PARIS: Ils étaient pour la plupart kurdes irakiens, mais aussi éthiopiens, afghans, kurde d'Iran, somalien et égyptien: vingt-six des vingt-sept migrants morts noyés le 24 novembre dans la Manche ont été identifiés en France, dont une enfant et un adolescent.
Les migrants avaient pris place dans un bateau pneumatique le 24 novembre à Loon-Plage, près de Grande-Synthe (Nord), pour rejoindre les côtes anglaises. Deux hommes seulement avaient pu être secourus, un Kurde irakien et un Soudanais d'après le ministère de l'Intérieur.
Selon le témoignage de l'un deux, 33 personnes étaient à bord lorsque les passeurs les ont comptées.
Vingt-six des vingt-sept corps retrouvés ont été identifiés "formellement" grâce au travail de l'institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN) et du centre hospitalier de Lille, a annoncé mardi dans un communiqué la procureure de Paris, Laure Beccuau.
Il s'agit de dix-sept hommes et sept femmes âgés de 19 à 46 ans, d'un adolescent de 16 ans et d'une enfant de 7 ans.
La procureure a détaillé leurs origines: seize Kurdes d'Irak, un Kurde d'Iran, trois Éthiopiens, une Somalienne, quatre Afghans et un Égyptien".
"Aucune femme enceinte n'a été recensée parmi les victimes" et une personne n'a pas pu être identifiée" à ce jour", précise-t-elle.
Ce naufrage est le plus meurtrier depuis que les traversées de la Manche pour rejoindre les côtes anglaises se sont développées.
«A jamais perdus»
Abdul Saboor, photojournaliste afghan, avait raconté à l'AFP avoir rencontré la famille de kurdes irakiens la semaine précédant le naufrage, après l'expulsion de leur campement à Grande-Synthe.
"Fatiguée", la mère de famille "voulait trouver de l'eau", témoigne-t-il. Sur les photos prises ce jour-là, on la voit esquisser un sourire sous un regard triste, la tête couverte d'une capuche bien serrée. Sur une autre, deux de ses enfants se réchauffent autour d'un feu de palettes.
Abdul Saboor se souvient qu'ils avaient insisté pour lui donner des chips, alors qu'ils n'avaient presque rien.
Au Royaume-Uni, "le garçon voulait devenir coiffeur, la (plus grande) fille professeure d'arts plastiques" et ils avaient posé "des questions sur la météo en Angleterre. Ils étaient très amicaux, très attachants", confie-t-il.
"Leurs rêves resteront à jamais perdus entre les deux frontières", a-t-il écrit en légende de ses photos sur Twitter.
A l'annonce du drame, des familles afghanes s'étaient rendues à l'institut médico-légal de Lille pour identifier des proches dont elles redoutaient le décès en mer.
Une des victimes, Hussein, un Afghan de 24 ans, était arrivée quelques jours avant le drame chez son cousin Amanullah Omakhil, 18 ans, à Dunkerque. Tous deux étaient proches depuis qu'ils avaient pris la route de l'exil ensemble en 2016, après une enfance passée à la frontière pakistanaise.
Quand Hussein avait annoncé tenter sa chance pour l'Angleterre le 23 novembre par bateau, Amanullah n'avait pas essayé de le retenir: "C'était son choix. Il était mon aîné, je ne pouvais pas lui dire +fais pas ci, fais pas ça+", avait-il raconté à l'AFP en français devant l'institut médico-légal.
Hussein aspirait à une "belle vie", aimait les balades et voir des paysages", selon son jeune cousin.
L'enquête de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) doit notamment déterminer les conditions de ce naufrage qui restent floues.
Des questions se posent sur les appels qu'auraient passés les migrants aux autorités françaises et anglaises, quand leur embarcation de fortune a commencé à couler, selon le témoignage d'un rescapé auprès de la chaîne kurde irakienne Rudaw.
La préfecture maritime de la Manche avait exclu que l'appel des migrants en difficulté n'ait pas été traité.
Cinq personnes soupçonnées d'être des passeurs ont été interpellées, selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, mais sans lien avec les faits du 24 novembre.
Ce naufrage a suscité un vif émoi en Europe et relancé les tensions entre la France et le Royaume-Uni.