LONDRES : Plus de la moitié des 311 Afghans laissés pour compte par les forces britanniques lors du retrait d'Afghanistan, mais à qui l'on avait promis refuge au Royaume-Uni, sont toujours piégés dans ce pays déchiré par la guerre – certains affirmant que le vrai nombre pourrait se chiffrer en milliers.
De nombreux interprètes et autres Afghans qui ont travaillé avec la Grande-Bretagne au cours de sa mission dans le pays, ainsi que leurs familles qui s'étaient vu promettre un refuge en vertu de la politique britannique d'assistance et de réinstallation en Afghanistan, disent maintenant qu'ils vivent dans la peur des représailles des talibans après que le groupe militant a pris Kaboul en août.
Les ministres ont été accusés d'avoir « tenté de sortir » de la crise, malgré un récent rapport de Human Rights Watch affirmant que les forces talibanes traquaient et tuaient des centaines d’anciennes personnalités gouvernementales et militaires afghanes.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a admis en septembre que les Afghans avaient été laissés pour compte par l'opération Pitting, la mission du Royaume-Uni visant à évacuer les personnes de la capitale Kaboul en août, ajoutant que le gouvernement « ferait absolument tout » pour « s'assurer que ces personnes obtiennent le passage sûr qu'elles méritent. »
Plus tôt ce mois-ci, James Cleverly MP, ministre d'État pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, a confirmé que 167 Afghans éligibles au programme ARAP se trouvaient toujours en Afghanistan, tandis que d'autres éligibles au refuge au Royaume-Uni sont toujours dans des pays tiers désignés.
« Aider tous ceux qui veulent quitter l'Afghanistan et qui sont éligibles pour venir au Royaume-Uni reste une priorité. Le gouvernement a clairement indiqué aux talibans la nécessité d'assurer le passage en toute sécurité à ceux qui ont le droit de se rendre dans un autre pays », déclare Cleverly, ajoutant : « Le programme ARAP reste ouvert. »
Jeudi, le ministère de l'Intérieur britannique a révélé que le programme de réinstallation des citoyens afghans, qui devait aider 20 000 personnes fuyant l'Afghanistan à partir d'août, ne serait opérationnel qu'en janvier 2022.
Plusieurs anciens interprètes ont déclaré au journal The Independent qu'ils vivaient cachés avec leurs familles. L'un d'eux a précisé que sa demande d'ARAP avait été approuvée, mais que lui et sa famille avaient reçu l'ordre de se rendre au Pakistan, ce qu'ils ne pouvaient pas faire sans passeport.
« Nous restons chez des parents à Helmand », a-t-il déclaré. « Il y a un risque élevé. C'est très dangereux ici. Chaque jour, nous sommes menacés par les talibans. Ils nous cherchent. Nous nous cachons. Nous ne sortons pas. C'est une situation difficile.
« Je ne sais pas pourquoi l'équipe ARAP travaille si lentement. Pourquoi ne font-ils pas attention à nous ? Nous sommes éligibles, nous attendons. Il n'y a aucune chance de survie. Il est clair que nos vies sont en danger. Nous mourrons, nous serons tués. »
Le député Johnny Mercer, ancien ministre britannique de la Défense, a déclaré au journal qu'il pensait que les chiffres pourraient être beaucoup plus élevés que ceux annoncés.
« Nous avons laissé des milliers de personnes derrière nous, pas 167 », a-t-il déclaré. « Ces (167) sont simplement ceux qui ont eu une réponse au programme PARA. Ces chiffres représentent simplement ceux qui ont été appelés mais n’ont pas pu se rendre à l'aéroport.
« Le fait est que le programme ARAP était si inefficace que des milliers de personnes que nous aurions dû sauver n’ont même pas obtenu de réponse de leur part, et par conséquent, nous avons laissé derrière nous la grande majorité des personnes que nous devions évacuer.
« Beaucoup craignent maintenant pour leur vie. Tous les ministres le savent, mais ils sont déterminés à passer outre nos engagements envers ces personnes », a-t-il ajouté.
Plus tôt ce mois-ci, un ancien employé du ministère britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement, Raphael Marshall, a révélé qu'au cours de l'opération Pitting, une panne de communication et des faiblesses dans le système avaient conduit à ignorer des milliers de demandes d'aide en provenance d'Afghanistan par le personnel du FCDO surmené. Certains de ceux qui demandaient de l'aide ont plus tard été tués par les talibans.
Le Dr Sara de Jong, co-fondatrice de l'Alliance Sulha, a déclaré à The Independent qu'elle était en contact avec des centaines d'Afghans éligibles à la réinstallation.
« Beaucoup de personnes avec lesquelles nous sommes en contact se cachent et ont quitté leur domicile. Elles ont peu de moyens pour subvenir à leurs besoins. Si elles ne détiennent pas un passeport, il est difficile d’en obtenir un en ce moment », dit-elle.
Elle a parlé au journal du cas d'un Afghan qui travaillait comme garde à l'ambassade du Royaume-Uni en Afghanistan, l'un des nombreux laissés-pour-compte, qui a déclaré à l'Alliance Sulha : « Les talibans peuvent venir dans la région où je vis à n'importe quel moment. Ils interrogent les voisins, et j'ai même peur d'éteindre les lumières. Je suis dans une très mauvaise situation sécuritaire. Je ne peux pas quitter la maison... aidez-moi s'il vous plaît. »
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com