GARRELSWEER, Pays-Bas : Daan Schoolland et sa compagne dormaient à poings fermés lorsqu'un séisme a frappé le petit village de Garrelsweer, dans le nord des Pays-Bas, juste avant 2 heures du matin un mardi glacial de novembre.
"C'était comme une vague, nous pouvions la sentir arriver vers nous", raconte cet enseignant costaud, père de trois enfants. "Quand je me suis réveillé, toute la pièce tremblait encore et mes enfants pleuraient, terrorisés."
Le séisme de magnitude 3,2 a été le plus important depuis plus de deux ans dans cette région agricole plate bordant le plus grand gisement de gaz naturel d'Europe, dans la région de Groningue.
Cette énième secousse a rappelé que bien que le gouvernement ait acté la fermeture prochaine du gisement, celui-ci n'en a pas encore fini avec les villageois des alentours.
Depuis 1986, ces derniers ont subi une série de séismes dus aux poches de vide formées lors de l'extraction de gaz, qui se sont intensifiés ces dix dernières années.
Tout comme de nombreux habitants de cette région agricole qui s'étend jusqu'à la mer du Nord, M. Schoolland a chaleureusement accueilli il y a deux ans la décision de La Haye de stopper les extractions d'ici 2030.
Il a été d'autant plus rassuré lorsque cette fermeture a ensuite avancée à 2022. L'Etat a créé par ailleurs deux commissions pour s'occuper des indemnisations et pour aider les habitants à consolider leurs maisons contre les tremblements de terre.
Mais le soulagement a été de courte durée. Peu après le séisme de novembre, l'organisme public de surveillance des mines a émis un avertissement inquiétant.
"Même si nous arrêtions maintenant d'extraire toute molécule de gaz, les tremblements de terre continueront de se produire", déclare à l'AFP l'inspecteur général de l'organisme, Theodor Kockelkoren.
Selon les estimations, il faudra encore "une vingtaine d'années" pour que la terre sous Groningue se calme enfin, ajoute-t-il.
De quoi faire désespérer les habitants, comme M. Schoolland, engagé dans une bataille juridique avec l'une des commissions gouvernementales pour la réparation de dégâts sur sa maison qu'il attribue aux séismes.
«C'est fou»
"Regardez, ici on voit comment ce studio s'éloigne du reste de la maison", déclare M. Schoolland, montrant une fissure dans la bâtisse construite en 1952.
"C'est vraiment idiot qu'un juge doive maintenant dire +payez ces gens pour les dommages causés par la société minière+", "c'est fou", s'insurge-t-il. Et il n'est pas le seul.
Après s'être réjouis de la fermeture annoncée du gisement, les habitants en quête d'indemnisation ont vite déchanté face au bourbier juridique et technique "beaucoup trop complexe", observe Coert Fossen, vice-président du Groningen Bodem Beweging (GBB), une association de citoyens.
"Certains ont des dégâts sur leurs maisons qui peuvent atteindre 100.000 euros", explique M. Fossen à l'AFP. "Mais ils doivent se battre pour chaque centime".
Pour ne rien arranger, le gouvernement a récemment averti que pour faire face à une flambée des prix de l'énergie en Europe, l'extraction pourrait temporairement augmenter en 2022, année supposée de la fermeture.
Une mesure qui sera prise "s'il n'y a vraiment pas d'autre option", selon le ministre des Affaires économiques et du Climat, Stef Blok.
«J'ai perdu confiance»
Mais les promesses gouvernementales sonnent creux pour les habitants de la région de Groningue, où quelque 27 000 maisons doivent être inspectées pour des raisons de sécurité, selon l'Etat. A peine 8% de ces évaluations ont été effectuées, d'après le GBB.
Le renforcement des bâtisses pour les protéger des futurs séismes "ne se déroule pas bien", admet auprès de l'AFP un porte-parole du ministère des Affaires économiques et du Climat, Jules van de Ven.
Mais l'Etat a débloqué plus d'un milliard d'euros pour financer de nouvelles façons de tester la résistance des bâtiments aux séismes, et 1,5 milliard d'euros supplémentaire pour des projets culturels, éducatifs et sociaux, soulève-t-il.
Un principe juridique a été institué, en vertu duquel les dommages sont présumés avoir été causés par les tremblements de terre, sauf preuve du contraire établie par des experts. L'Etat se charge par ailleurs de réclamer au nom des habitants des dommages et intérêts auprès de la société minière en cause.
Une piètre consolation, estime M. Schoolland, qui affirme avoir "perdu confiance dans le gouvernement".