PARIS : Donner la priorité aux vaccinés contre le Covid-19 dans l'accès aux soins: ce n'est évidemment "pas envisageable" pour les médecins mais certains font part publiquement de leur lassitude et de la "complexité éthique" posée par l'afflux de non-vaccinés en réanimation.
C'est une tribune résonnant comme un cri d'alarme mais aussi soulevant une question éthique qui est parue dans Le Monde daté de mercredi.
Initié par un collectif d'une quinzaine de médecins de Nouvelle-Aquitaine, en grande majorité réanimateurs, ce texte relaie l'interrogation d'un collègue "confronté à la déprogrammation de certaines opérations en application du plan blanc". Le "plan blanc" permet de déprogrammer des opérations et de réaffecter des personnels vers les services de soins critiques.
"Est-ce normal de priver des malades de lits de réanimation ou de soins chirurgicaux, même non urgents, pour s'occuper de personnes qui ont choisi de prendre le risque de faire un Covid-19 grave alors qu'on peut l'éviter?", demande ce réanimateur en pointant du doigt les non-vaccinés.
"Insidieusement, se pose une question du côté des professionnels de santé: est-ce que le statut vaccinal doit être pris en compte dans la priorisation ?", soulignent les signataires de la tribune, qui rappellent que "la solution de ne pas admettre en réanimation les personnes ayant fait le choix de ne pas se vacciner n'est pas envisageable".
Pour autant, "ne pas se faire vacciner, c'est risquer sa vie, risquer celle des autres, notamment les patients avec des défenses immunitaires faibles chez qui la vaccination est peu efficace, qui ne peuvent compter que sur les autres, mais aussi empêcher certaines personnes plus fragiles d'accéder à la réanimation, retarder la prise en charge d'autres malades atteints de pathologies chroniques", poursuit le texte.
"Toute personne infectée par la Covid doit pouvoir bénéficier efficacement de soins, qu'elle soit vaccinée ou non", a insisté le Syndicat de la médecine générale (SMG), mercredi dans un communiqué.
Le ministre de la Santé Olivier Véran a rappelé mercredi sur BFMTV qu'on trouvait dans les services de réanimation deux catégories de patients: "une petite majorité à l'échelle nationale de patients non vaccinés" et "des gens qui sont vaccinés mais qui sont très fragiles" comme des personnes très âgées ou atteintes de maladies chroniques.
« Epuisement »
Dans le même temps, le variant Omicron se répand "à très vive allure" en France et il pourrait devenir majoritaire entre Noël et Nouvel An, selon le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
"L'hôpital est en situation extrêmement compliquée, on se prépare tous (…) à voir déferler devant nous quelque chose de très fort", a mis en garde mercredi le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) Martin Hirsch.
"Le médecin, pour sa part, reste avant tout un citoyen (vacciné), frappé par un épuisement au travail, dans un système de santé qu'il voit s'effondrer", ont relevé les signataires de la tribune.
Le président de la commission médicale de l'AP-HP, Rémi Salomon, a jugé jeudi sur RTL "compliqué pour les réanimateurs de voir ces patients (non-vaccinés) qui remplissent les lits et embolisent l'hôpital".
"On est obligé de reporter les soins d'autres patients qui eux sont vaccinés mais qui ne peuvent pas avoir l'opération qu'ils attendaient", a ajouté le Pr Salomon. "Bien entendu, on soigne tout le monde mais vous voyez la complexité éthique de ce problème-là".
Pour le Pr Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) qui s'exprimait mardi sur LCI, les non-vaccinés "deviennent des menaces pour l'ensemble de la population, en empêchant des gens qui ont des cancers d'être soignés". "Eux-mêmes ne refuseront pas d'être soignés quand ils seront en train d'asphyxier".