Malgré leur différends sur l'Etat de droit, Emmanuel Macron et les dirigeants du groupe de Visegrad ont plaidé d'une même voix lundi à Budapest pour mieux protéger les frontières de l'UE contre les migrants illégaux et pour défendre l'énergie nucléaire, deux axes de la présidence française de l'UE.
Déjà lundi midi, en arrivant en Hongrie, l'europhile Emmanuel Macron et le nationaliste Viktor Orban avaient affiché leur bonne entente, se reconnaissant l'un l'autre, dans les mêmes termes, comme "adversaires politiques mais partenaires européens".
Les deux hommes, qui ont échangé une chaleureuse poignée de main, ont préféré mettre en avant leur alliance sur la politique migratoire, la défense européenne et la reconnaissance par l'UE du nucléaire comme énergie "verte".
Cette convergence s'est étendue dans la soirée à l'ensemble des quatre de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), qui avaient invité le président français à assister à leur sommet à Budapest.
La France et ce groupe des pays les plus hostiles de l'UE à l'entrée de migrants sont d'accord, a précisé le président français, pour "réformer Schengen en profondeur, améliorer la protection des frontières extérieures et rendre le retour vers les pays d'origine plus efficace pour ceux qui ne sont pas éligibles à l'asile".
Des thèmes qu'Emmanuel Macron avait mentionnés jeudi parmi ses priorités pour la présidence française de l'UE, qui se télescopera en avril avec l'élection présidentielle.
"Merci pour ces propos", s'est félicité le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, alors que son pays fait face à un afflux de migrants. Et de promettre à la France son soutien pour que l'énergie nucléaire soit reconnue par l'UE comme énergie "verte", tout comme ses homologues tchèque et slovaque.
Les désaccords sur des sujets comme la corruption, l'indépendance de la justice et les droits des minorités LGBT+, sur lesquels la Commission européenne a engagé des procédures de sanctions contre la Pologne et la Hongrie notamment en bloquant le versement des fonds de relance, ont été discutés mais mis de côté.
Emmanuel Macron a expliqué devant la presse que "plutôt que d'utiliser la menace", il espérait "convaincre" et "trouver les bons accords pour sortir du blocage" avec "écoute et respect". "Va-t-on tout régler dans les quinze jours ou dans les six mois ? Je ne crois pas", a-t-il commenté, tout en jugeant qu'il y avait "un chemin pour progresser".
Mais pour l'instant, M. Macron a reconnu une impasse.
La Hongrie "a la volonté assumée de ne pas avancer sur ces sujets d'ici les élections d'avril" et donc l'UE n'effectuera "pas de versement" des fonds, a-t-il dit. Mieux vaut donc selon lui "parler des autres sujets pour "faire avancer l'agenda européen".
Viktor Orban a lui accusé la Commission d'exercer "un chantage politique" en refusant de verser l'argent du plan de relance.
Emmanuel Macron a également profité de sa visite pour rencontrer les dirigeants de l'opposition, dont Peter Marki-Zay, candidat d'un front anti-Orban en vue des législatives du printemps.
Geste symbolique, il s'est aussi recueilli sur la tombe de la philosophe Agnes Heller, décédée en 2019, une figure de l'opposition à Orban.
Comme une réponse au dirigeant hongrois, qui a reçu récemment les rivaux d'extrême droite du président français, Eric Zemmour en septembre et Marine Le Pen en octobre.
Sa convergence de vues avec Viktor Orban et les dirigeants de Visegrad sur plusieurs thèmes contraste avec ses critiques régulières contre les gouvernements hongrois et polonais, qu'il considère comme les chefs de file d'un camp souverainiste, opposé à son camp des "progressistes".
"Mais nous n'avons pas la même histoire et nous n'avons pas traversé le même XXe siècle", a-t-il fait valoir, disant vouloir aussi comprendre les racines de ces divergences.
Avec la Pologne, la Hongrie a adopté plusieurs lois contestées à Bruxelles, notamment un texte interdisant la représentation de l'homosexualité auprès des moins de 18 ans. Et comme Varsovie, elle conteste la primauté du droit européen sur le droit national.