PARIS : Président ou candidat? La question déchaîne les adversaires et les soutiens d'Emmanuel Macron, qui donne un long entretien-bilan à TF1 mercredi soir à moins de quatre mois de la présidentielle, une atteinte à l'"équité" du temps de parole selon l'opposition.
L'interview intitulée "Où va la France?", enregistrée dans les conditions du direct mais malgré tout montée, doit permettre à M. Macron de "répondre aux questions que se posent les Français".
Le chef de l'Etat, qui ne s'est à ce stade pas officiellement déclaré candidat à un second mandat, doit aussi s'exprimer "sur la manière dont il a vécu son quinquennat" et "sa vision de l'avenir", selon le groupe TF1.
Ce ne sera "pas une interview politique classique, ce ne sont pas des questions et des réponses. Vous avez des images, des sons, des photos, c'est une émission avec des écrans à l'Elysée", a détaillé mercredi sur France Inter Thierry Thuillier, directeur de l'information de TF1. "Deux grandes crises, celle des gilets jaunes et la pandémie", seront notamment abordées.
"Toutes les questions ont été posées", notamment sur les "petites phrases qui ont scandé" le quinquennat macronien, a assuré M. Thuillier.
"Qui peut croire qu'un bilan n'est pas un acte de campagne? J'espère qu'on n'est plus au temps de l'ORTF, j'espère qu’il y a des règles d'équité, de loyauté", s'est indigné le chef de file des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau, mercredi sur France 2.
"Le fait de ne pas être en campagne, pour nous, c'est plus un inconvénient qu'un avantage", a opposé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal à la sortie du Conseil des ministres: "Ca nous empêche d'avoir le temps suffisant pour répondre à beaucoup d'attaques, de critiques".
«Propagande électorale»
Plusieurs prétendants à l'Elysée ont fait appel à l'arbitre, en saisissant le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
"A l'évidence, cette émission ne s'inscrit pas dans l'exercice de la charge de président de la République mais bien dans le cadre de l'élection présidentielle à venir", a ainsi attaqué Valérie Pécresse.
La candidate Les Républicains à la présidentielle a été rejointe par l'insoumis Jean-Luc Mélenchon et l'écologiste Yannick Jadot, qui a annoncé sur Twitter saisir le CSA, au nom de l'"équité".
"Si le CSA voulait être objectif, il décompterait les deux heures de ce (mercredi) soir qui sont des heures de propagande électorale", a fustigé mercredi le polémiste d'extrême droite Eric Zemmour sur RTL.
"Pour la dernière prestation télévisuelle qu'il (Emmanuel Macron) a faite, on a séparé dans ses propos le temps de parole strictement régalien, quand il a parlé de la pandémie, de la vaccination", a expliqué à l'AFP le président du CSA Roch-Olivier Maistre.
A l'inverse, "quand il est rentré plus dans le débat politique national, on l'a comptabilisé. Mercredi soir, on fera pareil", a assuré le patron du CSA.
Par conséquent, selon M. Thuillier, "il n'est pas tout à fait exact de dire que l'émission ne va pas être comptabilisée en termes de temps de parole".
«Parler tout seul»
A quatre mois du premier tour de la présidentielle, prévu le 10 avril, l'événement politico-médiatique ne manque pas de relancer les spéculations sur une annonce formelle de la candidature du président sortant.
"Combien de temps va durer cette mascarade qui consiste à faire du président Macron un candidat non assumé mais en pleine campagne", s'est ainsi insurgée la sénatrice LR Alexandra Borgio Fontimp mercredi lors de la séance des questions au gouvernement.
"Je ne comprends pas cette polémique autoportée", lui a répliqué Gabriel Attal, renvoyant l'élue des Alpes-Maritimes aux règles du CSA.
Dès le 1er janvier, en vertu d'une recommandation du CSA publiée en octobre en vue du scrutin de 2022, "le principe d'équité doit être respecté à la fois pour le temps de parole et pour le temps d'antenne".
Autre axe de défense de l'exécutif: la comparaison avec l'intervention du président Sarkozy qui, en janvier 2012, alors qu'il n'était pas encore candidat à sa réélection, avait participé à une émission diffusée sur huit chaînes.
"Macron aime parler tout seul. Il est servi", a tranché Jean-Luc Mélenchon sur Twitter.