REYKJAVIK : Personnalité populaire et féministe convaincue, Katrin Jakobsdottir a été reconduite dimanche Première ministre en Islande, où cette figure unificatrice à l'image intègre a su ramener la stabilité politique après une décennie de crise.
Malgré le net recul de son parti Gauche-Verts aux élections de septembre, les partis de la coalition au pouvoir se sont entendus pour que cette ancienne journaliste de 45 ans reste au poste qu'elle occupe depuis 2017.
Un signe qu'elle reste le point d'équilibre de l'inédite alliance gauche-droite nouée il y a quatre ans avec les partis de l'Indépendance (conservateur) et du Progrès (centre-droit), qui avait fait grincer des dents dans son camp.
"Je sais que j'ai été critiquée pour cela, mais quand je regarde en arrière, je pense que ce gouvernement a fait du bon travail, qu'il a vraiment montré ce qui est possible en politique", a-t-elle défendu dans un récent entretien à l'AFP.
Son image d'intégrité séduit bien au-delà de son parti: les Islandais plébiscitaient à près de 60% son maintien à la tête du gouvernement selon un sondage le mois dernier, quand bien même son parti n'a recueilli que 12,6% des suffrages.
Ancienne ministre de l'Education de 2009 à 2013, elle a su rester simple et gagner la confiance loin des scandales, soulignent les analystes.
"Katrín Jakobsdóttir est une politicienne très habile et qui a toujours eu un style consensuel plus que de confrontation", affirme Ólafur Hardarson, professeur en science politique.
C'est seulement la deuxième fois depuis la crise financière de 2008 et ses nombreux soubresauts politiques qu’un gouvernement islandais va au bout de son mandat de quatre ans.
Au prix toutefois d'importantes concessions sur des questions primordiales comme la politique migratoire ou l'environnement.
Il lui a notamment fallu renoncer à créer un parc national dans le centre du pays en vue de protéger l'un des plus grands trésors naturels de l'île, suite au refus de ses deux alliés de voter la législation.
"Sa faiblesse est de ne pas être plus ferme sur les questions qui étaient au cœur du mouvement des Verts de Gauche", regrette l'ex-députée du parti Rósa Björk Brynjólfsdóttir, qui a rejoint les sociaux-démocrates.
Football et littérature
Issue d'une famille d'universitaires et de parlementaires, Katrín Jakobsdóttir est la deuxième femme à occuper le poste de chef de gouvernement en Islande.
Sa conscience écologiste s’éveille au tournant des années 2000 avec le projet très controversé de construction d’un barrage hydroélectrique dans l’est de l’Islande.
"Je ne dirais pas que j’étais l’activiste la plus radicale de la ville, mais oui j’ai débuté ma participation politique par des manifestations", avait-elle raconté au média américain The Nation.
Elle s'engage en 2002 chez les jeunes du Mouvement Gauche-Verts avant de devenir vice-présidente du parti l'année suivante et présidente depuis 2013.
Députée depuis 14 ans, cette sportive à la silhouette fine, chevelure brune et yeux bleus, est la benjamine d’une fratrie de quatre. Elle est aussi une dingue de foot et supportrice acharnée du Liverpool FC depuis sa plus tendre enfance.
L'ambiance est parfois électrique dans son appartement d'un quartier résidentiel du centre de Reykjavík où elle vit avec son époux et ses trois garçons, tous supporters du rival Manchester United.
"Je n'ai pas assez bien élevé les enfants" plaisantait-t-elle lors d'une émission de radio en début d'année, blâmant son mari qui a passé plus de temps avec eux en raison de ses engagements qui l'accaparent.
Dans un pays à l'avant-garde en matière d'égalité sexuelle, elle a placé la cause des femmes dans ses priorités, en allongeant notamment le congé parental.
Ses amis mettent en avant sa face comique - "avec son sens de l'humour et son côté rigolard, elle peut détendre l'atmosphère", témoigne Rósa Björk Brynjólfsdóttir, qui a fait ses études avec elle.
Titulaire d'une licence de lettres en islandais et en français et d'un master en littérature islandaise, Katrín Jakobsdóttir est une grande amatrice de fictions et de polars, trouvant refuge dans la lecture, un plaisir qu'elle s'accorde presque quotidiennement.
"C'est comme une thérapie à la fin de la journée", confesse-t-elle.
Elle a révélé l’an passé travailler avec un auteur local à l’écriture de son premier roman policier.