Alors que tous les yeux sont tournés vers les projets d’Israël d’annexer des parties de la Cisjordanie occupée, le gouvernement et la Knesset ont reçu une fin de non-recevoir de la part de la Haute Cour de justice. Une assemblée de neuf juges a annulé la loi d’expropriation absurde (officiellement la loi pour la régularisation de la colonisation en Judée et Samarie), qui, en 2017, avait légalisé rétroactivement l’expropriation de terres privées palestiniennes pour la construction d’avant-postes et d’autres structures dans les territoires occupés.
Chaque aspect de cette loi, depuis sa création jusqu’à la façon dont elle a été défendue devant les tribunaux, exhale un parfum d’illégalité, d’injustice et d’immoralité... sauf pour ceux qui appartiennent ou soutiennent le mouvement des colons.
Il existe un consensus presque mondial sur le fait que la construction de colonies par Israël dans les territoires occupés est illégale et en violation flagrante de la 4e convention de Genève, en vertu de laquelle il est interdit à une puissance occupante de transférer une partie de sa propre population sur le territoire qu’elle occupe. Le droit humanitaire international (DHI) interdit catégoriquement l’établissement de colonies dans les territoires pris par la force, sans parler de tout transfert de population vers ces territoires.
La loi sur l’expropriation était une tentative méprisable de légaliser la série de confiscations arbitraires et illégales de terres palestiniennes pour construire ou étendre des colonies. Les colons ont réussi à exproprier les Palestiniens de ces terres parce que personne ne s’en souciait assez pour les en empêcher.
Heureusement, le système judiciaire israélien a démontré que cet acte de vol flagrant était également illégal. Si la Haute Cour n’avait pas annulé la loi d’expropriation, elle aurait été interprétée par le gouvernement et les colons comme un feu vert pour poursuivre leurs actions qui, en plus d’être illégales et immorales, ont semé plus de ressentiment chez les Palestiniens et ont encore érodé toute chance de solution pacifique au conflit israélo-palestinien.
La Haute Cour, tout comme l’ONG qui a déposé une requête contre la législation rétroactive, s’est inquiétée du fait que cet abus de pouvoir normaliserait le comportement des colons et de la force d’occupation. Si cela devait se produire, que feraient les propriétaires fonciers palestiniens face à l’une des armées les mieux équipées et les mieux armées du monde, et aux colons également armés jusqu’aux dents et sans respect des frontières ?
Le déséquilibre de pouvoir entre occupés et occupants laisse les Palestiniens de Cisjordanie à la merci des colons, en particulier ceux des avant-postes qui sont hors-la-loi même selon la définition d’Israël, et sur lesquels les autorités ont complètement perdu le contrôle.
Ils mènent une campagne de haine contre les Palestiniens, affirmant que la terre ne leur appartient pas, et qu’ils devraient donc tout au plus être tolérés; tandis que certains colons n’hésiteraient pas, si l’occasion se présentait, à les déplacer à l’intérieur du pays ou même à les expulser complètement de l’autre côté du Jourdain. Mais cette décision de la Haute Cour pourrait bien ne faire qu’arrêter, au moins temporairement, le vol effréné des biens d’autrui.
Si voler des terres pour construire de nouvelles colonies et en étendre d’autres n’était pas suffisant, la tentative de légalisation a ajouté l’insulte à l’injure et a montré un mépris total pour toute notion de procédure régulière.
L’un des piliers du système juridique démocratique est la certitude qui définit tout acte comme légal ou illégal au moment où il est exécuté et exclut, donc les modifications rétroactives de la loi. Ouvrir les portes à de telles dérives compromettrait le bien-fondé et l’équité du système juridique dans son ensemble et conduirait à un comportement arbitraire des gouvernements qui pourraient même être en mesure d’empêcher des rivaux de prendre le pouvoir. La menace qu’un autre dangereux précédent soit établi dans la tentative de légitimer cette spoliation de terres existait: invoquer l’argument du gouvernement devant le tribunal, selon lequel la loi devrait traiter différemment les Israéliens et les Palestiniens parce qu’ils ont des relations différentes avec les autorités.
Ce n’est un secret pour personne que l’occupation et les forces d’occupation favorisent les colons juifs et oppriment les Palestiniens sur place, mais le fait que le gouvernement s’en serve devant les tribunaux pour justifier le vol de terres laisse perplexe. Ce comportement a confirmé le lien entre les colons et le gouvernement, qui ont abandonné toute prétention de civilité ou de honte dans leurs relations avec la population palestinienne occupée.
Les sentiments d’annexion ne sont pas nouveaux, et la tentative, déjà en 2017, de « réglementer » la confiscation des terres privées faisait partie intégrante du processus. La justification de ces actions par un mélange troublant de messianisme religieux, de racisme et d’impératifs de sécurité crée un environnement propice à la brutalité gratuite. Dans le processus, ces colons ont oublié au moins un des dix commandements bibliques : « Tu ne voleras point ».
Mais il y a aussi une lueur d’espoir dans cette triste saga. Un effort concerté des organisations israéliennes et palestiniennes de défense des droits de l’homme et des ONG, ainsi que des autorités locales palestiniennes, a porté ses fruits après une longue campagne juridique visant à mettre fin à l’injustice de la confiscation de la propriété privée des Palestiniens, dont le recours au droit est limité. Les juges ont voté à 8 contre 1 en faveur de l’annulation de la loi sur l’expropriation et pour la réaffirmation de l’État de droit en Cisjordanie occupée.
Cela devrait donner un véritable élan à ceux qui veulent voir aboutir une solution à deux États et la fin de l’occupation, ainsi qu’à ceux qui croient aux droits de l’homme pour chacun sur cette planète.
Cela devrait également encourager les pays, les gouvernements et les individus qui soutiennent l’État de droit à se faire l’écho de la condamnation par la Haute Cour de la violation des droits humains, politiques et civils des Palestiniens, et à soutenir les nombreux Israéliens qui partagent ces valeurs.
Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales à la Regent's University à Londres, où il dirige le Programme des Relations Internationales et des Sciences Sociales. Il est également chercheur associé au Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House. Il contribue régulièrement aux médias internationaux et régionaux. Twitter: @YMekelberg
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com