TRIPOLI: Le Premier ministre libyen par intérim, Abdelhamid Dbeibah, a présenté dimanche sa candidature à l'élection présidentielle de fin décembre, censée mettre fin au chaos dans lequel est plongée la Libye depuis la chute de Mouammar Kadhafi, il y a dix ans.
M. Dbeibah a signé des documents et pris des photos de son dossier déposé au siège de la Haute commission électorale (HNEC) dimanche à Tripoli, à la veille de la clôture des candidatures, selon des images retransmises en direct par la télévision nationale.
Riche homme d'affaires originaire de Misrata (ouest) mais novice en politique, Abdelhamid Dbeibah, 62 ans, a été désigné en février, par un forum de 75 délégués libyens sous l'égide de l'ONU, pour mener la transition jusqu'à la tenue des élections législatives et présidentielle.
Abdelhamid Dbeibah, le prospère homme d'affaires devenu un politicien habile
Abdelhamid Dbeibah, riche homme d'affaires mais novice en politique qui a déposé dimanche sa candidature à la présidentielle en Libye, a profité de son poste de Premier ministre intérimaire pour accroître son pouvoir et sa popularité.
M. Dbeibah est né en 1959 à Misrata (ouest), une cité portuaire historiquement au carrefour des routes marchandes transsahariennes et du négoce maritime en Méditerranée.
Sous la dictature de Mouammar Kadhafi, sa famille avait largement bénéficié du boom économique qu'avait connu la troisième ville de Libye comme d'autres familles de notables locaux.
Marié et père de six enfants, M. Dbeibah est titulaire d'un master d'ingénieur en planification urbaine et en techniques du bâtiment de l'Université de Toronto (Canada).
Avant sa nomination inattendue en février dernier à la tête du gouvernement intérimaire, il avait occupé des fonctions de premier plan sous Kadhafi, figurant dans le premier cercle de l'ancien dictateur.
Il a dirigé la Compagnie libyenne d'investissement et de développement (Lidco), une société étatique d'envergure où il chapeautait notamment un projet d'un millier de logements à Syrte, ville natale de Kadhafi.
Entrée en politique
C'est dans le bâtiment que M. Dbeibah a fait fortune, devenant l'un des hommes d'affaires les plus prospères de Misrata, aux côtés de son cousin Ali Dbeibah. Les deux hommes ont fait l'objet d'enquêtes pour des soupçons de malversations.
Ali Dbeibah faisait néanmoins partie des 75 participants au Forum de dialogue politique, lancé par l'ONU en novembre 2020 et qui avait élu le nouvel exécutif par intérim composé du Premier ministre et d'un Conseil présidentiel de trois membres.
Abdelhamid Dbeibah a aussi dirigé des projets pour l'autre géant des investissements libyens, l'Organisation pour le développement des centres administratifs (ODAC), chargé de moderniser les infrastructures libyennes et dirigé par Ali Dbeibah de 1989 à 2011.
Après la révolte populaire de 2011, M. Dbeibah a fondé le parti "Avenir de la Libye", faisant des débuts timides en politique.
Son ascension n'a vraiment démarré qu'en février quand il a présenté un programme ambitieux pour une période intérimaire d'à peine dix mois, censée sortir le pays de dix ans de chaos et l'acheminer vers des élections législatives et présidentielle en décembre.
Son gouvernement remplace alors celui de Fayez al-Sarraj à Tripoli ainsi qu'un exécutif parallèle installé dans l'Est, sous la houlette du maréchal Khalifa Haftar, également candidat présidentiel.
En mars, il obtient la confiance du Parlement avec pour mission de réunifier les institutions, d'assurer le départ des combattants et mercenaires étrangers et de préparer les élections.
«Retour à la vie»
Mais c'est à l'amélioration du quotidien des Libyens, usés par les conflits, l'insécurité et une inflation galopante, qu'il donne la priorité.
Il assiste aux rassemblements de Scouts ou aux matchs de foot dont il a présidé l'un des premiers clubs (Al-Ittihad), cultivant une image d'homme du peuple. Ses opposants l'accusent de faire campagne en sous-main en vue de la présidentielle.
Sans avoir obtenu un imposant budget prévisionnel, jugé trop élevé par le Parlement, il a convaincu la Banque centrale de lui prêter des fonds pour son plan "Retour à la Vie", qui prévoit des projets de développement pour "toutes les villes et régions de Libye".
Il double les salaires des fonctionnaires et les pensions des retraités, gelés depuis des années. Il créé aussi début septembre un "Fonds de soutien au mariage" destiné à 50 000 jeunes.
"Je veux voir se dresser les tentes des noces, pas celles de funérailles", déclare-t-il en remettant le tout premier chèque de 40 000 dinars (7 800 euros) par couple, dans un pays où le salaire minimum oscille entre 150 et 200 euros.
Censé quitter son poste le 21 septembre après une motion de censure du Parlement de Tobrouk (Est), il convoque un grand meeting à Tripoli où il annonce son maintien en poste, multipliant les jours suivants les bains de foule dans les villes de l'Ouest.
A la mi-novembre, il a été reçu à Paris avec tous les honneurs, lors de la Conférence internationale consacrée à la Libye dont il était l'un des co-présidents.
M. Dbeibah a longtemps laissé planer le doute sur sa candidature sans cesser d'y faire allusion ces dernières semaines.
Les choses se sont précisées lorsqu'il a déposé sa déclaration de patrimoine jeudi, condition requise pour tout candidat.
Prévue le 24 décembre, l'élection présidentielle -la première d'un chef d'Etat au suffrage universel en Libye- est l'aboutissement d'un processus politique laborieux parrainé par l'ONU. Plus de 2,83 millions de Libyens sur environ 7 millions d'habitants se sont inscrits pour voter.
Pour la communauté internationale, la tenue des élections - la présidentielle suivie un mois plus tard de législatives - est essentielle pour pacifier le pays, qui compte les réserves pétrolières les plus abondantes d'Afrique.