WASHINGTON : Non loin de la Maison Blanche, en plein coeur de Washington, un édifice qui abritait autrefois des bureaux utilisés par le ministère américain de la Justice va être reconverti en logements pour des centaines de personnes.
L'an passé aux Etats-Unis, les promoteurs ont multiplié les achats d'hôtels et bureaux en difficulté, désertés par les touristes et les millions d'employés restés en télétravail, pour les transformer en appartements.
"C'est le marché qui donne le ton, reconvertir ces espaces en logements crée plus de valeur que de les maintenir en tant qu'espaces de bureau", explique Michael Abrams, directeur général de Foulger-Pratt, la société de promotion immobilière qui transforme l'immeuble de 14 étages situé sur New York Avenue en 255 appartements.
Une enquête du service d'annonces d'appartements RentCafe a révélé qu'environ 20 100 appartements avaient été créés aux Etats-Unis l'an passé grâce à ce genre de reconversion, soit près du double de l'année précédente.
Et de telles transformations pourraient bien être la voie à suivre pour revitaliser les centres-villes américains, exsangues près de deux ans après le début de la pandémie.
M. Abrams souligne qu'il est "très coûteux" de laisser des bâtiments inoccupés.
Leur transformation en habitations pourrait, elle, permettre d'atténuer la pénurie de logements et tempérer la hausse des prix, en particulier dans des villes comme Washington où les loyers sont élevés.
"En augmentant l'offre, la hausse des prix des maisons va ralentir, les loyers diminueront", explique Lawrence Yun, économiste en chef de la National Association of Realtors (NAR), la principale fédération du secteur.
La pandémie avait plongé l'économie en récession en 2020 mais elle avait provoqué un boom immobilier inattendu, les cols blancs en télétravail s'étant rués sur les logements plus grands, faisant grimper les prix.
Toujours plus chers
En 2021, le prix médian des maisons existantes a continué son ascension (15,8%).
Et, le mois dernier, l'offre a atteint un creux historique, selon les données de la NAR, exacerbant probablement le manque de logements abordables qui avait commencé avant la pandémie.
En 2017, 48% des locataires consacraient plus de 30% de leurs revenus à payer leur loyer, un chiffre qui avait déjà augmenté de 6% au cours des 16 années précédentes, selon des données du gouvernement.
Les Etats-Unis regorgent de bureaux, dont beaucoup datent des années 1980 et sont aujourd'hui trop vieux pour attirer les entreprises, observe Tracy Hadden Loh chez Brookings Metro.
Ils ont été conçus selon des besoins qui ont aujourd'hui disparu, comme l'espace prévu pour les classeurs, a-t-elle déclaré . "Tout le bâtiment est obsolète".
Marc Ehrlich, directeur des investissements chez Rose Associates, qui a converti des bureaux de New York en logements, estime que ces projets ont tendance à être "des propriétés bien situées mais qui nécessitent une meilleure utilisation".
L'un des derniers chantiers de son entreprise est la transformation d'un bureau autrefois utilisé par la société de télécommunications AT&T en un lieu de vie.
Comme le bâtiment manque de services comme un parking couvert, il est peu susceptible d'attirer des locataires commerciaux, note M. Ehrlich.
Cependant, les nouveaux appartements comprendront des espaces de coworking, car il s'attend à ce que de nombreux locataires continuent à télétravailler.
À Washington, les promoteurs se ruent sur des propriétés autrefois louées par le premier employeur de la région, le gouvernement fédéral, dont The Wray, un immeuble jadis utilisé par le département d'Etat.
Les seules traces de son ancienne utilisation se trouvent dans le hall, où les carreaux sont d'origine, tout comme un répertoire rassemblant les noms des bureaux du département d'Etat.
Dans ces logements reconvertis, les loyers ont tendance à être élevés, a déclaré Mme Loh, car ils nécessitent souvent des rénovations coûteuses telles que la construction de nouvelles salles de bains.
Bien qu'augmenter l'offre atténue la pression sur les prix ailleurs sur le marché du logement, "ce n'est pas une solution à la crise du logement", poursuit-elle.
Elle y voit plutôt "une solution pour revitaliser des zones comme les centres-villes" où les bureaux sont aujourd'hui ultra dominants.