PARIS: "La +santé démocratique+" du pays est en jeu, préviennent des dizaines de médias dans une tribune publiée jeudi alors que d'autres textes signés par des journalistes de tous horizons appellent les candidats à l'élection présidentielle à respecter la liberté d'information et à préserver leur sécurité.
A l'origine de cette vague de protestation, les multiples éruptions de violence qui ont ponctué dimanche le premier meeting de campagne de l'ancien polémiste et journaliste Eric Zemmour, lui-même blessé au poignet après une empoignade.
"Coups, menaces de mort, remarques antisémites, insultes, vol de matériel… Dimanche 5 décembre, plus de 400 journalistes étaient accrédités pour couvrir le premier meeting d’Eric Zemmour (...) Lors de ce rassemblement à Villepinte (Seine-Saint-Denis), plusieurs de nos confrères journalistes ont été menacés ou agressés, les empêchant d'exercer correctement leur travail", rappellent dans une tribune publiée jeudi près de 30 sociétés de journalistes (SDJ), dont celle de l'Agence France-Presse (AFP).
Deux journalistes de Mediapart, frappés à la tête, ont porté plainte lundi conjointement avec leur employeur pour violences et menaces tandis qu'une équipe de l'émission "Quotidien" a dû être brièvement exfiltrée de la salle par l’équipe de sécurité du candidat d'extrême droite.
Une enquête a été également été ouverte après des violences commises contre des militants de SOS Racisme, venus protester dans la salle contre le candidat.
Or ces "agissements" n'ont "pas fait l'objet d'une condamnation forte et immédiate de la part du candidat concerné, mais aussi plus largement de l'ensemble de la classe politique et médiatique", déplorent les SDJ signataires.
"Faut-il le rappeler ? Il n'est pas normal de craindre pour sa sécurité alors qu'on se rend, dans le cadre de son activité professionnelle, à une réunion politique", expliquent-elles.
Interrogé sur ces incidents, Eric Zemmour avait condamné mardi "toutes les violences" qui avaient perturbé sa réunion publique, tout en qualifiant les militants de SOS Racisme agressés de "provocateurs" et les médias de "complaisants".
Charte de bonnes pratiques
Face à ces violences "de plus en plus fréquentes", environ 40 sociétés de journalistes, dont celle de l'AFP, demandent dans un second texte aux candidats à la présidentielle de "s’engager publiquement" à garantir "le libre accès" des journalistes "aux diverses réunions et manifestations publiques, selon les conditions habituelles d’accréditation".
Mais aussi d'assurer la pleine préservation de "l’intégrité physique des journalistes" au cours d’événements relevant de leur responsabilité, et enfin les exhortent à "s’abstenir de prendre la presse pour cible dans des termes susceptibles de créer un climat hostile".
"Nous enjoignons aux candidats de prendre la pleine mesure des conditions de plus en plus critiques dans lesquelles travaillent les journalistes. La santé démocratique de notre pays aurait tout à perdre d’atteintes répétées au libre exercice de leur métier", concluent-elles.
Plus tôt dans la matinée, vingt directeurs de l'information de médias écrits et audiovisuels, dont l'AFP, avaient déjà appelé "à la responsabilité de chacun des candidats afin que la couverture de cette campagne électorale puisse se dérouler de manière exemplaire".
En rappelant "solennellement la liberté de l'information dans notre démocratie et la nécessité impérieuse pour nos journalistes de pouvoir exercer leur métier dans des conditions de sécurité élémentaires".
Reporters sans frontières, association internationale de défense de la liberté de la presse, a pour sa part dit "s’inquiéter du niveau de violence inédit perpétré à l’égard des reporters" dans un communiqué publié mercredi.
"Il serait sinistre que les candidats et les militants s’arrogent le droit de choisir les journalistes qui leurs plaisent et de mettre les autres à l’écart sous les cris et les coups", a déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de l'ONG.