmière prend plus et encore plus de malades, au détriment de la qualité des soins qu'elle délivre aux patients".
Quand la soignante est interrogée sur ses attentes pour le prochain quinquennat, elle répond du tac au tac: "Qu'ils arrêtent de dire que tout va bien", "alors qu'au fond, rien ne fonctionne".

«Qu'on arrête de fermer des lits»
Lilas, infirmière anesthésiste diplômée d'État (IADE) à Paris depuis 15 ans, explique attendre "un petit peu comme tout le monde" qu'on "arrête de fermer des lits".
"Les urgences sont saturées, des personnes âgées, isolées, sont opérées en ambulatoire parce qu'il n'y a pas de lit pour elles, même pour 24h", détaille-t-elle. "Mais une petite mamie de 86 ans qui s'est fait opérer de la hanche, si elle tombe, elle ne se relève pas".
Sans parler des délais d'attente pour avoir un rendez-vous. "Tout le monde ne peut pas aller dans le privé !", fait valoir la quinquagénaire, parlant "de système à deux vitesses".
L'infirmière espère également voir arriver embauches et revalorisations salariales. "Quand une infirmière est toute seule pour 35 malades, elle fait comment ?"
Avec la crise du Covid, "nous avons répondu présent, mais les politiques ne répondent pas présent: c'est toujours l'austérité". "Nous sommes fatigués, nous sommes désabusés, nous sommes dégoûtés".

«Qu'ils recrutent du personnel et revalorisent les salaires»
Les politiques ? "Qu'ils se réveillent et qu'ils viennent voir exactement comment ça se passe dans un service, qu'ils se rendent compte des difficultés qu'on rencontre", exhorte Magali, infirmière à l'hôpital Bicêtre en région parisienne.
La trentenaire demande une chose: "qu'il y ait plus de personnels soignants -médecins et paramédicaux- auprès des patients pour s'occuper dignement d'eux". Mais "avec le Covid, l'hôpital attire encore moins. Les gens n'ont plus envie de venir y travailler", constate la jeune infirmière, en poste dans un service de réanimation.
"On veut bien soigner les gens, mais il faut mettre le personnel pour et traiter ces derniers convenablement pour qu'ils restent", poursuit-elle, jugeant nécessaire "qu'ils recrutent du personnel et revalorisent les salaires".

«Que la politique de santé soit une réelle priorité»
Aurélie, infirmière anesthésiste dans les Hauts-de-Seine depuis six ans, raconte assister "à la déliquescence de l'hôpital public". "Un scénario déjà en route avant le Covid mais qui s'est précipité avec la crise sanitaire".
"Il faut que la politique de santé soit une réelle priorité" du prochain quinquennat "avec un mot d'ordre: attractivité des métiers du soin".
Pour cela, outre les revalorisations et la révision des ratios de patients par infirmier, la quadragénaire juge nécessaire de "donner des perspectives d'évolution aux infirmiers".
"Nous sommes sur le qui-vive concernant la fin de cette législature et le prochain quinquennat", explique l'infirmière anesthésiste, rappelant que les IADE se battent depuis un an pour "une reconnaissance statutaire". Le ministre de la Santé, Olivier Véran, s'y est engagé. Reste à savoir "si les paroles vont être actées concrètement".
Et plus généralement, Aurélie voudrait voir stopper "la démédicalisation de la gouvernance des hôpitaux" pour que les décisions ne se fassent plus uniquement sous le prisme financier. "L'hôpital n'est pas une entreprise de soins". "On a déshumanisé les métiers du soin, sabotant toute vocation".

 

Mais vu du ministère, "il n'y a pas de saturation générale". Au contraire, "il y a encore de la place" dans la plupart des services, malgré la réduction continue des "capacités": 20% en vingt ans, soit 100.000 lits de moins.
Pendant ce temps, la fréquentation des urgences a doublé. Avec 22 millions de passages par an, l'engorgement est manifeste, la tension palpable. La longue grève de 2019 n'avait pas surgi de nulle part. Là aussi les bras manquent, au point que certains services ne tournent qu'avec des intérimaires recrutés à prix d'or.
D'autres affichent porte close la nuit, laissant dans le dénuement ceux pour qui l'hôpital est devenu le premier recours.

Gérer la pénurie

Leur nombre s'accroît à mesure qu'avancent les "déserts médicaux". Selon les définitions, entre 3,7 et 7,4 millions de personnes habitent une "zone sous-dense", où l'accès aux généralistes est limité à deux ou trois consultations par an.
Chez les spécialistes, les délais de rendez-vous se comptent parfois en mois. La faute au choix malthusien du "numerus clausus", supprimé l'an dernier après avoir asséché le vivier pendant un demi-siècle.

Dans le Lot, département rural du Sud-Ouest, Philippe Dumont, 70 ans, cherche en vain depuis trois mois un médecin traitant pour lui et surtout sa femme Véronique, 66 ans, atteinte de deux cancers.
Sa quête l'a mené jusqu'à 60 kilomètres autour de leur village de Gigouzac. Mais il n'a essuyé que des refus.
"La galère" a commencé en octobre, se souvient-t-il, lorsqu'ils essaient de prendre rendez-vous avec leur généraliste à Cahors, à une trentaine de minutes de route de chez eux.
"Un message laconique nous apprend que ce radical antivax, par ailleurs très compétent, a été suspendu par l'ARS."
Depuis, les refus des autres médecins s’accumulent. "Quelle que soit la façon dont on s'y prenne, par téléphone ou par Doctolib, la réponse est toujours la même: +on ne prend plus de patients+"!

Dans ce contexte, le couple envisage de déménager près de Toulouse, à 130 kilomètres de là, où Véronique Dumont est suivie par un oncologue.
C'est déjà dans cette ville qu'ils vont "voir, après avoir pris rendez-vous six mois plus tôt, l'ophtalmo ou les autres spécialistes qui ont déserté le Lot".

"J'ai 62 ans, je vais essayer de tenir encore un peu" avant la retraite: à moins de trois mois de la présidentielle, Dominique Bassenne, l'un des deux derniers gynécologues de Bar-le-Duc déplore, comme plusieurs collègues, le manque de clarté des candidats sur la santé.
Il en est certain: quand il aura définitivement fermé la porte de son cabinet, ouvert en 1996 avec deux associés partis à la retraite depuis, personne ne viendra le remplacer.
"En 2021, j'ai fait 7.500 consultations", raconte le médecin, parfois obligé d'orienter des patientes vers des généralistes. "Mais c'est pareil, ils sont débordés, alors les patientes vont finir aux urgences", elles aussi "débordées", selon lui.
Et pour une consultation à son cabinet, qui ne désemplit pas de 08H30 à 20H00, pas de rendez-vous "avant fin mars", précise le praticien pour qui la situation reste "gérable" mais qui n'a jamais "eu ce délai-là".
La Meuse compte encore huit gynécologues-obstétriciens en activité, en cabinet ou à l'hôpital, selon l'Ordre des Médecins, soit 8,5 praticiens pour 100.000 habitants. La médiane française est de 14,2 pour 100.000, et le département "le moins bien loti" est la Creuse, avec 3,3 praticiens pour 100.000 habitants, précise l'Ordre.
Désormais la démographie médicale recule, quand la population française augmente et vieillit. Un "creux" est attendu dans les prochaines années, qui serait comblé "à l'horizon 2030" grâce au relèvement des quotas d'étudiants admis par les universités.

Au total, les ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur prévoient de former 51.505 médecins entre 2021 et 2025. Emmanuel Macron a promis une enveloppe de 19 milliards pour le Ségur de la Santé et la suppression du numerus clausus, laissant la porte ouverte à la possibilité de créer une 4e année obligatoire des études de médecine dans les déserts médicaux, une idée que défend la candidate LR Valérie Pécresse.
En attendant il faudra gérer la pénurie. Les tentatives répétées pour encadrer la liberté d'installation des praticiens échouent immanquablement: trop conflictuel, pour un résultat incertain, la contrainte risquant d'agir comme un repoussoir.
Même rejet systématique pour l'obligation d'exercer quelques années dans un "désert" après dix ans d'études. Une proposition vécue comme une provocation par des internes déjà pressurés bien au-delà du maximum légal de 48 heures hebdomadaires et sans qui l'hôpital s'écroulerait.

Avec la campagne présidentielle ressurgit aussi l'idée de "débureaucratiser" les établissements publics, reprise en choeur par trois des favoris de droite et d'extrême droite - Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour - à grand renfort de chiffres erronés: loin des 30% à 35% avancés à la volée, les postes administratifs ne représentent que 10% du million de salariés du secteur, contre 13% dans le privé.
A gauche, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot, promettent 100.000 soignants supplémentaires et de nouvelles hausses de salaires, mais la facture du "Ségur", financée à crédit, ne laisse pas de marge de manoeuvre budgétaire, sauf à plomber un peu plus le déficit de la Sécu.
Reste la piste du partage de tâches, qui consiste à élargir les compétences des infirmiers, kinés et autres paramédicaux pour alléger le fardeau des médecins. Mais ces derniers freinent toute évolution, rechignant à échanger leur pouvoir - et l'argent qui va avec - contre ce temps qui leur manque si cruellement.

 

Présidentielle: cinq propositions des candidats sur la santé passées au crible

Une multitude de propositions: avec la crise sanitaire qui a mis en évidence les besoins des hôpitaux et les difficultés pour nombre de Français d'accéder à un médecin, les candidats à l'Elysée fourmillent d'idées pour remettre d'aplomb le secteur de la santé. En voici cinq d'entre elles:

Adieu à l'hôpital-entreprise (gauche)
A gauche, c'est la gestion elle-même des hôpitaux qui est remise en cause par les candidats. Christiane Taubira souhaite ainsi "sortir l’hôpital public de la tyrannie comptable de la tarification à l'activité". Pour y parvenir, elle entend notamment recruter "100.000 soignantes et soignants" et les rémunérer correctement, dignement, à la hauteur des meilleurs de nos partenaires européens", afin de soulager le personnel des hôpitaux fortement éprouvé par la crise sanitaire.
Sa rivale à gauche, la PS Anne Hidalgo, veut elle aussi "tourner la page de l’hôpital-entreprise". Elle prévoit également de recruter massivement et promet de mettre sur pied "une conférence sur les salaires avec les organisations patronales et syndicales".
Au-delà de la gauche, l'ensemble des candidats à l'Elysée proposent de recruter. Mais le chef de l'Etat élu en avril devra aussi trouver le moyen de financer ces mesures, la facture du "Ségur", financée à crédit, ne laissant pas beaucoup de marge de manoeuvre budgétaire.

Des hôpitaux de proximité (Roussel et Mélenchon)
S'il était élu président le 24 avril prochain, le communiste Fabien Roussel entend lutter contre les déserts médicaux en construisant un hôpital public de proximité à moins de 30 minutes de chaque bassin de vie. Le candidat, qui présente la santé comme "un bien commun", prévoit que ces hôpitaux disposent d’une maternité, d'un service d'urgence et de chirurgie.
Dans le même esprit, le LFI Jean-Luc Mélenchon propose un service d'urgence hospitalière, un EHPAD et une maternité à moins de 30 minutes de chaque Français.

"Docteur junior" à la campagne (Pécresse)
Pour lutter contre les déserts médicaux, où les généralistes font défaut, la candidate LR Valérie Pécresse souhaite puiser dans le vivier des étudiants en médecine. "Je proposerai à 4.000 étudiants en médecine générale une année de « docteur junior » pour qu’ils viennent exercer dans les territoires sous-dotés".
Elle souhaite aller ainsi plus loin que la suppression du numérus clausus adoptée par le président sortant Emmanuel Macron, qui n'a pas encore officialisé sa candidature. Cette mesure, votée en 2019 et mise en oeuvre en 2021 par le gouvernement, laisse les universités fixer elle-mêmes leurs capacités d'accueil et ses résultats ne devraient être visibles que dans plusieurs années, lorsque les nouveaux étudiants de 2021 seront diplômés.

Embauches d'urgence de médecins (Zemmour)
Le polémiste d'extrême-droite Eric Zemmour entend lutter contre les déserts médicaux grâce à "l'embauche en urgence" par l'Etat de 1.000 médecins salariés, envoyés dans ces territoires. Pour y parvenir, il cite régulièrement en exemple le département de Saône-et-Loire qui a salarié des médecins dans ses centres de santé. Il défend aussi des services d'urgence de proximité.
Suppression des ARS (Le Pen et Zemmour)
Les Agences régionales de santé (ARS) dont l'action lors du premier confinement avait été fortement critiquées par les élus locaux, se retrouvent malgré elles dans le programme des deux candidats d'extrême droite. Marine Le Pen veut les supprimer et confier leur mission aux préfets de région. Eric Zemmour compte également supprimer les ARS, car il trouve qu'on a "technocratisé la gestion de la médecine". D'une manière générale, la débureaucratisation du secteur de la santé revient chez de nombreux candidats.
Et aussi... des expropriations
A l'extrême gauche, le candidat du NPA Philippe Poutou, veut "exproprier les grands groupes de l’industrie pharmaceutique" afin de "nous réapproprier les outils de production, sans indemnité ni rachat".

(Avec AFP)


Emmanuel Macron entame lundi à Mayotte une tournée dans l'océan Indien

Le président français Emmanuel Macron réagit lors d'une réunion diplomatique avec le chef du bureau présidentiel ukrainien, le conseiller à la sécurité nationale du Royaume-Uni, l'envoyé spécial américain, le secrétaire d'État américain et le conseiller à la sécurité nationale de l'Allemagne au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 17 avril 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron réagit lors d'une réunion diplomatique avec le chef du bureau présidentiel ukrainien, le conseiller à la sécurité nationale du Royaume-Uni, l'envoyé spécial américain, le secrétaire d'État américain et le conseiller à la sécurité nationale de l'Allemagne au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 17 avril 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron entame lundi à Mayotte une tournée de cinq jours dans l'océan Indien afin d'accélérer la reconstruction de l'archipel français
  • Le président français, venu constater l'ampleur des dégâts le 18 décembre, avait alors promis aux Mahorais de revenir pour "lancer le temps de la reconstruction"

PARIS: Emmanuel Macron entame lundi à Mayotte une tournée de cinq jours dans l'océan Indien afin d'accélérer la reconstruction de l'archipel français, dévasté par le cyclone Chido, et de renforcer la place de la France dans cette région stratégique très convoitée.

Le président français, venu constater l'ampleur des dégâts le 18 décembre, avait alors promis aux Mahorais de revenir pour "lancer le temps de la reconstruction", a rappelé la présidence.

Quatre mois après le passage du cyclone, qui a fait 40 morts et causé quelque 3,5 milliards d'euros de dommages, les habitants du département le plus pauvre de France, déjà fragilisé par une forte pression migratoire venue des Comores, peinent à entrevoir le bout du tunnel, au-delà des travaux d'urgence pour rétablir l'eau, l'électricité et les télécommunications.

Le chef de l'Etat, déjà confronté à l'impatience et la colère des Mahorais en décembre, risque de se heurter au même climat lors de ses échanges avec la population et les élus.

"On voit encore des montagnes de déchets, des fils électriques par terre, des toits à l'air libre", déplore le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla.

Emmanuel Macron s'est engagé à rebâtir l'habitat et les infrastructures de Mayotte sur le modèle de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont la restauration s'est achevée cinq ans et demi après un incendie dévastateur, avec des règles spéciales et des délais raccourcis.

"Mayotte doit être plus belle demain qu'elle n'a été même avant le cyclone parce qu'il y avait déjà un territoire qui était en pleine fragilité", assure l'Elysée.

- "Intérêts partagés" -

Emmanuel Macron s'entretiendra aussi avec les responsables de la lutte contre l'immigration clandestine qui reste un défi majeur, alors que le Parlement vient d'adopter un texte très contesté durcissant les restrictions au droit du sol à Mayotte.

Dans la foulée, il rejoindra l'autre département français de la région, La Réunion, également frappé par de violents aléas climatiques et une épidémie de chikungunya, une maladie infectieuse transmise par le moustique tigre.

Le cyclone Garance y a fait cinq morts le 28 février et généré près de 250 millions d'euros de dégâts, dont 150 pour le seul secteur agricole, selon de premiers bilans.

Le président, qui restera mardi et mercredi matin à la Réunion, abordera aussi les enjeux sanitaires liés au chikungunya qui a fait six morts sur l'île depuis le début de l'année.

Il va aussi réaffirmer le "rôle stratégique de La Réunion dans la zone indo-pacifique" où la France entend s'imposer comme un acteur majeur grâce à ses multiples territoires et son immense espace maritime, le deuxième du monde derrière les Etats-Unis.

La Réunion abrite une base navale dans une zone stratégique pour le passage du commerce international, qui renferme aussi de nombreuses richesses en hydrocarbures et halieutiques et attise les rivalités entre grandes puissances.

Dans ce contexte, les visites que le président effectuera ensuite à Madagascar et à l'île Maurice visent à "valoriser nos intérêts partagés", résume l'Elysée.

- Iles Eparses, le sujet qui fâche -

Emmanuel Macron entend renforcer coopérations et alliances dans la région en temporisant sur les multiples points de friction hérités de la décolonisation.

A Madagascar, où la dernière visite bilatérale d'un président français remonte à 2005 avec Jacques Chirac, l'accent sera mis mercredi sur le renforcement des échanges commerciaux et des investissements.

Parmi les sujets qui fâchent, les Iles Eparses, territoire français revendiqué par Madagascar, seront "évoquées" par le président français et son homologue Andry Rajoelina, avec l'idée de relancer la Commission mixte sur l'avenir de l'archipel initiée en 2019, pointe sobrement l'Elysée.

La question de l'intégration de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), instance de coopération intergouvernementale qui réunit Madagascar, l'île Maurice, l'Union des Comores, les Seychelles et La Réunion pour la France, sera l'autre sujet délicat.

Les Comores ne reconnaissent pas la souveraineté de la France sur Mayotte et s'opposent à son entrée dans la COI, réclamée par les Mahorais.

Emmanuel Macron évoquera le sujet de façon "pragmatique" au cinquième sommet de la COI jeudi à Madagascar, "l'enjeu étant d'arriver à progresser sur l'inclusion de Mayotte dans les programmes" de coopération de l'organisation, a tout aussi sobrement esquissé l'Elysée.

A Madagascar puis l'île Maurice vendredi, la sécurité maritime sera au cœur des discussions, tout comme la protection des océans face au changement climatique et à la pollution plastique.


Tensions diplomatiques: Paris réplique à Alger, sans fermer la voie de la négociation

Le président français Emmanuel Macron (G) s'entretient avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune alors qu'ils posent pour une photo de famille avec les chefs d'État du G7 et les chefs de délégation des pays d'outre-mer au Borgo Egnazia, lors du sommet du G7 organisé par l'Italie, à Savelletri, le 14 juin 2024. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (G) s'entretient avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune alors qu'ils posent pour une photo de famille avec les chefs d'État du G7 et les chefs de délégation des pays d'outre-mer au Borgo Egnazia, lors du sommet du G7 organisé par l'Italie, à Savelletri, le 14 juin 2024. (AFP)
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  • L’esprit de dialogue qui a prévalu pendant quelques jours s’est soudain émoussé, à la faveur du rapport de force diplomatique
  • L’Algérie a expulsé douze agents diplomatiques servant auprès de l’ambassade de France à Alger, en riposte à la mise en examen et au placement en détention à Paris de trois ressortissants algériens

PARIS: Entre Paris et Alger, l’ambiance est à nouveau à l’orage, après un semblant d’embellie de très courte durée.

L’esprit de dialogue qui a prévalu pendant quelques jours s’est soudain émoussé, à la faveur du rapport de force diplomatique.

Ce changement brutal survient après l’expulsion par l’Algérie de douze agents diplomatiques servant auprès de l’ambassade de France à Alger, en riposte à la mise en examen et au placement en détention à Paris de trois ressortissants algériens, dont un agent consulaire.

Les trois Algériens sont accusés d’avoir participé à la séquestration de l’opposant algérien Amir Boukhors, influenceur surnommé Amir DZ.

De son côté, Alger estime que cette mise en accusation est l’œuvre du ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau, accusé de vouloir rabaisser l’Algérie.

C’est d’ailleurs ce qui a dicté aux autorités algériennes le choix des agents français expulsés, qui sont tous en charge de la sécurité et, par conséquent, rattachés au ministère de l’Intérieur.

Se disant «consterné» par la décision algérienne, le palais de l’Élysée a fait savoir dans un communiqué que la France «procédera symétriquement» à l’expulsion de douze agents diplomatiques algériens servant sur son territoire.

Sur un ton sec et direct, le communiqué soutient que la décision d’Alger «méconnaît les règles élémentaires de nos procédures judiciaires» et qu’elle est «injustifiée et incompréhensible».

Il indique, par ailleurs, que Paris a également décidé de rappeler son ambassadeur en Algérie, Stéphane Romatet, pour consultation.

Tout au long de la journée d’hier (mardi), les spéculations allaient bon train sur une possible rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.

Le rapprochement esquissé récemment, à la suite d’un échange téléphonique entre les deux présidents – français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune – ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique française, y compris dans les rangs de la majorité.

Mais tel n’a pas été le choix du président français, qui continue à vouloir maintenir une porte de sortie honorable, et éviter les désagréments d’une rupture nette au niveau des intérêts des deux pays et de leurs peuples.

En effet, dès l’annonce des expulsions par l’Algérie, Macron avait exprimé la nécessité de tout mettre en œuvre, dans les 48 heures imparties, pour obtenir des autorités algériennes un retour sur cette décision.

Paris indique cependant que, malgré les échanges entre le ministre des Affaires étrangères français Jean-Noël Barrot et son homologue algérien Ahmed Attaf, aucune évolution de position n’a été constatée.

Les autorités françaises regrettent profondément cette situation, d’autant plus qu’elle intervient à un moment où les deux chefs d’État avaient exprimé leur volonté commune de relancer un dialogue exigeant et constructif.

Cependant, Paris constate que les autorités algériennes ont fait le choix d’instrumentaliser une décision judiciaire française, prise de manière totalement indépendante, prenant ainsi la responsabilité d’une dégradation brutale des relations bilatérales.

Face à cette situation, la France fera tout pour défendre ses intérêts, notamment en matière de sécurité et de coopération migratoire, tout en rappelant à l’Algérie ses engagements internationaux, en particulier ceux qui découlent de conventions bilatérales entre les deux pays.

Néanmoins, côté français on laisse la porte ouverte en soulignant que le président de la République appelle les autorités algériennes à faire preuve de responsabilité et à revenir au dialogue qu’il avait lui-même initié avec son homologue algérien le 31 mars dernier.

Commentant cette dégradation, une source diplomatique française estime que les autorités algériennes ne peuvent pas continuer à saborder les efforts et la volonté d’aller de l’avant affichée par le président français depuis son arrivée au pouvoir en 2017.

Cette même source rappelle que si le rapprochement avec l’Algérie ne fait pas l’unanimité en France, les Algériens aussi sont appelés à accorder leurs violons, d’autant plus qu’une large frange de l’institution militaire algérienne reste elle aussi farouchement hostile à l’harmonisation.

En attendant des jours meilleurs, Paris écarte des répercussions économiques négatives et assure que la procédure reste circonscrite à la sphère diplomatique.

La visite prévue à Alger par le garde des Sceaux Gérald Darmanin est donc suspendue, de même que le sort de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, détenu en Algérie.


Macron va effectuer un déplacement de cinq jours dans l'océan Indien

Le président français Emmanuel Macron applaudit lors d'une cérémonie visant à récompenser les artisans et les fonctionnaires qui ont contribué à la restauration de la cathédrale Notre-Dame au palais de l'Élysée à Paris, le 15 avril 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron applaudit lors d'une cérémonie visant à récompenser les artisans et les fonctionnaires qui ont contribué à la restauration de la cathédrale Notre-Dame au palais de l'Élysée à Paris, le 15 avril 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron va effectuer à partir de lundi un déplacement de cinq jours à Mayotte pour faire le point sur la reconstruction de l'archipel
  • Ce déplacement sera centré sur la stratégie française dans cette partie de l'océan Indien, a expliqué jeudi l'Elysée

PARIS: Emmanuel Macron va effectuer à partir de lundi un déplacement de cinq jours à Mayotte pour faire le point sur la reconstruction de l'archipel, ravagé par le cyclone Chido, à La Réunion ainsi qu'à Madagascar et à l'île Maurice afin d'ancrer les deux départements français dans leur environnement régional.

Ce déplacement sera centré sur la stratégie française dans cette partie de l'océan Indien, a expliqué jeudi l'Elysée.

"Cet espace régional doit s'organiser avec l'ensemble de ses territoires. Il y a un avenir commun à bâtir", a souligné un conseiller du président français, qui assistera au cinquième sommet de la Commission de l'océan Indien à Madagascar.

Le chef de l'Etat est attendu lundi matin à Mayotte, où il avait promis de revenir après son déplacement de décembre, au lendemain du passage du cyclone Chido.

"Il avait alors donné des échéances pour le rétablissement de l'eau, des communications, des infrastructures élémentaires et dit qu'il reviendrait pour lancer le temps de la reconstruction", a indiqué un conseiller.

Le chef de l'Etat aura des échanges avec la population, les élus ainsi qu'une séquence dédiée au secteur agricole afin de "voir comment on a réparé et fait en sorte que les séquelles, blessures, fractures révélées par le cyclone sont en voie de résolution", a indiqué l'Elysée.

Un projet de loi sur la reconstruction de Mayotte sera "présenté prochainement en conseil des ministres", a également précisé un conseiller, sans donner de date mais en rappelant que l'objectif était d'avoir une adoption du texte avant la fin de la session parlementaire à l'été.

"Mayotte doit être plus belle demain qu'elle n'a été même avant le cyclone parce qu'il y avait déjà un territoire qui était en pleine fragilité", a souligné l'Elysée.

A La Réunion, département d'outre-mer à la plus forte croissance économique, Emmanuel Macron va aussi échanger mardi et mercredi sur les effets du cyclone Garance, qui a fait cinq morts en février et provoqué 180 millions d'euros de dégâts sur l'agriculture locale.

Il sera aussi "au côté des Réunionnais" en pleine épidémie de chikungunya qui a fait six morts sur l'île depuis le début de l'année.

L'intégration de Mayotte à la Commission de l'océan Indien - qui réunit Madagascar, l'île Maurice, L'Union des Comores, les Seychelles et La Réunion pour la France - sera à l'ordre du jour du sommet de l'organisation jeudi, a confirmé l'Elysée.

"Mayotte peut avoir un rôle central dans le canal du Mozambique" tout comme la Réunion, qui abrite un important port militaire, est un "hub sur les trajets maritimes", a résumé l'Elysée.