BETHLEEM: Sur la place de la Mangeoire de Bethléem, les quelques bonnets de père Noël et le son des tambours rappellent qu'aujourd'hui, c'est jour de fête. Mais la foule est clairsemée car cette année encore, le coronavirus vient gâcher les festivités du 24 décembre.
Lieu de naissance de Jésus selon la tradition chrétienne, Bethléem voit d'ordinaire affluer plusieurs milliers de touristes et pèlerins étrangers pour Noël. Mais la ville de Cisjordanie occupée doit une nouvelle fois se contenter de célébrations en comité restreint, Israël qui contrôle les accès au territoire palestinien ayant refermé les frontières pour limiter la propagation du variant Omicron.
"C'est tellement différent des autres années, quand c'était bondé", souligne Kristel Elayyan, venue de Jérusalem. "+Oh mon dieu, un étranger!+, se dit-on dorénavant quand on en croise un", sourit cette Néerlandaise mariée à un Palestinien.
Noël à l'ère du coronavirus est une "expérience intéressante" et "agréable", reconnait-elle, mais il ne faut pas que ça devienne une habitude. "Pour une ville comme Bethléem, qui dépend entièrement du tourisme, la pandémie a été extrêmement difficile. On a hâte de revoir les touristes."
La ministre palestinienne du Tourisme Rula Maayah s'est réjouie que cette année, "grâce aux vaccins", Bethléem soit de nouveau en fête après une édition 2021 confinée.
Mais alors qu'ils affichent normalement complets en décembre, les nombreux hôtels de la ville sont ces jours-ci pratiquement désertés. Certains commerces, bien que ce soit la journée la plus importante de l'année, n'ont pas pris la peine d'ouvrir vendredi.
Dans la basilique de la Nativité, des visiteurs ont la chance de pouvoir se recueillir quasiment seuls dans la grotte où serait né Jésus.
"Surréaliste", reconnait Hudson Harder, un étudiant américain de 21 ans. "Egoïstement, on se dit que c'est super de voir cet endroit si vide", dit le jeune homme qui espère pouvoir passer une tête à la messe de minuit, bien que celle-ci soit sur invitation uniquement.
"Mais d'un autre côté, on a de la peine pour les magasins, pour l'argent qu'ils perdent", poursuit-il. "C'est plutôt tragique."
«Pire que la guerre»
A quelques mètres de la basilique, les papes Jean-Paul II et François attendent les clients sur la devanture d'une boutique de souvenirs. A l'intérieur, Victor Epiphane Tabache célèbre son 57e Noël derrière le comptoir du petit commerce qui foisonne de figurines et crèches en bois.
Pour lui comme pour de nombreux commerçants interrogés par l'AFP autour de la place de la Mangeoire, "il n'y a rien à dire sur Noël".
"Seuls les scouts donnent un peu l'impression que c'est la fête", dit-il, las, tandis que résonnent les tambours, trompettes et cornemuses de leur parade.
"La situation est difficile", explique l'homme qui n'a survécu à la pandémie que grâce à l'exportation de sa marchandise, qu'aucun client n'est venu acheter. "On a vécu les Intifadas (soulèvements palestiniens), les guerres. Mais le coronavirus, c'est pire."
Dehors, Maram Saeed prend un selfie en famille devant le grand sapin décoré de boules rouge et or.
Pour cette chrétienne de Jérusalem, c'est un jour de joie après bien des jours d'abattement.
"Mais ça n'est pas encore une année habituelle, nous craignons toujours le pire, nous avons toujours peur du Covid", dit-elle.
Le coronavirus, "c'est pire" que les conflits, abonde-t-elle.
"Dans une guerre, on connait l'ennemi. Avec le Covid, on parle d'un tout petit ennemi, que l'on ne voit pas", résume-t-elle.